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11 octobre 2024

Hassan Nasrallah est mort sur la voie de la libération de la Palestine


Par Ali Abunimah
Arrêt sur info — 29 septembre 2024

Portrait du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à Beyrouth, le 21 septembre. Le chef du groupe de résistance libanais a été assassiné par Israël lors d’une frappe aérienne massive sur la banlieue sud de Beyrouth le vendredi 27 septembre. OLA NEWS/SIPA/Newscom

L’assassinat par Israël de Hasan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, lors d’un bombardement apocalyptique dans la banlieue sud de Beyrouth est susceptible, au moins à court terme, de provoquer un choc, un désespoir et une démoralisation énormes parmi les partisans de la résistance au sionisme au Liban et dans l’ensemble de la région.

C’est exactement le but recherché.

Confirmé par le Hezbollah, l’assassinat de Nasrallah intervient après une série de succès tactiques dans les premières phases de l’attaque totale d’Israël contre le Liban, une attaque ouverte qui pourrait bien égaler en barbarie le génocide en cours de Tel-Aviv à Gaza.

Voilà des pensées terribles et douloureuses à encaisser après près d’un an de génocide.

Il y a d’abord eu les attaques contre les beepers et les talkies-walkies, suivies d’une série d’assassinats de hauts dirigeants du Hezbollah, et maintenant celui du chef de l’organisation elle-même.

Comme Nasrallah l’a lui-même admis dans son dernier discours, l’organisation a été durement touchée par les attentats contre les beepers. Le pire était à venir. Il est clair qu’il y a eu de graves manquements à la sécurité.

La stature de Nasrallah en tant que penseur tactique et stratégique, en tant que leader le plus éminent et le plus fiable de l’Axe de résistance, et en tant que personnalité capable d’inspirer et de rassurer ses soutiens, même dans les pires moments, ne saurait être surestimée.

L’euphorie en Israël, à Washington et dans certaines capitales arabes ne sera dépassée que par le deuil des soutiens de Nasrallah, bien plus nombreux.

Et il ne fait aucun doute que la perte est réelle et considérable du point de vue d’une résistance qui fait face non seulement au formidable arsenal d’Israël, mais aussi à toutes les ressources des États-Unis et de l’Occident dans son ensemble.

La capacité d’Israël à mener cette série d’attaques successives ébranlera la confiance de beaucoup dans les prouesses légendaires et la sécurité opérationnelle du Hezbollah.

Ces attaques contribueront à restaurer le prestige perdu par Tel-Aviv auprès de ses bailleurs de fonds occidentaux et arabes après une année d’échec militaire à Gaza, et son incapacité à empêcher l’offensive militaire du Hamas qui a anéanti la division de Gaza de l’armée israélienne le 7 octobre 2023.

Et bien que le Hezbollah ait pilonné de roquettes les installations militaires et les colonies israéliennes dans le nord de la Palestine historique, beaucoup dans la région se demandent pourquoi la réponse du groupe de résistance à l’escalade de l’agression israélienne n’a pas été plus dure et plus sévère – alors même qu’Israël intensifie ses bombardements sur les civils à travers le Liban et à l’intérieur de sa capitale.

Une autre question qui revient fréquemment est celle de savoir pourquoi l’Iran, qui a promis des représailles après l’assassinat par Israël du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran en juillet, a agi avec autant de retenue. On a de plus en plus l’impression que son absence de réaction n’a fait qu’encourager la violence toujours plus audacieuse d’Israël.

“Le choc et l’effroi ne signifie pas la victoire”

Face à l’évolution rapide de la situation et au torrent d’émotions suscité par une année de génocide en direct à Gaza, qu’Israël étend maintenant au Liban, il est difficile de conserver une vision à long terme. Pourtant, cette vision est essentielle pour une bonne analyse.

Il faut se souvenir de ceci : dans la plupart des guerres asymétriques, lorsque le camp le plus fort – l’envahisseur ou le colonisateur – passe à l’offensive, il semble souvent remporter un succès rapide et spectaculaire.

En effet, “choc et effroi” est le nom d’une doctrine militaire occidentale, plus précisément américaine, élaborée dans les années 1990 et explicitement vantée lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak en 2003.

Également appelée “domination rapide”, cette doctrine vise à démoraliser et à paralyser l’adversaire en recourant à des démonstrations de violence écrasantes et spectaculaires.

Selon les auteurs de la doctrine, l’objectif est de “surcharger la perception et la compréhension des événements par l’adversaire de telle sorte que celui-ci soit incapable de résister aux différents stades tactiques et stratégiques”.

Nous l’avons constaté à maintes reprises au cours des dernières décennies, et le constatons encore aujourd’hui.

Quelques semaines seulement après les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont attaqué l’Afghanistan, renversant rapidement le gouvernement taliban sous prétexte qu’il avait protégé Oussama ben Laden.

La confiance des Américains après ce succès apparent et rapide a sans aucun doute incité Washington à passer à son projet suivant : l’invasion de l’Irak en mars 2003.

Le gouvernement de Saddam Hussein ayant été rapidement renversé et les chars américains ayant pris le contrôle de Bagdad, le président George W. Bush a prononcé le 1er mai 2003 son tristement célèbre discours “Mission accomplie”, des mots qui n’ont cessé de le hanter alors que les États-Unis s’enlisaient dans une guerre d’usure contre la résistance en Afghanistan et en Irak.

