Lettre de Tarek Aziz à Laurent Dumas, 1990, document inédit.
3 avril 2024
DOCUMENT INÉDIT
LETTRE DE M. TARIK AZIZ
A M. ROLAND DUMAS
Le 11 septembre 1990, M. Tarik Aziz, vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères d’Irak, faisait, par l’ambassadeur d’Irak à Paris, remettre en mains propres à M. Roland Dumas, ministre d’État des Affaires étrangères en France, une lettre adressée à tous les ministres des Affaires étrangères des pays du monde arabe et du monde entier.
Cette lettre retrace l’histoire du Koweit, « ses liens historiques, géographiques et humains avec l’Irak et le rôle joué par l’impérialisme britannique dans la séparation de cette partie de l’Irak et sa transfor¬mation en une entité artificielle sous hégémonie britannique en vue de priver l’Irak de son accès naturel et historique aux eaux du Golfe arabe.
En une seconde partie, la lettre décrit le rôle de conspiration joué contre l’Irak par les anciens dirigeants du Koweit à l’instigation des États-Unis et de leurs alliés. La lettre passe également en revue les événements précédant le 2 août 1990 et les développements qui s’en sont suivis jusqu’au 4 septembre, date de la signature de cette lettre » [traduit de la présentation en anglais].
Cette lettre constitue un document inédit en français. Les autorités et la presse de notre pays l’ont délibérément passée sous silence alors même qu’elle apportait, sur le point de vue irakien dans la crise du Golfe, un éclairage particulièrement intéressant.
Monsieur le Ministre,
En pleine évolution de la situation dans la région du golfe Arabe, j’estime nécessaire et utile d’exposer certains faits qui pourraient vous aider à mieux comprendre le contexte des événements qui se sont déroulés dans cette région.
L’Irak, en tant qu’entité politique et centre de plusieurs dynasties, est une réalité bien connue depuis des milliers d’an-nées. Tout au long de son histoire, l’Irak a été un pays maritime célèbre, centre d’importantes activités commerciales. La bour-gade qui s’est développée sur les rives du golfe Arabe au cours des deux siècles derniers, et qui a été appelée le « Koweit », appellation irakienne qui veut dire « la petite agglo¬mé¬ration », était, au XIXe siècle et jusqu’à la première guerre mondiale, un district dépendant de la province de Bassorah et donc une partie intégrante de l’Irak, conformément à la législa¬tion administrative décrétée alors par l’Empire ottoman.
En 1897, Mohsen Pacha, gouverneur de Bassorah, informe Moubarak Al-Sabbah, cheikh du Koweit, de la décision du Sultan de le nommer administrateur du district de Koweit, relevant de la province de Bassorah ; celui-ci avait, sur ordre de la Grande-Bretagne, assassiné ses deux aînés, Mohammed et Jarrah, qui s’étaient opposés au plan visant à faire du Koweit une entité satellite dans la zone d’influence britannique.
En 1899, la Grande-Bretagne a poussé ce même cheikh à conclure avec elle un accord secret de protection, alors qu’il dépendait de l’Empire ottoman et n’avait pas le droit de signer des accords internationaux. Le Sultan ottoman s’est fermement opposé à cet accord et, en 1901, Moubarak Al-Sabbah a de nouveau déclaré allégeance et soumission à l’Empire ottoman.
La Grande-Bretagne n’a pas abandonné pour autant. Elle construisait des bases aux quatre coins du golfe Arabe dans le but d’étendre sa domination coloniale sur cette région dont l’impor¬tance stratégique augmentait, tant sur le plan politique et militaire, dans le cadre de la compétition avec l’Empire Otto-man, que sur le plan économique, du fait qu’elle était un passage commercial vital, que les Britanniques savaient qu’elle renfer¬mait d’énormes réserves de pétrole, et qu’ils voulaient garantir les intérêts de leur empire en affaiblissant tous les États forts de la région.
A cette fin, la Grande-Bretagne a établi son influence au Koweit et tracé des frontières artificielles à l’instar de celles qu’elle a tracées par la suite avec son alliée, la France, au cours de la première guerre mondiale, dans le but de se partager les zones d’influence sur la base de l’accord de Sykes-Picot en 1917 (1).
Ainsi, elle a hypocritement amputé l’Irak, dans le but de priver ce pays, authentique de par sa civilisation, grand de par ses habitants et sa superficie, de l’accès naturel aux eaux du golfe Arabe, accès dont il a toujours bénéficié à travers l’histoire. De cette façon colonialiste et artificielle a été créée pour la première fois, sous domination britannique et selon des frontières factices, sans fondement historique ou géographique, une entité appelée le Koweit.
Depuis sa constitution en 1921, l’État irakien a toujours refusé de reconnaître cette entité artificielle. Les gouverne-ments successifs n’ont cessé de revendiquer la restitution à l’Irak de cette partie dont on l’a amputé, l’équité géographique et historique pour l’Irak, la garantie de ses intérêts économiques et commerciaux et la protection nécessaire à la défense de sa sécurité nationale, malgré les liens étroits à l’époque entre le régime irakien et la Grande-Bretagne.
