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28 mars 2024

L’assemblée générale annuelle de TotalEnergies bloquée par des centaines d’activistes L


a Total loose. Mercredi, à l’appel des Amis de la Terre, Greenpeace, Alternatiba Paris et ANV-COP21, environ 250 activistes ont bloqué et empêché la tenue « en présentiel » de l’assemblée générale annuelle de TotalEnergies dans le 8ème arrondissement de Paris. Ce blocage s’inscrit dans une dynamique de mobilisation grandissante contre la major pétrolière et ses projets d’expansion des énergies fossiles.

« Total, Total, il faut choisir : les énergies fossiles ou notre avenir », « Pas de retrait, pas d’AG ! », « Totalement irresponsable » : vers 8h30 ce mercredi matin, la rue du Faubourg Saint-Honoré (8ème arrondissement de Paris) est particulièrement bruyante. Environ 250 militant·es sont entassé·es devant la salle Pleyel, où doit se tenir l’assemblée générale (AG) de TotalEnergies en milieu de matinée. Les activistes bloquent l’accès à l’événement en s’accrochant les un·es avec les autres. « On refuse que Total fasse sa grand-messe, ait une tribune pour faire son greenwashing devant tous ses actionnaires », explique Edina Ifticene, chargée de campagne énergies fossiles chez Greenpeace.

Les activistes n’ont cessé de scander leurs slogans sous le regard des forces de l’ordre © Justine Prados / Vert

Les ONG mobilisées affichent deux objectifs clairs : d’une part, obtenir le retrait immédiat de TotalEnergies de la Russie – comme l’ont fait Shell ou BP – pour cesser de financer l’effort de guerre contre l’Ukraine; exiger l’arrêt de l’expansion agressive des projets pétroliers et gaziers, d’autre part. Dominika Lasota, une activiste polonaise du mouvement Fridays for Future, lutte depuis des semaines pour que l’Europe impose un embargo complet sur les énergies fossiles russes qui « financent des crimes de guerre ». « Total n’a aucune limite dans sa recherche de profits, et ils osent se retrouver pour boire du champagne et célébrer leurs bénéfices records ? S’ils ne s’arrêtent pas, c’est nous qui allons les arrêter », s’exclame la jeune Polonaise auprès de Vert.

Après une heure et demie de blocage, c’est une victoire pour les activistes : sous la pression des bloqueur·ses, il est annoncé devant un parterre d’actionnaires chagrins que l’assemblée générale n’aura pas lieu en présentiel, mais en huis-clos, et qu’elle sera diffusée en ligne.

Les insultes ont fusé de la part d’actionnaires mécontents du dérangement.

Porte-parole d’Alternatiba Paris, Elodie Nace réfute les reproches qui fusent de la part des petits actionnaires – dont Vert a entendu certain·es se préoccuper davantage de récupérer les cadeaux promis à l’issue de l’AG plutôt que de l’impact de certains projets de TotalEnergies. « C’est gentil de nous dire d’aller poser des questions dans les AG, mais aujourd’hui jouer le jeu ne suffit pas, ne suffit plus, pour se faire entendre », témoigne-t-elle. Elodie Nace rappelle que plusieurs activistes ont été exclu·es, empêché·es de prendre la parole, voire menacé·es de mort lors de l’assemblée générale de la BNP Paribas il y a une semaine.

Devant la salle Pleyel, le blocage a duré plus de cinq heures jusqu’à la fin de l’assemblée générale. L’atmosphère est restée bon enfant, marquée par les chants scandés en continu par les activistes enchaîné·es les un·es aux autres. Lorsque les forces de l’ordre ont tenté de déloger les manifestant·es, Gabriel Mazzolini, activiste chez Alternatiba et les Amis de la Terre, a rappelé la dimension non-violente du mouvement climat. « Ne soyez pas violents avec nous, soyez violents avec ceux qui sont à l’intérieur : ce sont eux qui détruisent votre avenir et celui de vos enfants », a-t-il plaidé à l’intention des policier·es. Ces dernier·es ont d’ailleurs empêché de nombreux médias – dont Vert – de couvrir l’événement pendant plusieurs heures en les expulsant, sans raison valable, au-delà du périmètre de l’action. Après un coup de fil au cabinet du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’ensemble des journalistes ont été autorisé·es à poursuivre leur travail. L’ampleur du déploiement des forces de police, présentes dès le début de la matinée, illustrait bien le niveau de tension aux abords de la salle Pleyel.

La mobilisation va crescendo depuis des semaines

Ces derniers mois, la colère grandit vis-à-vis de la major pétrolière. TotalEnergies a annoncé son intention d’atteindre la neutralité carbone (soit l’équilibre entre le CO2 rejeté par ses activités et celui qu’elle peut stocker) à l’horizon 2050. Mais elle continue d’investir massivement dans l’expansion de projets gaziers et pétroliers. À l’heure actuelle, 70 % des investissements de la multinationale sont dédiés aux énergies fossiles et 20 % à l’exploration de nouveaux projets (Reclaim Finance). À ce titre, une mobilisation mondiale se coordonne peu à peu contre le développement par TotalEnergies de nouveaux projets pétroliers ou gaziers, notamment au Mozambique, ainsi qu’en Ouganda, où l’entreprise prévoit d’implanter l’« EACOP », le plus long oléoduc chauffé au monde (1 445 kilomètres, soit à peu près la distance entre Paris et Séville) et de forer 400 puits de pétrole au sein d’une réserve naturelle.

Pour rappel, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ainsi que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont rappelé qu’il fallait abandonner tout nouveau projet pétrolier ou gazier si l’on espérait contenir le réchauffement climatique en dessous de +1,5 °C par rapport aux températures pré-industrielles (Vert). Soit l’objectif de l’Accord de Paris.

Lundi, à Paris, les ONG 350.org et Notre affaire à tous ont intenté un procès simulé à TotalEnergies dans une représentation volontairement théâtrale. Des activistes d’Ukraine, d’Ouganda, du Mozambique ou de Pologne, ainsi que des figures françaises du mouvement pour le climat sont intervenu·es pour évoquer les atteintes aux droits humains et aux droits de l’environnement perpetrées, selon elles et eux, par la major pétrolière. La compagnie française a été jugée coupable à l’unanimité et « condamnée à la mobilisation générale », a ironisé Clémence Dubois, chargée de campagne chez 350.org.

Lorsque l’activiste Camille Etienne (à gauche) a demandé aux militant·es qui était là pour sa première action, des dizaines de mains se sont dressées. « C’est juste fou de voir tout ça », s’est-elle enthousiasmée. © Justine Prados / Vert

Enfin, ces dernières semaines, l’ONG spécialisée dans l’impact de la finance sur le climat Reclaim Finance a fait campagne pour que les actionnaires votent contre le « plan climat » proposé par TotalEnergies, jugeant ce dernier « défaillant » et incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Plusieurs gros actionnaires – tels que les Assurances du Crédit mutuel, le fonds d’investissement Edmond de Rothschild ou la Financière de l’Échiquier – avaient fait part de leur opposition à cette stratégie climatique insuffisante (Les Échos). Le plan climat a finalement été voté à 88,89 % lors de l’assemblée générale de mercredi – avec trois points de moins que celui de l’année dernière.

Un léger revers pour les activistes mobilisé·es devant les lieux de l’assemblée générale, qui n’en attendaient pas moins. Mais elles et ils ne comptent surtout pas baisser les bras : « On ne laissera pas l’impunité continuer », a martelé l’activiste Camille Etienne.

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