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24 avril 2024

L’Égypte est une bombe à retardement


L’Égypte est une bombe à retardement

lecridespeuples

Fév 10

Par Ali Bakeer

Source : Arab21, le 4 février 2023

Traduction : lecridespeuples.fr

Suivi de Nasrallah : l’Egypte est au bord de l’effondrement

Daily life of people in the streets and markets on January 30, 2023 in Esna, Egypt [Fadel Dawod/Getty Images]

La vie quotidienne des gens dans les rues et sur les marchés le 30 janvier 2023 à Esna, en Égypte.

La semaine dernière, des écrivains et des professionnels des médias saoudiens ont critiqué le régime égyptien, notamment ce qu’ils ont appelé la « domination croissante de l’armée sur l’État, en particulier sur l’économie », alors que le pays traverse la plus grave crise économique de son histoire, près de dix ans après le renversement du premier gouvernement véritablement élu démocratiquement depuis la création de l’État égyptien. Ces critiques ont été formulées après que des rapports ont fait état de la réticence du Royaume d’Arabie saoudite à envoyer davantage de soutien financier au régime égyptien, et de l’absence du prince héritier Mohammed bin Salman lors d’un sommet convoqué par le dirigeant émirati, Mohammed bin Zayed, et auquel participaient les dirigeants des États du Golfe, de l’Égypte et de la Jordanie. On pense qu’une partie du sommet a discuté de la crise économique égyptienne et du soutien financier au Caire.

En octobre dernier, Al-Sissi a évoqué la réticence des « pays amis et frères » à fournir davantage de soutien financier et économique à l’Égypte, soulignant que ces pays « sont devenus convaincus que l’Égypte est incapable de se relever après l’aide qu’ils lui ont apportée pendant des années pour résoudre les crises et les problèmes ». L’ampleur de la dette publique totale de l’Égypte est d’environ 400 milliards de dollars, ce qui est un chiffre effrayant, non seulement en soi, mais aussi à la lumière du fait que le régime continue à suivre la même approche qui en est à l’origine, en particulier au cours de la dernière décennie. Le contrôle par l’armée de tous les aspects de l’économie et du monde de la finance et des affaires, en plus de sa mainmise sur des milliards de dollars provenant de l’argent du peuple, de l’argent de l’aide et du soutien extérieur, pour les transférer sur des comptes qui servent au bien-être de ses hauts fonctionnaires, ainsi que des hauts fonctionnaires de la présidence et des services de renseignement, constitue le plus grand défi pour le pays.

Bien que la plupart des financiers du régime égyptien sachent que la situation ne peut pas durer indéfiniment et que leur argent ne leur sera peut-être pas rendu, ils ont continué à soutenir le régime au cours de la dernière décennie pour plusieurs raisons, notamment leur crainte de l’instauration d’un régime démocratique dans la région et de l’arrivée des islamistes au pouvoir.

Il est étrange que, malgré la situation misérable de l’Égypte, le Fonds monétaire international continue d’apporter un soutien de plusieurs milliards de dollars au régime sans réelles restrictions ou conditions concernant la réforme ou la libéralisation de l’économie. Pour expliquer cette situation étrange, certains pensent que la relation du régime égyptien avec les États-Unis et l’importance du régime de Sisi pour Israël et la sécurité d’Israël permettent au Caire de toujours obtenir des facilités exceptionnelles par crainte que le pire —du point de vue américano-israélien— se produise dans la région.

Sisi's popularity is decreasing - Cartoon [Sabaaneh/MiddleEastMonitor]

La popularité de Sisi est en baisse – Caricature

Une Égypte faible peut être une cible pour plusieurs parties et, par conséquent, le régime égyptien sert ces parties, en échange de son maintien au pouvoir. Cependant, l’effondrement de l’Égypte est considéré comme un mauvais scénario pour toutes ces parties, étant donné les répercussions qu’il impliquerait, qui dépassent la dimension locale et affectent la dimension régionale. En ce sens, ces parties font du chantage au gouvernement égyptien en lui apportant leur soutien, et le gouvernement leur fait également du chantage en leur rappelant les conséquences de sa chute potentielle et l’impact que cette chute aurait sur eux, notamment l’immigration, l’extrémisme, le terrorisme, etc. Ironiquement, les raisons qui empêchent ces parties de soutenir l’Égypte sont les mêmes qui permettent au régime de survivre. En d’autres termes, si la corruption du régime est considérée comme une porte d’entrée pour rendre l’Egypte faible et gérable, cette corruption est également une carte jouée par le régime pour faire chanter les autres et les motiver à soutenir continuellement l’Egypte en leur rappelant le choix entre le régime actuel ou le chaos.

En réponse à la campagne de critiques contre le régime égyptien et l’armée, certains écrivains égyptiens pro-Sissi ont lancé une contre-campagne, dans laquelle ils ont insulté certains pays et nations du Golfe, ainsi que les institutions médiatiques affiliées à ces pays. Pour résumer les idées susmentionnées, l’un de ces écrivains a déclaré : « L’Égypte d’avant Sissi était un foyer de chaos, d’anarchie et de terrorisme, mais malheureusement, il y a des imbéciles aveuglés par l’argent qui ne réalisent pas que si quelque chose de mauvais arrive à l’Égypte, ils ne survivront pas une minute. Ils ne sont que des phénomènes vocaux dont la vision et la perspicacité sont mortes. » Cette discorde reflète l’ampleur du désaccord entre les parties qui se sont soutenues au cours des dernières années pour préserver l’ancien statu quo et empêcher tout changement positif dans la région.

Bien que je ne pense pas que ce différend se transformera en un éloignement entre ces pays, la question du sort de la crise économique égyptienne et de ses répercussions reste posée. Compte tenu de la réticence du régime égyptien à changer d’approche, il est difficile d’imaginer que la crise disparaîtra d’elle-même et, par conséquent, la question se pose de savoir si l’armée finira par sacrifier Al-Sissi pour se sauver en prenant quelques mesures visant à atteindre la stabilité sans changer fondamentalement la situation. Ou le régime aura-t-il recours au chantage pour garantir la poursuite du flux de soutien financier ?

Quels que soient les scénarios, il est certain que l’Égypte, dans sa situation actuelle, reste une bombe à retardement.

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