De son côté, la Grande-Bretagne s’est toujours opposée à tout projet susceptible de rapprocher les enfants du même peuple, en Irak et au Koweit, et de leur permettre d’être en contact continu. C’est ainsi qu’a été rejeté le projet d’adduction d’eau de Chatt-el-Arab au Koweit, celui du chemin de fer jusqu’au Koweit et celui de la construction d’un port irakien au Koweit. Tous ces projets ont été l’objet d’atermoiements et de refus de la part des Britanniques, depuis 1923 et jusqu’au début des années 60. La Grande-Bretagne s’est mise alors à exercer des pressions sur le gouvernement irakien pour qu’il accepte le fait accompli. En 1932, le gouvernement britannique a forcé le premier ministre irakien à tenir une correspondance avec son représentant à Bagdad, à propos de la définition des frontières à la lumière du projet d’accord proposé entre les deux gouverne¬ments, ottoman et britannique, accord qui n’a pas été signé à cause de l’éclatement de la guerre. Mais l’Assemblée nationale irakienne, autorité législative de par la constitution, a refusé d’entériner cette correspondance.
Au cours des années 30, la revendication populaire ira-kienne pour le retour du Koweit à l’Irak s’est développée. La presse nationale a fait siennes ces revendications et les a appuyées par des articles et des documents historiques affir-mant l’appartenance inéluctable du Koweit à l’Irak. En 1933, le colonel Dixon, représentant de la Grande-Bretagne au Koweit, l’a signalé dans ses lettres au résident britannique dans le Golfe, mettant en garde contre le rapprochement de la popula¬tion et insistant sur la nécessité de séparer les habitants du Koweit de leurs compatriotes irakiens.
En 1940, le gouverneur du Koweit a remplacé la direction irakienne des PTT à Koweit par une autre, britannique, et, en 1945, les programmes scolaires irakiens, appliqués dans les écoles du Koweit, ont été remplacés par des programmes égyptiens.
Le roi Ghazi, deuxième roi de l’Irak, était très enthou¬siaste pour l’union entre le Koweit et l’Irak. Il a exprimé le désir de visiter le Koweit en réponse à la visite du cheikh Ahmad Al-Sabbah qui s’était rendu en Irak en 1932. Mais la Grande-Bretagne a tout fait pour décourager cette visite et empêcher le Koweit et l’Irak de parvenir à un accord.
En avril 1938, Toufic Soueïdi, alors ministre irakien des Affaires étrangères, a informé M. Peterson, ambassadeur britannique à Bagdad que : « l’accord anglo-ottoman de 1913 reconnaît le Koweit comme district relevant de la province de Bassorah. L’administration de Bassorah étant passée de l’État ottoman à l’État irakien, il va de soi que cette souveraineté englobe le Koweit, selon les termes de l’accord de 1913. L’Irak ne reconnaît aucun changement au statut du Koweit ».
Au Koweit même, la revendication populaire irakienne du retour du Koweit à l’Irak a eu un écho remarquable auprès de la population. La jeunesse koweitienne a appelé activement au retour à l’Irak. En mars 1938, un rassemblement des « Libéraux du Koweit » a présenté au gouvernement irakien une demande l’appelant à réaliser leur souhait de voir le Koweit revenir à l’Irak. A cette fin, il s’est constitué un « Bloc national » qui a pressé Ahmad Al-Sabbah, cheikh du Koweit, de former un corps législatif représentatif des « Libéraux du Koweit », demande que le cheikh a été forcé de satisfaire. A leur pre¬mière réunion, en 1938, les membres de l’assemblée législative ont demandé le retour du Koweit à l’Irak, ce qui n’était pas pour plaire au gouverneur qui, le 21 décembre 1938, a annoncé la dissolution de l’assemblée, la poursuite de ses membres, leur arrestation et leur répression.
Malgré tout, les Libéraux du Koweit ont continué à reven-diquer le retour à l’Irak. Ils ont adressé plusieurs télégrammes au roi Ghazi, lui demandant d’intervenir. Dans l’un de ces télégrammes, diffusé à Bagdad le 7 mars 1939, ils disaient : « … Notre histoire elle-même appuie le rattachement du Koweit à l’Irak … Nous vivons et mourons sous le drapeau irakien … Ghazi, viens en aide à tes frères au Koweit … ».
L’affaire a évolué en une révolte de masse, organisée par la jeunesse koweitienne le 10 mars 1939 contre le pouvoir au Koweit. Le gouverneur a eu recours aux armes pour disperser la rébellion. Un grand nombre des participants a été jeté en prison.
Le roi Ghazi a tenté d’intervenir pour faire libérer les détenus, sommant le cheikh du Koweit de cesser ses poursuites contre les Libéraux du Koweit.
