Le 13 févier 1991 j’étais à Bagdad quand un bombardier furtif américain – en opération humanitaire – a largué une bombe – forcément démocratique – sur un abri du quartier d’Amiriya. A l’intérieur plus de 400 femmes et enfants sont morts. Et il a été difficile de faire le compte exact de corps brûlés et broyés. Puisque le pilote n’était pas un barbare, mais un soldat du bien semant les graines d’un meilleur avenir, personne n’a imaginé traduire ce criminel contre l’humanité devant un tribunal. Une Cour Pénale Internationale quelconque.
Par Jacques-Marie Bourget
Quelque temps plus tard Madeleine Albright, Secrétaire d’Etat des USA dira, un sourire de vipère accroché aux lèvres, qu’en Irak : « 500 000 enfants morts valaient bien le prix de la démocratie » ! Avoir vécu les moments de ces infamies m’a définitivement éloigné d’un droit-de-l’hommisme qui n’est qu’une Arme de Destruction Massive où le poison des mots remplace la poudre. J’écris ces quelques mots de préambule alors que j’entends évoquer le dernier avatar opposant la France à l’Algérie. Et vous me direz « Quel rapport entre les missiles de Bagdad et les relations entre l’Algérie et une France si hautement civilisée ? ».
Je vous affirme qu’il existe. La nécessité intime qu’ont les français, et leur cortège d’ONG si généreuses, de faire plier l’Algérie relève d’un post impérialisme imposé par le « bien », celui qu’on pouvait lire dans le ciel irakien noir de ferraille et de fureur. J’exagère ? Oui j’exagère.
Les oukases du camp des maîtres, ceux qui continuent de faire la leçon, ont l’avantage insigne de ne pas expédier des innocents à la morgue. Pourtant ce post colonialisme continue de provoquer des blessures cent quatre-vingt-seize ans après la prise d’Abd el Kader et sa smalah. Vous trouverez trop de français qui n’aient pas une saloperie à lancer sur le dos de l’Algérie. Un pays qui, dans leur imaginaire, continue d’être un chez-soi occupé par des squatteurs arabes et berbères. Qui donnera la moindre excuse à un pays vieux de soixante ans, jadis grandi sous le canon colonial, puis libéré par lui-même dans l’atrocité de la guerre ? Il y a quelques jours j’ai pris un taxi algérien qui ma raconté, sa maison étant détruite par l’armée française, son enfance dans un « camp de transit » entre les barbelés et des murs en terre. Comment oublier, effacer une telle histoire ?
Le sommet du mépris étant atteint quand l’Algérie est devenue la première cible des fous d’Allah baptisés GIA. A cet instant le si généreux Occident, plutôt que de venir en aide aux assiégés, a laissé faire et même parfois protégé les terroristes. Le mensonge qu’il fallait propager dans les médias était « Le qui tue qui ? » Une sale baliverne qui voulait faire croire que les militaires algériens entretenaient cette guerre pour mieux tenir le pouvoir… Une infamie. Ai-je dit que l’Algérie était un Eden, le monde en idéal ? Non. Mais je me tais puisque la parole et les actes « français » ont ici commis tous les crimes et que ne prévalent que le silence et le recueillement des cimetières.
L’Algérie fait l’objet d’attaques continuelles au nom des droits de l’homme de la part d’ONG fantoches financées par la CIA et le capitalisme, la seule internationale existant aujourd’hui. Les bouches et les écrits des « bombardeurs » de Bagdad ont pris le manche des pilotes : on flingue mais en douceur. Un exemple me vient. Lors de la dernière réunion du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU la France a sommé l’Algérie d’adopter une législation qui protège mieux les femmes des violence familiales. C’est parfait. Mais au même moment un certain Emmanuel Macron, réputé être président de la République Française, part en goguette avec son frère Kamel Daoud. Un ami et conseiller intime pourtant condamné par un tribunal d’Oran pour avoir frappé son ex-femme ! On tire l’oreille de l’Algérie mais on laisse la sienne intacte pour mettre en valeur la rouflaquette. Après cela, allez vous étonner que les Algériens soient « paranoïaques », mal embouchés, méfiants et toujours à se plaindre. Et qu’ils se méfient des « influences étrangères »…
L’origine de ma colère du jour me vient d’une lettre scandaleuse écrite par le préfet de police de Paris Laurent Nunez à un groupe de citoyens algériens ou franco-algériens, vivant en France et soucieux, par une manifestation symbolique, de montrer leur « désapprobation de cette diffamation » dont souffre leur pays d’origine. Le 14 mars le « Collectif unitaire Franco-Algérien » dépose à la préfecture de Paris une demande afin de manifester le 19 mars place de la République. Rien que de très banal puisque cette même place sert d’open bar à des groupes qui, eux, manifestent contre le gouvernement algérien, ce qui est leur droit. Pouvait-on croire.
Car la réponse est non. Il est bien vu, par la France, de venir secouer des oriflammes sous la statue de la République pour réclamer la mort de la république algérienne. Mais interdit de la soutenir. Pire, dans son courrier le préfet Nunez, il est vrai élevé dans la nostalgie d’une Algérie pays perdu, ose écrire les mots suivants : « Considérant que plusieurs rassemblements contre le régime algérien en place se dérouleront quant à eux également le 19 mars… ». C’est « non » car on ne peut soutenir « le régime algérien ». Vous avez bien lu : le « régime », comme celui de Vichy… Abdelmadjid Tebboune aurait-il quelque chose de Pétain ? Tout cela sous la signature d’un préfet qui fût un temps, heureusement court, ministre de la République Française.
Pour conclure, il est enrichissant d’apprendre que l’Algérie n’est pas une République mais un « régime en place », dont on attend qu’il la perde. Visiblement, trop occupé à danser la lambada à Kinshasa, à reconstruire le Liban, à envahir la Russie, Emmanuel Macron a autre chose à faire que contrôler l’insulte faite à un pays souverain. Après tout, il en a l’habitude.
Jacques-Marie Bourget