FOOTBALL – L’équipe de France arrive. Après deux jours à Clairefontaine, les Bleus s’installent au Qatar moins d’une semaine avant leur entrée en lice dans la Coupe du monde. Si les joueurs de Didier Deschamps sont concentrés sur la défense de leur titre, d’autres préfèrent mettre en lumière les conditions d’organisation de ce mondial. Au point de le boycotter.

Il y a le scandale humain, mis en lumière par une enquête du Guardian dénombrant plus de 6 500 décès d’ouvriers venus d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka depuis que le pays a obtenu l’organisation de la Coupe du monde en 2010. Il y a aussi le volet écologique. Et c’est peu dire que le Qatar n’a pas bonne presse lorsqu’on parle d’environnement. Avec 32,5 tonnes de CO2 émis par habitant en 2019, le Qatar est l’un des pays qui polluent le plus au monde. C’est aussi le premier pays à atteindre le jour du dépassement. Autrement dit, si en 2022, tout le monde vivait comme les Qataris, l’ensemble des ressources de la planète seraient épuisées dès le 10 février, d’après Global Footprint Network.

En 2018, la FIFA avait estimé l’empreinte carbone de la Coupe du monde en Russie à 2,1 millions de tonnes de CO2. Pour celle de 2022, le Qatar a évalué l’empreinte carbone de l’événement à 3,6 millions de tonnes de CO2. Mais les ONG s’accordent pour dire que ce chiffre est largement sous-évalué et notamment pour cinq raisons, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en haut de l’article.

1. La construction de stade

Pour accueillir la Coupe du Monde, le Qatar a construit sept nouveaux stades dont un fait à partir de containers et qui devrait être démonté à la fin de la compétition. Quant aux six autres, on peine à savoir quand ils seront à nouveau remplis. Leur construction représenterait 206 000 tonnes de CO², d’après le rapport de la Fifa. Un chiffre obtenu grâce à une méthode de calcul avantageuse, comme l’explique l’ONG Carbon Market Watch.

« Puisque la durée de vie de ces stades est de 60 ans et que la Coupe du Monde ne va durer que deux mois, la partie des émissions de construction dont la FIFA se dit responsable correspond à deux mois divisé par 60 ans. Ça pourrait avoir du sens si on parlait d’émissions liées au fonctionnement du stade comme l’énergie. Mais là, on parle des émissions liées à la construction des stades, or il est tout à fait peu probable que ces stades auraient été construits sans la Coupe du Monde. Donc ce serait plus honnête pour nous, que la FIFA s’attribue l’entièreté de ces émissions à son bilan », explique Gilles Dufranes, porte-parole de l’ONG.

Dans un rapport, l’ONG évoque une empreinte des stades de 1,6 million de tonnes, presque huit fois plus que le chiffre officiel.

2. Les stades climatisés à ciel ouvert

Si cette Coupe du monde se déroule en novembre et non en été comme le veut la tradition, c’est parce qu’au Qatar, les températures peuvent vite dépasser les 40 °C en juillet. Alors qu’en novembre-décembre, elles tournent autour de 20-25 °C.

Cela n’a pas empêché le Qatar de prévoir la climatisation dans ces sept des huit enceintes à ciel ouvert qui seront utilisées. Pour réduire la note, le Qatar assure cependant que l’électricité nécessaire proviendra en partie de panneaux solaires installés dans le désert.

3. Le logement

Le Qatar attend 1,2 million de supporters pour la Coupe du monde. Néanmoins ce petit pays, à peine grand comme l’Île-de-France n’a pas suffisamment de place pour loger tout ce petit monde. Il a donc prévu de mettre en place des paquebots hôtels. Le MSC World Europa en est le parfait exemple. Il est parti de Saint-Nazaire et est arrivé le 13 novembre à Doha. Si ce navire n’est pas alimenté au fioul mais au gaz naturel liquéfié (GNL), pour les associations écologistes ce n’est pas forcément mieux.

« Le gros problème du GNL, ce sont les fuites de méthane, un gaz qui a un pouvoir de réchauffement climatique 80 fois plus élevé que le CO2 [sur 20 ans], explique Fanny Pointet, responsable du transport maritime de l’ONG Transport & Environment. Ce qui veut dire que le GNL est finalement pire sur le plan climatique que les carburants conventionnels qu’il remplace. »

4. Les transports

Ils représentent plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de cette Coupe du monde, d’après le rapport de la Fifa. Car transporter en avion les 1,2 million de supporters pourrait représenter 2,4 millions de tonnes de CO2, d’après Greenly, société spécialisée dans le calcul de l’empreinte carbone des grands événements.

Car comme nous l’avons vu, le Qatar est trop petit pour accueillir tout le monde ; en conséquence, une partie des spectateurs sera logée dans les pays alentour, comme à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Le Qatar a donc mis en place un système de navette par avion avec 160 vols allers-retours quotidiens entre Doha et les pays voisins soit un avion toutes les 10 minutes.

5. Neutralité carbone, vraiment ?

Et pourtant le Qatar affirme une dernière aberration : cette Coupe du monde sera la première à atteindre « la neutralité carbone ». Comment les autorités locales veulent-elles l’atteindre ? Grâce à des « crédits carbone ». Pour compenser les supposées 3,6 millions de tonnes de CO2 émis lors de la Coupe du monde, le Qatar s’engage dans des programmes de réduction de CO2 partout dans le monde. Par exemple, parmi les projets approuvés, on retrouve un parc éolien en Serbie ou une usine hydroélectrique en Turquie.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’ensemble des projets validés représentent une compensation d’environ 790 000 tonnes de CO2. On est donc encore bien loin des 3,6 millions, chiffre qui est, rappelons-le, largement sous-estimé.