De fortes pressions britanniques ont été alors exercées sur le roi Ghazi et sur le gouvernement irakien, afin de mettre un terme à leurs revendications. M. Peterson, ambassadeur britan-nique à Bagdad, a eu plusieurs rencontres secrètes avec le roi Ghazi, juste avant la mort de celui-ci. Il a fait pression sur lui pour qu’il cesse de revendiquer le Koweit. Peu de temps après, dans la nuit du 5 avril 1939, le roi Ghazi a trouvé la mort dans un accident inexplicable. En fait, son assassinat avait été com-mandité par la Grande-Bretagne. Son acharnement pour rendre le Koweit à l’Irak a été l’une des raisons de son élimination.
Après l’attentat contre le roi Ghazi, les agents de la Grande-Bretagne ont pris le pouvoir en Irak. La deuxième guerre mondiale a éclaté et les années suivantes ont été mar-quées par des événements et des bouleversements en Irak et dans la région, entre autres la création de l’État d’Israël, la guerre israélo-arabe et la révolution en Égypte exploitée par le colo¬nialisme britannique aux fins du renforcement de son influence au Koweit et de la rupture des liens humains et politiques entre le Koweit et l’Irak.
Le 9 mars 1956, lors de la visite à Bagdad de Sloan Lloyd, ministre britannique des Affaires étrangères, à l’occasion de la réunion consultative du Conseil permanent de la Charte de Bagdad, le premier ministre, Nouri Saïd, a abordé avec lui la question de l’adhésion du Koweit à l’Union arabe qui se préparait. Il a alors promis de soumettre la question au conseil des ministres britannique. La réponse a été portée par l’ambas-sadeur britannique à Bagdad, Michael Write : la Grande-Bretagne était prête à accorder son indépendance au Koweit. Quant à l’adhésion à l’Union, ce dernier avait la liberté de choisir … et afin de mettre l’Irak devant le fait accompli, Toufic Soueïdi, vice-premier ministre de l’époque, a été envoyé en avril 1957 à Chtoura, au Liban, où résidait Abdallah As-Salem Al-Sabbah, cheikh du Koweit, pour discuter avec lui la question de l’adhésion du Koweit à l’Union prévue. Cette rencontre n’a rien donné de positif.
Au début de 1958, Nouri Saïd, premier ministre irakien, a soumis à l’Alliance de Bagdad la nécessité du rattachement du Koweit à l’Irak, et ce au cours d’une réunion à laquelle étaient présents la Turquie, l’Iran, le Pakistan et la Grande-Bretagne, ainsi que John Foster Dulles, secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères, en qualité d’observateur. Ce fut un échec à cause de l’opposition britannique.
Après la constitution de l’Union arabe entre l’Irak et la Jordanie le 14 février 1958, le roi Fayçal II, le premier ministre, Nouri Saïd, et le ministre des Affaires étrangères de l’Union, Toufic Soueïdi, ont soulevé avec Sloan Lloyd, ministre britan-nique des Affaires étrangères, la question de l’union avec le Koweit. Encore une fois les Britanniques s’y sont opposés.
Lorsque le cheikh du Koweit, Abdallah Salem Al-Sabbah, s’est rendu à Bagdad le 10 mai 1958, le roi Fayçal II et le premier ministre Nouri Saïd ont abordé la question de l’adhésion du Koweit à l’Union arabe, à quoi le cheikh du Koweit a répondu qu’il devait en référer d’abord aux Anglais et les consulter.
Le 5 juin 1958, le gouvernement de l’Union a adressé à l’ambassade britannique à Bagdad une note confidentielle relative à l’adhésion du Koweit à l’Union arabe. Cette note disait, inter alia : « Le Koweit était un territoire dépendant de la souveraineté de l’État ottoman, conformément au droit international. C’était un district de la province de Bassorah. Cette souveraineté n’a jamais été contestée, ni de la part des autorités locales koweitiennes, ni de la part des Britanniques. Ces derniers l’ont même implicitement reconnue dans l’accord anglo-turc signé à Londres le 29 juillet 1913, accord qui stipule dans son article 6 le droit du cheikh du Koweit à exercer son autorité administrative en qualité de Caïmacam ottoman (administrateur local) rattaché à la province de Bassorah. »
En conséquence, le gouvernement irakien et le gouvernement de l’Union arabe ont acquis la conviction que la Grande-Bre¬tagne faisait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la réalisation de cet objectif. Les relations sont devenues très tendues entre l’Irak et la Grande-Bretagne. L’Irak a redoublé ses efforts et sa pression sur la Grande-Bretagne. Le gouver¬nement irakien a élaboré un mémorandum appuyé par des documents et des analyses sur la nécessité de l’adhésion du Koweit à l’Union arabe. Il était prévu de diffuser ce mé-morandum le 12 juillet 1958. L’ambassadeur britannique a demandé qu’on en retarde la diffusion. Il a informé Toufic Sou-eïdi, ministre des Affaires étrangères de l’Union, de l’accord de principe britannique sur l’adhésion du Koweit, les détails devant être étudiés lors d’une réunion prévue à Londres le 24 juillet 1958, entre le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères de l’Union d’une part, et le ministre britan-nique des Affaires étrangères d’autre part. La révolution du 14 juillet 1958 ayant éclaté en Irak, cette réunion n’a pas eu lieu.
