Par la rédaction d’Algériepart plus (9/1/23)*
Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, a établi un diagnostic très sévère, inquiétant et alarmant de la situation qui règne en ce moment en Algérie. Dans une tribune publiée dans les colonnes du quotidien français Le Figaro, l’homme qui a été ambassadeur de France à Alger à deux reprises, entre 2008 et 2012, puis entre 2017 et 2020, a prévenu que « la Nouvelle Algérie » est en train de s’effondrer sous nos yeux et qu’elle va entraîner la France dans sa chute en raison des conséquences désastreuses de la brutale répression politique menée par le pouvoir algérien sur la stabilité et la sécurité de toute la région du Maghreb.
« S’il fallait résumer brièvement et brutalement la situation, je dirais que l’«Algérie nouvelle», selon la formule en vogue à Alger, est en train de s’effondrer sous nos yeux et qu’elle entraîne la France dans sa chute, sans doute plus fortement et subtilement que le drame algérien n’avait fait chuter, en 1958, la IVe République », a expliqué ainsi Xavier Driencourt dans sa tribune digne d’un véritable pamphlet dirigé contre l’actuel régime algérien.
« La réalité algérienne n’est en effet pas celle qu’on nous décrit: le régime corrompu de Bouteflika est tombé en 2019, et, après des soubresauts, comme dans toute révolution, l’Algérie issue du «Hirak béni» serait, nous dit-on, progrès, stabilité et démocratie », a indiqué encore le diplomate français et auteur du livre retraçant son expérience: L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger (Éditions de l’Observatoire, 2022).
Xavier Driencourt a fait remarquer aussi que « tous les observateurs objectifs constatent que depuis 2020, après peut-être quelques semaines d’espoir, le régime a montré son vrai visage: celui d’un système militaire (formé, on l’oublie, aux méthodes de l’ex-URSS), brutal, tapi dans l’ombre d’un pouvoir civil, sans doute autant affairiste que celui qu’il a chassé, obsédé par le maintien de ses privilèges et de sa rente, indifférent aux difficultés du peuple algérien ». L’ancien ambassadeur de France en Algérie a constaté aussi que « la répression qui s’est abattue sur le pays, répression élaborée et mise en œuvre par une armée qui ne cesse de glorifier les combats contre la France, «ennemi éternel», a fini par avoir raison des espoirs mis un temps dans le Hirak pour une démocratisation du pays ».
Le diagnostic dressé par le diplomate français dessine un pays résigné, abattu et désespéré à cause du poids de la sécuritocratie et de la répression. Pis encore, l’Algérie est devenue un pays décapité de son élite la plus prestigieuse et raffinée à cause des emprisonnements successifs et arbitraires décidés par l’actuel pouvoir algérien exercé d’une main de fer par Abdelmadjid Tebboune et son clan.
« Sont aujourd’hui dans les prisons algériennes non seulement les politiques, fonctionnaires et militaires liés à l’ancien régime – et auxquels l’Armée nationale populaire doit son statut actuel -, mais aussi les journalistes qui ont eu le tort d’écrire des articles hostiles ou réservés sur le régime, et ceux qui, naïvement, ont posté sur les réseaux sociaux un jugement ou une opinion dissidente. Le Covid, dès mars 2020, avait permis à l’armée de commencer le nettoyage politique ; les circonstances internationales, la guerre en Ukraine lui ont permis de mettre définitivement le pays au pas », a relevé ainsi Xavier Driencourt dans sa violente diatribe contre le pouvoir algérien.
Le diplomate chevronné a souligné enfin que la France se trompe lourdement en misant sur le régime Tebboune en espérant qu’il va assurer la stabilité de l’Algérie.
« Croire à Paris qu’en allant à Alger, en cédant aux Algériens sur les dossiers qui leur sont chers, mémoire et visas, nous les gagnerons à notre cause et les amènerons vers plus de coopération est un leurre », a dénoncé Xavier Driencourt en signalant enfin que « par confort ou opportunisme, mais surtout par aveuglement, à Paris, nous fermons les yeux sur la réalité algérienne ; nous faisons mine de croire que le pouvoir algérien est légitime à défaut d’être démocratique, que le discours antifrançais est un mal nécessaire mais transitoire, que la démocratie est un apprentissage qui prend du temps ».
*Source : Algériepart