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30 avril 2024

La poudrière libyenne et les «mesurettes» de l’ONU


La poudrière libyenne et les «mesurettes» de l’ONU

El Watan, 4 juin 2015

L’envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, Bernardino Leone, et le ministre algérien des Affaires Maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, se sont employés, chacun avec ses mots, lors de leurs allocutions à l’ouverture, hier à Alger, des travaux de la 3e réunion du dialogue interlibyen regroupant des leaders et des chefs de partis politiques et activistes libyens, à convaincre les Libyens de l’urgence de mettre de côté leurs divergences et de s’entendre sans plus attendre sur la composition d’un gouvernement d’union nationale. Les deux responsables n’ont pas eu trop de mal à trouver les arguments plaidant pour la paix. Et, en plus, pour une paix rapide.

C’est bien simple, tous les indicateurs de la Libye sont au rouge. Le gros des données recueillies sur le terrain par différents services de renseignement prévient qu’une perduration du conflit serait extrêmement coûteuse pour la Libye et le Maghreb. L’état catastrophique de l’économie libyenne (les salaires des fonctionnaires ne sont plus versés et la production de brut est en chute libre), la paupérisation de larges franges de la société, la prolifération de milices et le danger de plus en plus grand que font peser sur la sécurité de la région les groupes terroristes qui gravitent autour de Daech et d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) constituent en effet un cocktail explosif.

Et les Libyens, selon Abdelkader Messahel et Bernardino Leone, ne peuvent parvenir à le désamorcer que s’ils font taire leurs armes et s’engagent dans la voie de la réconciliation nationale.
Risque d’effondrement

Mais plus que d’essayer de les convaincre, l’ONU autant que l’Algérie ont surtout aussi appelé les différents belligérants à prendre leurs responsabilités. «L’escalade des menaces terroristes et l’extension du cercle de la violence de par le monde sont désormais une préoccupation pour la communauté internationale tout entière», a prévenu M. Messahel, ajoutant que «la sécurité de la Libye est également celle de l’Algérie, voire même des pays voisins et de la région du Sahel».

De son côté, Bernardino Leone a martelé également que «la seule alternative pour l’avenir de la Libye est d’aboutir à un accord». «Le temps est venu de conclure cet accord», a-t-il insisté, non sans avoir exhorté les parties prenantes au conflit libyen à faire des concessions sous peine d’un effondrement du pays.

Dans la foulée, l’envoyé spécial de l’ONU a rejeté les arguments avancés par les uns et les autres pour fuir la négociation. «On ne peut plus continuer à accuser le gouvernement installé à Tobrouk d’être à la solde des gueddafistes et Fadjr Libya de représenter les organisations terroristes», a-t-il expliqué, soulignant que Fadjr Libya combat le groupe Etat islamique.

Bref, il s’agissait aussi de bousculer tout le monde et de faire admettre l’idée que la poursuite de la guerre ne peut conduire qu’à une impasse. La Libye est, rappelle-t-on, en proie à une guerre civile depuis 2011. Le pays est écartelé entre deux gouvernements rivaux.
De l’aspirine pour une fracture

Faut-il maintenant attendre quelque chose de cette 3e réunion du dialogue interlibyen et, par extension de tous les autres processus sponsorisés par l’ONU ? Bernardino Leon a précisé que les négociations d’Alger devraient permettre d’aboutir à un nouveau projet d’accord. Il faut savoir que les précédents projets n’ont pas convaincu les parties en conflit. Les dialogues menés au Maroc et en Egypte ne font guère mieux puisque rien n’en est encore sorti de concret. Les Libyens ont-ils une réelle volonté de sauver leur pays ? Ont-ils vraiment conscience qu’il est dans l’œil du cyclone ? Certainement.

Mais «cette prise de conscience n’est pas suffisante pour ramener la paix», estiment des spécialistes de la Libye. Selon eux, la raison tient d’abord au fait que la démarche retenue par l’ONU, qui consiste à lancer trois consultations différentes, disperse les efforts, ce qui fait donc perdre du temps et rend ardue la recherche d’un accord global.

La minorisation par l’ONU du rôle des pays voisins de la Libye dans la quête d’une solution est aussi un choix difficile à comprendre, soutiennent d’autres analystes.

Le remède proposé par Bernardino Leon équivaut un peu, dit-on, à soigner une fracture avec un cachet d’aspirine. A ce propos, il est à craindre que le jour où une solution sera trouvée, la Libye sera déjà tombée entre les mains de l’organisation Etat islamique ou aura éclaté.

Zine Cherfaoui

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