En 1961, la Grande-Bretagne a décidé de donner ce qu’elle a appelé « son indépendance » à cette entité montée de toutes pièces. Le premier ministre irakien a déclaré alors, dans une conférence de presse tenue le 25 juin 1961, que l’Irak considérait le Koweit comme partie intégrante de son territoire et qu’il ne reconnaissait pas l’accord de relations privilégiées entre la Grande-Bretagne et le Koweit, signé le 19 juin 1961 par Ab¬dallah Salem Al-Sabbah, cheikh du Koweit, et M.G. Mead, résident britannique dans le Golfe. A la suite de cette décla-ration, la Grande-Bretagne a mobilisé ses forces militaires contre l’Irak pour protéger sa « création », à savoir « l’État du Koweit ».
Le 20 juillet 1961, le Conseil de la Ligue arabe a tenu une réunion pour étudier la candidature de ce qui a été appelé « l’État du Koweit ». Furieux, Hachem Jawad, ministre irakien des Affaires étrangères de l’époque, a quitté la réunion. Sans cette erreur, la Ligue n’aurait pas pu prendre la décision d’accepter la candidature du Koweit. Cette entité artificielle n’aurait pas pu devenir membre de la Ligue et par la suite des autres organisations internationales, car l’acceptation d’un nouveau membre au sein de la Ligue arabe exige l’unanimité.
Le 21 juillet 1961, le ministère irakien des Affaires étran-gères a fait un communiqué considérant la décision 35-1777 de la Ligue arabe, relative à l’admission du Koweit au sein de la Ligue, comme une violation flagrante de la Charte de la Ligue qui exige l’unanimité pour l’acceptation d’un nouveau membre. Il a déclaré cette décision nulle et non avenue, réitérant sa position quant à l’appartenance du Koweit à l’Irak et affirmant que ce dernier chercherait par tous les moyens légaux à recou-vrer cette partie dont on l’a amputé.
Entre 1961 et fin 1963, le gouvernement de l’ancien régime du Koweit a échoué à plusieurs reprises dans sa tentative pour devenir membre de l’ONU.
Après la chute du régime politique qui a gouverné l’Irak entre juillet 1958 et février 1963, le chef de l’ancien gouver-nement koweitien s’est rendu à Bagdad, fin 1963, alors que la situation politique était très tendue en Irak. Une déclaration commune a été faite sur la base de la correspondance de 1932. Mais le Conseil national du Commandement de la Révolution, en sa qualité d’autorité législative suprême en Irak, conformé-ment à la Constitution provisoire de 1963, n’a pas entériné cette déclaration.
Ce rappel historique montre bien que les gouvernements successifs en Irak n’ont jamais accepté l’amputation de cette partie de leur territoire, n’ont pas signé de convention de frontières avec l’entité artificielle qu’on y a établie et n’ont décrété aucune loi constitutionnelle définissant ces frontières.
Telle était la situation lorsqu’a éclaté la Révolution du 17-30 juillet 1968. Le gouvernement de la Révolution, sur directive du président Saddam Hussein, s’est efforcé de trouver une solu-tion à ce problème qui garantirait raisonnablement les droits historiques de l’Irak et mettrait un terme à l’injustice infligée à l’Irak depuis le début du siècle.
Au cours des années 70, l’Irak a toujours pris l’initiative d’aborder cette question avec les précédents dirigeants kowei-tiens, en vue de parvenir à un arrangement. Mais ces derniers, encouragés par leurs alliés étrangers, insistaient pour que l’Irak accepte les mesures imposées par le colonialisme britannique. En 1972 et 1973, le ministre irakien des Affaires étrangères s’est rendu à Koweit pour discuter du problème. Le ministre de l’Intérieur lui-même a visité Koweit le 16 mai 1978. Plusieurs comités ont été formés, mais sans résultat.
Puis cette page a été tournée à cause de la guerre entre l’Iran et l’Irak. Immédiatement après la libération de l’île de Fao, alors que nous assistions au sommet d’Alger en mai 1988, nous avons informé le ministre des Affaires étrangères de l’ancien régime koweitien de notre désir sincère de trouver une solution à ce problème. Nous avons été surpris de constater que le régime en question ne mettait aucune hâte à réagir. La réponse ne nous a été donnée qu’au début du mois de juillet 1988, lorsque le ministre des Affaires étrangères de ce régime a visité Bagdad. Il a été alors convenu que les deux ministres des Affaires étrangères se pencheraient sur la question.
Les entretiens entre les deux ministres ont été retardés à cause des discussions irano-irakiennes dont je m’occupais. Le président a alors décidé d’envoyer le vice-président du Conseil du Commandement de la Révolution à Koweit, le 6 décembre 1988, afin d’inciter le régime d’alors à reprendre les discussions. Il a été convenu qu’elles seraient menées par notre envoyé et par l’héritier du régime koweitien.
