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9 mai 2024

Netanyahou, en deux mois, a tué le sionisme


Netanyahou, en deux mois, a tué le sionisme
Edouard HussonparEdouard Husson 6 décembre 2023 dans Fil NOM, Une Temps de lecture : 7 minutes
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Netanyahou, en deux mois, a tué le sionisme
This picture released by the Israeli army on November 5, 2023, shows Israel troops patrolling inside the Gaza Strip as battles between Israel and the Palestinian Hamas movement continue. (Photo by Israeli Army / AFP) / RESTRICTED TO EDITORIAL USE – MANDATORY CREDIT « AFP PHOTO / ISRAELI ARMY  » – NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS – DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS

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Deux mois de la guerre la plus atroce jamais menée par l’Etat hébreu: Benjamin Netanyahou a poussé si loin la violence qu’il a de facto, tué le sionisme. Pour la société israélienne, l’urgence est de changer de Premier ministre. Ensuite, il faudra se réinventer pour trouver sa place dans le monde multipolaire, et en vivant à côté d’un Etat palestinien. Certains jugeront la tâche impossible,vu la radicalisation d’une partie de la société israélienne et la haine accumulée dans le monde arabo-musulman contre Israël. Ce serait cependant négliger toutes les forces de reconstruction, de la montée en puissance des BRICS à l’entrée de la Chine dans le ballet diplomatique du Proche-Orient, en passant par le désir de paix du monde arabo-musulman après plus de vingt ans de chaos créé par les guerres américaines. .

Des Palestiniens brandissent leur drapeau national et célèbrent la destruction d’un char israélien à la barrière de la bande de Gaza, à l’est de Khan Younis, dans le sud du pays, le samedi 7 octobre 2023. (AP Photo/Yousef Masoud)/XOB128/23280400744514//2310071312
7 octobre – 7 décembre: cela fait deux mois que la Guerre de Gaza a commencé. Et la journée du 6 décembre a connu son lot d’horreurs, comme tous les jours depuis le 7 octobre. Même la trêve du 24 au 30 novembre n’a pas vu cesser les violences. Les Israéliens ont eu tendance à kidnapper en Cisjordanie autant de prisonniers palestiniens que le nombre qu’ils s’étaient engagés à libérer en échange des otages israéliens détenus par la Résistance Palestinienne.

(A ceux qui me demandent pourquoi je parle de la Résistance Palestinienne: c’est non seulement pour signaler que neuf autres mouvements se sont alliés au Hamas pour la razzia d’otages du 7 octobre; mais en me rappelant la justesse de la prémonition gaullienne du 27 novembre 1967:

[Israël] organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme.

Charles de Gaulle, 27 novembre 1967)
Horreurs sans fin
Concernant ces derniers jours, on peut de nouveau égrener les horreurs commises par l’armée israélienne: l’hôpital Kamal Odwan, dans le nord de la bande de Gaza, a cessé de fonctionner, venant s’ajouter à la longue liste des hôpitaux de Gaza mis hors service par l’armée israélienne depuis deux mois. Les bombardements de Khan Younès, depuis cinq jours, n’ont rien à envier à ceux qui ont touché Gaza au début du conflit. Et sil’on en croit le gouvernement israélien, le massacre va continuer.

Bombardements au phosphore blanc, meurtres d’enfants (qui représentent un tiers des 16 000 victimes de Gaza), destruction d’églises et de mosquées, bombardements de camps de réfugiés etc….Nous assistons impuissants, depuis deux mois, à une violence de masse qui prend la suite des guerres de destruction américaines en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye. Mais l’opinion mondiale s’y intéresse tout particulièrement, parce que nous sommes sur une terre considérée comme sacrée par chrétiens, juifs et musulmans.

On ne s’en rend pas encore compte,sans doute, mais, en laissant voir une telle violence en direct, le gouvernement Netanyahu est en train de discréditer définitivement le sionisme.

La fin du sionisme
Le sionisme a consisté à installer des Juifs en Palestine, sur des territoires qui avaient appartenu, à l’Israël biblique. On dit souvent que c’est la Shoah qui a motivé l’installation de Juifs en Palestine. En réalité,c’est inexact. Le sionisme est un phénomène antérieur à la Shoah. La Shoah n’a joué qu’un rôle: elle a conduit un certain nombre d’acteurs politiques et d’observateurs, à faire preuve (de trop?) d’indulgence face à la manière dont les Juifs israéliens ont toujours plus rogné les territoires laissés aux Palestiniens par les votes et résolutions de l’ONU.

