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29 mars 2024

Une amende de 1,3 milliard de dollars infligée à Meta met en lumière le complexe de surveillance des données aux États-Unis


Une amende de 1,3 milliard de dollars infligée à Meta met en lumière le complexe de surveillance des données aux États-Unis

lecridespeuples

Mai 29

Cette décision historique en matière de collecte de données démontre que les États-Unis constituent la principale menace en matière de cybersécurité dans le monde.

Par Bradley Blankenship, journaliste, chroniqueur et commentateur politique américain. Il a une chronique diffusée sur CGTN et travaille en tant que reporter indépendant pour des agences de presse internationales, dont l’Agence de presse Xinhua.

Source : RT, 24 mai 2023

Traduction : lecridespeuples.fr

Meta, la société mère de Facebook, a été condamnée à une amende record de 1,2 milliard d’euros (1,3 milliard de dollars) lundi par la Commission irlandaise de protection des données. Elle a également été sommée de cesser de transférer des données collectées auprès des utilisateurs européens de Facebook vers les États-Unis, en violation des lois européennes sur la protection des données.

Selon la décision de la Commission, l’entreprise n’a pas respecté une décision de 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle les données de Facebook envoyées des États membres de l’UE vers les États-Unis, comme le rapporte le New York Times (NYT), « n’étaient pas suffisamment protégées contre les agences de renseignement américaines ». Meta s’apprête maintenant à entamer un long processus d’appel.

Il convient de noter que cette décision de l’UE s’ajoute à une action collective en justice en cours de 725 millions de dollars, qui concerne des centaines de millions d’utilisateurs actifs aux États-Unis de mai 2007 à décembre 2022. Facebook est accusé d’avoir rendu les données des utilisateurs disponibles à des tiers sans leur permission.

Voir Le Washington Post révèle l’ampleur des opérations clandestines du Pentagone sur les réseaux sociaux

Selon le NYT, l’activiste autrichien pour la protection de la vie privée Max Schrems, à l’origine d’enquêtes ayant donné lieu à des affaires précédentes contre Meta, a déclaré : « À moins que les lois américaines sur la surveillance ne soient corrigées, Meta devra restructurer fondamentalement ses systèmes ». Selon Schrems, la solution sera probablement un « réseau social fédéré » où la plupart des données des utilisateurs resteraient dans l’UE, à l’exception des transferts « nécessaires », par exemple lorsqu’une personne de l’UE envoie un message à quelqu’un aux États-Unis.

De son côté, Meta affirme être injustement ciblée. Sir Nicholas Clegg, président des affaires mondiales de Meta et ancien vice-Premier ministre du Royaume-Uni, ainsi que Jennifer G. Newstead, directrice juridique de l’entreprise, ont déclaré dans un communiqué : « Internet risque d’être morcelé en silos nationaux et régionaux, limitant l’économie mondiale et privant les citoyens de différents pays de l’accès à de nombreux services partagés qui sont devenus incontournables », si de telles décisions sont mises en œuvre.

https://www.youtube.com/watch?v=KXJ5O7NlBp4

Cependant, la question qui préoccupe la plupart des gens est de savoir si ces transferts de données représentent un véritable risque pour la sécurité. La réponse est un oui retentissant. En effet, aux États-Unis, le quatrième amendement de la Constitution, qui devrait empêcher les perquisitions et saisies illégales par le gouvernement, a été en réalité suspendu.

Dans l’arrêt historique Carpenter c. États-Unis, la Cour suprême des États-Unis a statué que l’État doit délivrer un mandat de perquisition pour contraindre les entreprises à fournir des données sensibles, dans ce cas des données de localisation. Mais cela ne s’applique pas si les entreprises fournissent volontairement ces données, par exemple en les vendant via des courtiers de données à prix élevés. Cela signifie que les agences gouvernementales peuvent essentiellement écrire un chèque important et acheter des données sur le marché libre, qu’elles soient pertinentes pour une affaire en cours ou non.

Quant à la Cour suprême des États-Unis, elle n’a pas examiné d’autre affaire modifiant cette interprétation de Carpenter, et comme la législation du Congrès est extraordinairement obsolète et loin derrière celle d’autres blocs ou pays, tels que l’UE ou la Chine, il n’y a aucune loi en vigueur pour empêcher le gouvernement d’acheter ces données. Cela pose un dilemme juridique et éthique sérieux.

D’une part, l’État a un intérêt légitime à collecter de nouvelles données pour les affaires en cours. Considérons les dernières données indiquant que près de la moitié des cas de meurtre aux États-Unis restent non résolus. Il est prévisible que les données des grandes entreprises technologiques pourraient contribuer à résoudre ces affaires ; et, en effet, je sais que c’est vrai car mon propre oncle a été inculpé pour une série de viols dans le Kentucky et l’Ohio remontant à trente ans, grâce à des analyses ADN fournies par une entreprise privée spécialisée dans la généalogie et utilisées par les forces de l’ordre.

Dans ce cas, la justice a clairement prévalu. Sans cette preuve, obtenue grâce à un échange volontaire entre l’État et une entreprise privée, ce monstre continuerait de semer la terreur dans la communauté et de détruire des vies. Cette collecte de données a contribué à une juste cause, et je suis en réalité très reconnaissant.

Cependant, il est évident que cela pourrait conduire à des activités néfastes de la part de l’État à l’avenir. Et, étant donné que les personnes qui commettent de tels crimes odieux aux États-Unis ne sont pas des personnes vivant à l’étranger, il n’est pas logique que le gouvernement américain utilise cet argument pour collecter des données à l’échelle mondiale. Même si l’État peut avoir un intérêt pour certaines données, et qu’il est certainement nécessaire d’établir de nouvelles lois régissant cela, le statu quo n’a manifestement aucun objectif légitime.

 

Voir Edward Snowden : ‘La CIA, plaie ouverte des Etats-Unis’

Depuis les révélations d’Edward Snowden il y a dix ans, nous savons déjà que les services de renseignement américains collectent toutes sortes de données en vrac sur des personnes dans le monde entier. Nous savons, selon les informations du Guardian, que les États-Unis disposent de programmes tels que PRISM, qui permettent la surveillance directe des comptes Google et Yahoo des Américains, ou XKeyscore, qui est un outil analytique qui collecte « pratiquement tout ce qui se fait sur internet ». Et les États-Unis sont en mesure de faire cela —maintenir leur hégémonie mondiale en matière d’informations— parce que les entreprises sont contraintes de fournir des données via des mandats de perquisition, et qu’il existe des incitations financières lucratives à remettre volontairement des données à l’État.

Peut-être que cette affaire historique contre Meta sera une sorte de révélation pour les gens concernant la technologie américaine, à savoir qu’elle est extrêmement dangereuse et qu’on ne peut pas lui faire confiance. De nombreux pays à travers le monde, notamment en Europe, prennent exemple sur les services de renseignement américains pour interdire les technologies chinoises ou russes, tout en ignorant complètement l’éléphant dans la pièce : le gouvernement américain et ses partenaires du secteur privé sont les principales menaces pour la cybersécurité mondiale.

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