Quelque temps plus tard, le 6 février 1989, Saad El-Abdallah s’est rendu en Irak en réponse à la visite du vice-président du Conseil du Commandement de la Révolution. Il est apparu qu’il n’était nullement prêt à considérer la demande légitime de l’Irak, même à un niveau minimum.
Le 27 mars 1989, Saoud El-Oussaïmi, secrétaire d’État aux Affaires étrangères sous le régime précédent, s’est rendu à Bagdad pour demander officiellement que l’on remette la discussion à plus tard. Au mois de septembre 1989, lors de la visite à Bagdad du cheikh du Koweit, le président Saddam Hussein lui a proposé encore une fois de poursuivre les discus-sions à propos des frontières. Il a été convenu de confier cette tâche au docteur Saadoun Hamadi, vice-premier ministre, et au ministre koweitien des Affaires étrangères. En effet, Saadoun Hamadi s’est rendu à Koweit le 19 novembre 1989, mais le ministre koweitien des Affaires étrangères n’a répondu à cette visite qu’en février 1990.
Il est à noter que les précédents dirigeants du Koweit ont profité de la période où cette question est restée en suspens, comme ils ont profité du fait que l’Irak était occupé par ses problèmes internes et par ceux de la région, le dernier en date étant la guerre entre l’Iran et l’Irak qui a duré huit ans. Ils en ont profité pour s’avancer en direction du nord, construisant des postes et des installations militaires, des fermes et des ins-tallations pétrolières. En 1963, par exemple, le point de passage entre Koweit et Bassorah se situait à Metlah. C’est là qu’étaient visés les passeports émis par l’ancien gouvernement koweitien. Ce poste a été déplacé de plus de 70 km, en direction du nord, dans le but d’imposer un fait accompli à l’Irak, occupé durant toute cette période par ses problèmes et ceux de la région.
Cher collègue,
En ce qui concerne le volet politique et économique, je voudrais exposer ce qui suit :
En février 1990, le président Saddam Hussein a parlé au sommet d’Amman, pour mettre en garde contre la présence de la flotte américaine dans le golfe Arabe alors que la guerre Iran-Irak s’est terminée. Il a dit : « … Si les États-Unis restent dans le Golfe, c’est que le Golfe est devenu, de par l’évolution de la politique internationale et des prévisions du marché pétrolier, de par le besoin croissant en matière de pétrole aux États-Unis, en Europe, au Japon, en Europe de l’Est et probablement en Union soviétique, le point le plus important de cette région, voire du monde. L’État qui, à travers le golfe Arabe et son pétrole, aura la plus grande influence dans la région, garantira sa suprématie de grande puissance sans égale pour lui disputer la place. Ceci veut dire que la région du golfe Arabe sera soumise à la volonté américaine si les habitants du Golfe et avec eux tous les Arabes n’y prennent pas garde. En cas de mégarde, et si cette faiblesse persiste, la situation pourrait évoluer jusqu’au point où les États-Unis détermineront même la quantité de pétrole et de gaz produite par chaque pays, la quantité vendue à tel ou tel autre pays du monde, ainsi que le prix de ces produits qui sera fixé selon les intérêts américains aux dépens de ceux des autres … »
Immédiatement après le discours du président, la cam-pagne diffamatoire a été lancée contre l’Irak dans les milieux américains et occidentaux influencés par le sionisme. Il est devenu clair que ces milieux s’apprêtaient à assiéger l’Irak sur le plan politique et médiatique et à lui porter un coup militaire par le biais d’Israël, en vue de détruire sa force militaire considérée par ces milieux comme agent déstabilisateur de l’équilibre stratégique dans la région, jusqu’alors en faveur d’Israël.
A l’époque du discours du président Saddam Hussein devant le sommet d’Amman, les prix du pétrole variaient entre 18 et 21 dollars le baril … Immédiatement après, les anciens dirigeants du Koweit et les Émirats arabes unis ont subitement demandé à élargir leur part du plafond de la production de l’OPEP… et, sans attendre la discussion de cette question au sein de l’organisation, ils se sont mis à noyer le marché mondial du pétrole avec un large surplus de production. Les prix ont dramatiquement chuté et les faibles recettes de l’Irak se sont vues diminuer à toute vitesse … Le prix du pétrole est tombé jusqu’à 11 dollars le baril, ce qui représentait une perte de plusieurs milliards au niveau des recettes irakiennes dans une situation économique très critique suite aux énormes dépenses de la guerre.
L’Irak a tenté, par les moyens diplomatiques et les contacts bilatéraux, d’attirer l’attention sur les effets destructifs de cette politique. Des émissaires ont été envoyés au Koweit, aux Émirats, en Arabie Saoudite et dans d’autres pays, mais en vain.