Certains s’indignent que des Juifs n’appliquent pas au sionisme les leçons que l’on peut tirer du génocide des Juifs.La violence commise par Israël est terrifiante au point de se voir qualifiée de “génocide” ou de “nettoyage ethnique”.

(A cet égard, suivez l’irremplaçable travail effectué par Eva Bartlett, journaliste canadienne, qui a vécu plusieurs années au milieu des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie)

Mais seuls les naïfs croient que l’on tire des leçons de l’histoire. La Bible est l’histoire d’un peuple qui ne tire jamais les leçons de l’histoire et à qui Dieu tend pourtant toujours de nouveau la main après de grands malheurs. La Bible nous raconte une histoire universelle sur la nature humaine. Et tout Juif est en droit de s’écrier à celui qui, lisant l’Ecriture Sainte, lui ferait la leçon:”Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère!”

Cela ne doit pas empêcher, au contraire, de désigner les horreurs en cours commises par Israël. Et de chercher à tout faire pour obtenir la fin de la guerre actuelle.

“Netanyahou m’a tuer”
Pour quelqu’un de ma génération, les accords d’Oslo avaient représenté un immense espoir. La manière dont ils ont été bafoués par la colonisation rampante, pratiquement dès le lendemain de leur signature, a suscité d’abord de l’agacement, puis de la colère. Aujourd’hui, c’est plutôt la résignation qui l’emporte: il faut sans doute que la méthode Netanyahou aille au bout de sa course folle.

La carrière de Benjamin Netanyahou, qui fut Premier ministre pour la première fois entre 1996 et 1999, se confond avec le comportement toujours plus aberrant d’une partie des sionistes, qui avaient tout pour faire la paix avec leurs voisins mais ont poursuivi le cauchemar insensé du “Grand Israël”.

Il ne s’agit pas,bien entendu, de se fixer sur un homme: il tient au pouvoir parce qu’il fait face à une société divisée et en partie démoralisée. Mais il faut bien se rendre compte que le vieux chef corrompu, qui soumet le destin d’Israël à son propre combat pour éviter la prison, est en train de fracasser le sionisme.

Les certitudes s’effondrent
Partout dans le monde, on a assisté impuissant, depuis deux mois au massacre des Gazaouis, tandis que le récit sur ce qui s’est vraiment passé le 7 octobre privait définitivement la violence de Tsahal contre Gaza de toute légitimité.

Beaucoup ne s’en rendent pas compte mais les conséquences pour le sionisme vont être terrifiantes:

+ le gouvernement israélien actuel est d’ores et déjà mis au ban des nations

+ le mythe de l’invulnérabilité de l’armée israélienne est en trainde voler en éclats.

+ d’une société qui se sentait invulnérable, au point même de maltraiter sans scrupules les Palestiniens et de traiter les Arabes porteurs d’un passeport israélien comme des citoyens de seconde zone, les Juifs israéliens sont désormais envahis par le doute, ils ont perdu confiance dans Tsahal; et certains se posent la question de quitter Israël

Israël saura-t-il se réinventer sans le sionisme?
Ce qui est certain, c’est que le sionisme a vécu. Les Juifs israéliens vont devoir inventer une nouvelle façon d’être:

+ il ne sera plus possible de s’abriter derrière les Etats-Unis pour piétiner en permanence les demandes de l’ONU.

+ Il va falloir accepter un Etat palestinien.

+ le rapprochement avec les Etats arabes sur le mode des Accords d’Abraham ne sera pas possible,désormais, sans un engagement à négocier puis, surtout, respecter une paix durable.

Enormes défis, que certains jugeront illusoires. Mais, à moins de sombrer collectivement dans la bestialité,les Etats del a région, Israël compris, ont-ils d’autres voies que de faire la paix?

Certains jugeront la tâche impossible,vu la radicalisation d’une partie de la société israélienne et la haine accumulée dans le monde arabo-musulman contre Israël. Ce serait cependant négliger toutes les forces de reconstruction, de la montée en puissance des BRICS à l’entrée de la Chine dans le ballet diplomatique du Proche-Orient, en passant par le désir de paix du monde arabo-musulman après plus de vingt ans de chaos créé par les guerres américaines.
https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/12/06/netanyahou-en-deux-mois-a-tue-le-sionisme/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email& (voir sur telegram « Le courrier des stratèges » aussi)

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