LE SOMMET DES USA/ANASE
8 juin 2022
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Les pays de l’ANASE
Le sommet États-Unis-ANASE [Association des Nations d’Asie du Sud Est. Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Myanmar, Philippines, Laos, Brunei, Singapour, NdT] qui s’est tenu récemment à Washington était censé répondre à ce qu’un responsable de l’administration Biden a appelé la nécessité d’« intensifier notre stratégie [américaine] en Asie du Sud-Est » contre la Chine. La logique sous-jacente de cette politique d’engagement accru des États-Unis envers l’ANASE est un réalignement plus stratégique de la politique étrangère de cette dernière avec Washington à un moment où la recherche d’alliés par les États-Unis contre leurs concurrents stratégiques – la Russie et la Chine – est, depuis la fin de la guerre froide, à son apogée.
En organisant le sommet à un moment où une guerre est en cours en Europe, Washington a essayé de faire comprendre aux pays de l’ANASE que Washington reste « sensible » à la région dans son ensemble et souhaite s’y intégrer. En fait, dans une « déclaration de vision » commune en 28 points, après une réunion de deux jours, les deux parties ont apparemment décidé d’étendre leur relation d’un partenariat stratégique à un « partenariat stratégique global. » Mais dans quelle mesure ce partenariat sera-t-il viable pour les États-Unis, compte tenu des efforts de l’ANASE pour éviter, plutôt que rechercher activement, un enchevêtrement géopolitique mondial ?
Si l’ANASE elle-même peut trouver utile de renforcer ses liens avec les États-Unis pour plusieurs raisons économiques – ce qui est l’une des raisons de l’engagement continu de la région envers les États-Unis, comme l’a montré le dernier sommet – il est très peu probable qu’elle sacrifie sa politique étrangère pour développer des liens seulement avec les États-Unis. D’autre part, la géopolitique de l’ANASE indique que la région exploitera le besoin qu’ont les États-Unis d’avoir des alliés dans la région indo-pacifique pour attirer les investissements étrangers directs de Washington afin d’aider à stimuler sa propre croissance économique, tout en maintenant ses liens économiques profonds et habituels avec Pékin et même la Russie.
Le sommet États-Unis-ANASE, bien qu’il se soit tenu à Washington, a révélé les limites d’un réalignement complet de la politique étrangère entre les deux acteurs. Par exemple, malgré les efforts considérables déployés par Washington pour obtenir une condamnation de l’opération militaire russe en Ukraine par l’ensemble de l’ANASE, la déclaration commune ne mentionne pas du tout la Russie, selon le compte rendu même de la chaîne publique Voice of America. Comme l’a rapporté VoA, les dirigeants de l’ANASE n’ont montré aucune envie de se laisser entraîner inutilement dans le jeu mondial des États-Unis. Jusqu’à présent, l’Indonésie a également résisté aux efforts déployés par les États-Unis pour exclure la Russie du prochain sommet du G20 à Bali, en Indonésie, montrant ainsi qu’un réalignement automatique entre les États-Unis et l’ANASE n’est ni concevable ni possible. Par conséquent, les objectifs de Washington demeurent non seulement illusoires, mais aussi infructueux à bien des égards.
En ce qui concerne les autres pays de l’ANASE, le Myanmar soutient la position russe sur l’Ukraine, le Laos et le Vietnam se sont abstenu de voter contre la Russie à l’ONU.
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