Lors du sommet arabe de Bagdad, tenu entre le 28 et le 30 mai 1990 en présence de tous les dirigeants, le président Saddam Hussein a encore mis en garde contre cette politique, à la séance de clôture du 30 mai 1990. Il a dit :
La guerre se fait parfois avec des armées. Les dommages sont provoqués par les explosions, les assassinats, les tentatives de coups d’État ; et parfois la guerre se fait au moyen de l’économie.
Il a ajouté :
A ceux qui n’ont pas l’intention de déclarer la guerre à l’Irak, je dis que c’est là une forme de guerre contre l’Irak.
Cependant, le comportement des anciens dirigeants du Koweit et celui des Émirats n’ont pas changé après le sommet. Ils ont continué à noyer le marché et à déstabiliser les prix du pétrole. De nouveau, au cours du dernier tiers du mois de juin 1990, l’Irak a fait porter par son vice-premier ministre, le docteur Saadoun Hamadi, des lettres du président au roi Fahd, à Jaber El-Ahmad et à Cheikh Zayed, proposant la tenue d’un sommet quatripartite (l’Irak, l’Arabie Saoudite, les Émirats et le Koweit) afin de parvenir à une solution. Les trois chefs d’État ont décliné la proposition et ont accepté une rencontre entre les quatre ministres du pétrole, rencontre qui a eu lieu le 10 juillet 1990. Ils ont fait semblant d’accepter de ramener la production aux quotas convenus.
La réunion à peine levée, le ministre du pétrole de l’ancien régime koweitien a déclaré que son gouvernement allait deman¬der encore une fois l’augmentation de sa part en octobre, ce qui revenait à détruire les résultats positifs de la réunion et à pour¬suivre le complot pour la destruction de l’économie irakienne.
Dans son discours du 16 juillet 1990, le président Saddam Hussein a réitéré sa mise en garde contre le nouveau procédé de complot, exécuté par l’intermédiaire de certains Arabes. Il a dit :
Parce que les Irakiens touchés par cette injustice délibérée sont suffisamment convaincus de leur droit à se défendre et à défendre leurs droits, ils n’oublieront pas le dicton : couper les têtes plutôt que les vivres. Si les mots sont impuissants à garantir notre protection, il est nécessaire d’agir pour recouvrer nos droits spoliés.
Son Excellence a rappelé dans son discours que les pertes irakiennes avaient atteint 14 milliards de dollars depuis que le prix du pétrole est tombé de 28 à 11 dollars, suite à la politique d’inondation du marché international avec un pétrole bon marché qui est venu renflouer les stocks des États-Unis dont les besoins en importation se sont accrus. Ceci a gravement endom¬magé l’économie nationale et a porté un coup traître à l’Irak sorti vainqueur d’une longue guerre coûteuse, avec des dettes exorbitantes à rembourser, un programme de développement à poursuivre et des vivres à assurer à un peuple qui a beaucoup souffert, qui a sacrifié la fleur de sa jeunesse pour défendre sa sécurité nationale et qui a protégé la région du Golfe du danger iranien déferlant.
Auparavant, Son Excellence avait reçu M. Hicham Nazir, ministre saoudien du pétrole, le 9 juillet 1990, et avait dit à cette occasion :
Je ne permettrai pas que les Irakiens aient faim, ni que les femmes irakiennes se dénudent par besoin.
Le 15 juillet 1990, j’ai remis au secrétaire général de la Ligue arabe à Tunis une note détaillée qui démontre par les faits et chiffres le rôle joué par les anciens dirigeants du Koweit dans le complot visant à détruire l’économie irakienne, et qui dénonce leurs abus délibérés et continus au fil des années contre l’Irak et ses intérêts substantiels. Nous vous avions tenu au courant de cette note et vous l’avions fait parvenir par voie diplomatique. Nous y disions à ce propos :
L’agression du gouvernement koweitien contre l’Irak est double, du fait qu’il a empiété sur nos terres et nos champs de pétrole et qu’il a volé nos ressources pétrolières … Un tel comportement équivaut à une agression militaire … la tentative délibérée de détruire l’éco¬nomie irakienne n’est pas une agression moindre …
Suite au discours du président Saddam Hussein, en date du 16 juillet 1990, et à notre note au secrétaire général de la Ligue arabe, datée du 15 juillet 1990, certains dirigeants arabes sont intervenus et il a été convenu de tenir une réunion à Djeddah, le 30 juillet, entre le vice-président du Conseil du Commandement de la Révolution et l’héritier de l’ancien régime koweitien. Nombreux étaient les Arabes sincères, désireux de trouver une solution au problème, qui prévoyaient que les Koweitiens cesse¬raient de s’acharner contre l’Irak … mais au cours de cette réunion, la délégation du régime koweitien a fait traîner les choses en longueur, reniant les droits justes et clairs de l’Irak.
