Le président de la république algérienne Abdelmadjid Tebboune a la victoire modeste. Car la décision historique que viennent de prendre les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis au Caire le 7 mai en conseil extraordinaire, annonçant le retour de la Syrie en tant que membre de plein droit dans la Ligue arabe, était surtout sa cause, à la fois personnelle et affective, et celle aussi de l’Algérie, peuple et gouvernement. Il s’est impliqué personnellement dans ce combat, discrètement mais très énergiquement.
Par Majed Nehmé
Il faut rappeler que l’Algérie s’était farouchement opposée en 2011 à la décision de cette organisation, sous injonction américaine, de suspendre la Syrie de ses rangs, violant ainsi sa propre charte qui exige l’unanimité dans ce genre de prise de décision. Mais à l’époque une sorte de folie collective s’était emparée des décideurs occidentaux, aidés par leurs marionnettes arabes, pour croire qu’il suffisait de dire que Bachar al-Assad doit partir, pour que cela soit fait. L’Algérie, à cheval sur le droit international, a refusé ce dictat. Comme elle l’avait fait pour l’invasion de la Libye par l’Otan que cette même ligue, dirigée alors par l’Égyptien Amr Moussa, avait honteusement approuvée. On connaît le désastre géopolitique qui s’en était suivi.
Depuis son accession à la magistrature suprême en 2020, le président Tebboune n’avait cessé d’appeler ses pairs à revenir sur cette erreur stratégique qui, douze ans après, n’a conduit qu’à un fiasco sans nom. Car ceux qui avaient parié sur la chute de l’État syrien et de son président, ont été pour leurs frais. Ils s’étaient trompés sur la résilience de l’État syrien, de son armée, et de son peuple comme ils s’étaient trompés, dans la décennie noire, sur la résilience du peuple algérien, de son état national et de son armée.
Lors de sa dernière rencontre périodique avec la presse nationale algérienne, il avait évoqué la position de l’Algérie clairement et fermement. Il a affirmé sans détour que « ce que fait l’Algérie envers la Syrie part du principe qu’il s’agit d’un membre fondateur de la Ligue arabe » et que « ce pays frère ne saurait être privé de ses droits ». Il a aussi réaffirmé que « la position de l’Algérie à l’égard de la Syrie n’a jamais changé ».
Expliquant comment l’Algérie, dès que les premières nouvelles du séisme qui a ravagé ce pays exsangue sont tombées, a été la première à accourir, sans calculs, pour lui apporter secours. « C’était un don du cœur dénué de tout calcul politique », avait-il confié.
Le peuple syrien n’oubliera pas de sitôt cette solidarité spontanée et généreuse. Et ce n’est pas un hasard si la popularité du président algérien est aujourd’hui au zénith en Syrie, en Palestine et dans le reste du monde arabe.
L’Algérie a maintenu tout au long de cette décennie noire syrienne contre vents et marées, ses relations diplomatiques avec la Syrie, ses liaisons aériennes et sa coopération politique et économique, faisant fi des pressions de l’Occident et de certains pays arabes qui avaient imposé un blocus barbare à ce peuple résilient.
Lors de cette rencontre, le chef de l’État algérien a regretté « l’existence d’un un ordre mondial qui s’impose au faible avant le puissant », souhaitant voir un « changement de la vision arabe » et le resserrement des rangs arabes pour devenir une puissance. « Nous devrions être les premiers à croire en notre force ».
Lors du sommet arabe d’Alger en novembre dernier, le président Tebboune avait tenu à ce que le retour de la Syrie à la Ligue arabe soit acté. Mais c’était sans compter avec l’opposition de l’Égypte qui avait tout fait pour retarder une telle décision. A l’époque l’on avait cru que c’était le Qatar et l’Arabie saoudite qui mettaient des bâtons dans les roues. C’est d’ailleurs le président syrien lui-même qui l’avait confié à des personnalités arabes qui l’avaient rencontré. L’Égypte, malgré ses déclarations sibyllines de soutien à la Syrie, était en fait la cible de fortes pressions américaines. Elle essaie aujourd’hui de se rattraper en prétendant qu’elle était derrière la décision de la Ligue arabe à propos de la Syrie. Ce qui est totalement faux. Le président syrien, a pris l’initiative d’appeler son homologue algérien, pour lui faire part « de ses vifs remerciements et de son estime pour les efforts incessants qu’il a consenti pour permettra à la Syrie de retrouver, dans le cadre de la présidence algérienne du Sommet arabe, son siège à la Ligue arabe ».
Lors de ce même appel révélé par un communiqué de la présidence algérienne « le président de la République a exprimé à son homologue syrien son estime et ses félicitations pour le retour de la Syrie, pays frère, à la Ligue arabe, souhaitant au peuple syrien frère davantage de progrès et de force, et à l’action arabe commune de parvenir à la réalisation des aspirations des peuples arabes à la force, à la stabilité et au développement ».
Le même communiqué affirme que « les deux présidents ont convenus également d’échanger les visites et de définir un programme d’action intensif couvrant l’ensemble des secteurs pour une consolidation continue des relations historiques privilégiées unissant les deux pays ».
De son côté, la présidence syrienne a fait également état de cet échange téléphonique entre le président algérien et son homologue syrien au cours duquel « les évolutions positives au niveau des relations interarabes et les moyens de les renforcer bilatéralement et collectivement. »
Le président Bachar al-Assad a mis en exergue le rôle de l’Algérie et son travail pour la réunification des rangs arabes.
Les deux présidents ont discuté également de la coordination efficace et de la coopération de haut niveau entre la Syrie et l’Algérie.
Le président al-Assad « a salué aussi les positions cohérentes de l’Algérie aux côtés du peuple syrien pendant les années de guerre et sa persistance dans ces positions partant des principes sur lesquels elles reposent et sur les relations historiques qui unissent les deux pays et les deux peuples frères. »
A suivre…
Majed Nehmé