Ces victoires rapides, ou du moins ce qu’elles semblaient être, ont suscité à l’époque de réelles craintes que les forces américaines ne se dirigent vers Damas et Téhéran, ou peut-être vers d’autres “États voyous” figurant sur la liste des cibles de l’Amérique.

Nous savons aujourd’hui, grâce aux “Afghanistan Papers”, que les bellicistes de la Défense savaient depuis longtemps qu’ils avaient perdu la guerre, mais qu’ils ont menti à l’opinion publique américaine pendant près de vingt ans en lui faisant croire qu’ils étaient en train de la gagner.

Et lorsque les Américains se sont retirés d’Afghanistan en août 2021, leur départ humiliant de l’aéroport de Kaboul a été largement comparé aux scènes chaotiques des Américains vaincus évacuant en hélicoptère le toit de l’ambassade des États-Unis à Saigon, au Viêt Nam.

En ce qui concerne Israël également, ce schéma est évident. Lorsqu’Israël a envahi le Liban en 1982 – assaut qu’il a baptisé “Opération Paix pour la Galilée” – ses forces ont rapidement déferlé vers le nord jusqu’à Beyrouth, assiégeant et occupant une capitale arabe pour la première fois dans l’histoire de l’État colonisateur sioniste.

Israël a assassiné des dizaines de milliers de civils libanais et palestiniens et a expulsé l’Organisation de libération de la Palestine. Mais le succès, du point de vue de Tel-Aviv, s’est rapidement transformé en échec.

Au cours d’une longue occupation, la résistance à Israël s’est développée, notamment de la part du Hezbollah, qui n’existait même pas au moment de l’invasion israélienne.

Le Hezbollah et d’autres groupes de résistance ont saigné les forces d’occupation israéliennes pendant deux décennies dans une guerre d’usure épuisante, jusqu’à ce qu’Israël se retire du Sud-Liban occupé, vaincu, en mai 2000.

Même dans le contexte du génocide israélien soutenu par les Américains à Gaza, les déclarations constantes d’Israël selon lesquelles il a placé tel ou tel secteur de Gaza sous son contrôle total s’effondrent rapidement. Le fait est que la résistance continue de se battre dans toutes les parties de Gaza.

Jusqu’à présent, tous les plans israélo-américains du “jour d’après”, dans lesquels un Hamas vaincu serait remplacé par une force de collaboration palestinienne soutenue par les Arabes, se sont écroulés.

Faire oublier l’échec permanent d’Israël à Gaza est peut-être l’un des facteurs qui poussent Israël à rechercher un “succès” spectaculaire au Liban.

Un tournant

Cette crise marque un tournant dans la longue guerre régionale pour la libération du sionisme raciste et colonial soutenu par l’Occident. Mais après un siècle de déprédations et d’horreurs sionistes, ni le peuple libanais ni le peuple palestinien n’ont capitulé, et il n’y a aucune raison de croire qu’ils le feront aujourd’hui.

Au contraire, après le choc initial, la détermination de la résistance ne fera que croître, et son cercle s’élargira, comme ce fut le cas dans toutes les phases de la lutte de libération.

L’assassinat de Nasrallah, avec des bombes et des avions de guerre américains, et peut-être d’autres aides de Washington, ne freinera pas non plus le déclin de la puissance mondiale des États-Unis – puissance sur laquelle Israël s’appuie pour survivre.

Rappelons également que l’assassinat a toujours été la principale tactique des sionistes. Toutefois, leur guerre n’est pas destinée à des dirigeants en particulier, mais à des peuples entiers dont la détermination ne peut pas être si facilement anéantie.

Nasrallah a lui-même pris la tête du Hezbollah après l’assassinat par Israël de son prédécesseur Abbas al-Musawi en 1992. Nasrallah a porté l’organisation à un niveau de puissance sans précédent.

Cette force ne repose pas sur la volonté d’un seul individu, mais sur une base de soutien profondément attachée à la cause et prête – comme Nasrallah lui-même n’a jamais manqué de le souligner – à consentir d’énormes sacrifices sur la voie de la libération.

Si l’armée israélienne a admis que le Hamas ne pouvait être détruit parce que “le Hamas est une idée, le Hamas est un mouvement”, qu’en est-il du Hezbollah ?

Le plus inquiétant, on le sait, c’est que la guerre pour libérer la Palestine et la région du sionisme ne sera pas moins brutale pour les peuples concernés que les guerres pour libérer l’Algérie, le Viêt Nam, l’Afrique du Sud et tant d’autres pays pris pour cible par l’empire euro-américain.

Après tout, occupants et colonisateurs relèvent des mêmes puissances, et la haine génocidaire que leurs classes dirigeantes vouent aux peuples dont elles cherchent à usurper les terres et les droits ne s’est jamais démentie.

Comme d’autres avant lui, Nasrallah a donné sa vie sur la voie de la libération de la Palestine, et ce n’est pas aujourd’hui que cette lutte prendra fin.

Ali Abunimah

Ali Abunimah est directeur exécutif de The Electronic Intifada.

Source: The Electronic Intifada, 28 septembre 2024 + Arrêt sur info

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