Il s’est ainsi confirmé que les dirigeants de l’ancien régime étaient déterminés à poursuivre leur complot en vue de détruire l’économie de l’Irak et de déstabiliser son régime politique … Il était inimaginable qu’un régime comme l’ancien régime kowei¬tien puisse s’aventurer dans un complot de cette envergure, contre un pays grand et fort comme l’Irak, à moins d’avoir l’appui et la protection d’une grande puissance … en l’occur¬rence, les États-Unis.
C’est ce complot dangereux contre l’Irak qui nous a poussés à accorder notre appui militaire aux jeunes révolutionnaires du Koweit le 3 août 1990. Le lendemain, le roi Hussein de Jordanie est arrivé en Irak et a informé le président Saddam Hussein de ses contacts intensifiés avec un certain nombre de dirigeants arabes. Il lui a annoncé qu’un sommet restreint se tiendrait à Djeddah le 4 ou le 5 août, et regrouperait l’Irak, la Jordanie, l’Égypte, le Yémen et l’Arabie Saoudite. Le président Saddam Hussein a exprimé son accord pour la tenue de ce mini-sommet à cinq. Cette proposition a été confirmée lors de la visite du président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, à l’Irak, le samedi 4 août 1990.
Mais le sommet prévu pour le 4 ou 5 août ne s’est pas tenu, à cause de l’intervention américaine. Le 5 août 1990 (date prévue pour ce sommet), le président Bush a demandé à son ministre de la Défense de se rendre en Arabie Saoudite pour obtenir du roi saoudien qu’il fasse appel aux forces américaines. Le ministre américain est arrivé à Djeddah lundi matin, en date du 6 août et les forces américaines ont débarqué en Arabie Saoudite le lendemain, c’est-à-dire le 7 août. L’opération s’est déroulée si rapidement, qu’il en ressort deux vérités essentielles :
– d’abord l’existence d’un plan militaire américain pré-établi dans le but de dominer la région (ceci a été confirmé par d’anciens responsables américains), plan aujourd’hui exécuté ;
– ensuite la volonté américaine de faire avorter la tenta-tive d’une solution arabe au problème, prévue pour être discutée le 5 août 1990 au cours du sommet de Djeddah.
Le 8 août, lendemain du débarquement des forces améri-caines en Arabie Saoudite, l’Égypte a lancé un appel pour la tenue d’un sommet arabe urgent au Caire. Les invitations ont été lancées sans consultations préalables avec l’Irak et sans s’assu¬rer que le président Saddam Hussein pouvait se rendre au Caire. De plus, nous n’avons reçu aucune invitation officielle, ni de la part du pays hôte, ni de celle du secrétariat général de la Ligue arabe, tel que le veut le protocole.
Malgré cette étrange attitude de la part du gouvernement égyptien, une délégation irakienne s’est rendue au Caire, présidée par Taha Yassine Ramadan, membre du Conseil du Commandement de la Révolution et premier vice-premier ministre, accompagné de deux autres membres du Conseil, tous deux vice-premiers ministres, dont le ministre des Affaires étrangères M. Saadoun Hamadi. A son arrivée au Caire, la délégation irakienne a demandé à rencontrer le président Moubarak. Lors de la rencontre entre le chef de la délégation et le président égyptien, ce dernier a affirmé que le but du sommet était le « dialogue ». Le lendemain, avant la séance d’ouver¬ture et avant tout dialogue entre les dirigeants présents, les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, l’Égypte et d’autres, ont présenté un papier en faveur de l’appel saoudien aux forces américaines, demandant par ailleurs l’envoi de forces arabes en Arabie Saoudite. Ceci a provoqué le méconten-tement des dirigeants présents qui ont demandé le retrait du papier en question et le lancement d’un dialogue sérieux. Mais le président égyptien a empêché tout dialogue en vue d’aboutir à une solution acceptable. Il a imposé le vote sur le papier présenté d’une façon sans précédent dans les conférences arabes. Ainsi la deuxième tentative de règlement arabe du problème a avorté. Se sont opposés à ce papier, ont émis des réserves ou se sont abstenus : la Jordanie, le Yémen, la Palestine, le Soudan, la Libye, l’Algérie, la Mauritanie et l’Irak, alors que la Tunisie avait carrément boycotté cette réunion.
Honorable collègue,
Cet aperçu historique et cet exposé des faits démontre qu’il ne s’agit pas simplement d’un différend sur des questions écono¬miques ou frontalières ordinaires. Nous avons supporté de tels différends pendant vingt ans et nous avons toujours tenu à garder les meilleures relations avec les anciens dirigeants du Koweit malgré leurs mauvaises attitudes et leur comportement hypo¬crite vis-à-vis de l’Irak.
Mais il s’agit d’un complot bien fi¬gnolé, tramé et appuyé par les États-Unis, auquel les anciens dirigeants du Koweit ont délibérément participé, dans le but de déstabiliser l’économie de l’Irak, d’affaiblir ses capacités et ses moyens de défense contre l’expansionnisme et l’agression israélo-impérialiste dans le monde arabe, d’ébranler par conséquent son régime politique et de raffermir l’hégémonie américaine sur la région, en particulier sur ses ressources pétrolières. C’est une déclara¬tion de guerre à l’Irak, comme l’a dit le président Saddam Hussein au sommet de Bagdad, et comme je l’ai dit moi-même dans ma lettre au secrétaire général de la Ligue arabe. Quant aux relations de l’Irak avec les autres pays de la région, elles n’ont rien à voir avec le cas du Koweit, ni sur le plan des fondements historiques, ni sur celui des problèmes bilatéraux. Nous avons toujours tenu à établir des liens normaux que nous avons toujours respectés dans le cadre de relations fraternelles. Nous continuerons à honorer nos engage¬ments tant que les autres en font autant.
Lorsque la campagne diffamatoire a commencé et qu’il a été question de prétendues menaces irakiennes contre l’Arabie Saoudite, nous avons assuré par tous les moyens qu’il n’en était rien et que l’Irak ne menaçait ni l’Arabie Saoudite, ni aucun autre pays du Golfe. Nous nous sommes déclarés prêts à offrir toutes les garanties nécessaires sur le plan bilatéral comme sur celui de la Ligue arabe, et nous avons dit clairement n’avoir aucune objection à ce que l’Arabie Saoudite fasse appel à des forces arabes si elle a quelques craintes, bien que de telles craintes ne soient pas justifiées.
Reste l’autre volet du problème, à savoir l’attitude du Conseil de sécurité.
Au premier jour des événements, les États-Unis ont poussé le Conseil de sécurité à adopter une résolution contre l’Irak, à la base du chapitre 7 de la Charte, résolution 660 du 2 août 1990, sans précédent dans l’histoire du Conseil … Ce dernier a pris sa résolution sans avoir écouté l’Irak. Par ailleurs, il est d’usage de convoquer les ministres des Affaires étrangères des pays concernés aux réunions du Conseil en cas de crise, mais il est clair que les États-Unis ont exercé de fortes pressions pour qu’il en soit autrement. Après cette première résolution, il y en a eu une autre (661) en date du 6 août 1990, portant sur l’application de sanctions injustes à l’Irak. Ce fut là aussi une résolution sans précédent … A cette même fin, trois autres résolutions ont suivi : 662 du 9 août 1990, 664 du 18 août 1990 et 665 du 25 août 1990. Il est clair que les États-Unis ont mené une campagne acharnée et ont exercé toutes sortes de pres¬sions et d’intimidations sur les autres États pour les pousser à voter ces résolutions, les menaçant entre autres d’interrompre les aides économiques sans parler de toutes les menaces claires ou voilées.
Le 12 août 1990, le président Saddam Hussein a annoncé une initiative visant à résoudre tous les problèmes de la région selon les mêmes principes et critères, espérant que cette initia-tive ouvre la voie à des solutions pacifiques et justes de tous les problèmes de la région … Les États occidentaux ont rejeté cette initiative sans la lire, ni s’en enquérir. La duplicité de ces États a été dévoilée quant à leur attitude face aux conflits régionaux et internationaux en comparaison avec leur attitude vis-à-vis d’Israël. Ils n’ont jamais poussé le Conseil de sécurité à imposer à Israël l’application des nombreuses résolutions concernant la cause palestinienne et les droits du peuple palestinien, sachant qu’Israël occupe la Palestine depuis plusieurs décennies et perpètre des massacres barbares sur son peuple, sans compter l’occupation du Golan syrien et du sud du Liban.
L’Irak met en garde contre le complot américain visant à dominer le monde arabe, à s’en approprier les richesses et à en empêcher le progrès et le développement. La mainmise améri-caine sur la région, la brutalité avec laquelle les États-Unis traitent les problèmes régionaux et l’implication d’autres États dans ce processus sont une menace dangereuse pour la paix et la sécurité internationales, dont les effets néfastes ne se limitent pas aux pays du Tiers Monde, mais touchent aussi l’Europe, le Japon et tous les États qui aspirent à l’indépendance de la position et de la décision.
En vous adressant cette lettre, j’espère que vous étudierez la situation avec soin … que vous prendrez en considération tous les faits et tous les éléments. Nous espérons que la communauté internationale unira ses efforts pour faire face à la politique agressive et aventureuse des États-Unis vis-à-vis de l’Irak et de cette région qui a amèrement et longuement souffert de la po¬litique hégémoniste et spoliatrice américaine et de l’alliance honteuse entre les États-Unis et Israël.
Nous espérons que vous porterez une sérieuse attention à l’initiative historique annoncée par le président Saddam Hussein le 12 août 1990, ainsi qu’aux tentatives arabes sincères visant à trouver des solutions arabes globales aux problèmes de la région. J’affirme que l’Irak, qui croit en la paix et en la justice, restera attaché au dialogue et à l’échange constructif des points de vue, au niveau bilatéral, régional ou inter¬national.
Je vous prie d’agréer mes respects les plus sincères.
Tarik AZIZ
Vice-premier ministre,
Ministre des Affaires étrangères
Bagdad, le 4 septembre 1990