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30 avril 2024

Migrants morts : on paie le désastre de la politique de Sarkozy et BHL en Libye


Migrants morts : on paie le désastre de la politique de Sarkozy et BHL en Libye


 

LE PLUS. Un bateau transportant près de 700 migrants a coulé au large de l’Italie dans la nuit du 18 au 19 avril. Seules 28 personnes ont pu être sauvées. Ce drame, qui transforme la Méditerranée en cimetière marin, découle indirectement de l’intervention française en Libye menée par Nicolas Sarkozy, alors président, et son ami Bernard Henri-Lévy, analyse le philosophe Daniel Salvatore Schiffer.

Édité par Barbara Krief  Auteur parrainé par Jean-Marcel Bouguereau

Un Mirage de l’armée française prêt à partir en Libye, le 25/03/11 (NILOSN RICHARD/ECPAD/SIPA

 

800 morts, tous noyés en mer Méditerranée, quelque part entre les côtes libyennes et italiennes, au large de la Sicile : tel est l’effroyable bilan de l’immense tragédie humaine qui vient d’ébranler la conscience européenne.

 

C’est le naufrage de l’Europe

 

L’Europe ! C’est de cette prétendue terre d’accueil, celle qui se gausse d’avoir inventé les droits de l’homme, quand elle ne se vante pas d’être le phare universel des plus hautes valeurs morales, dont ces exilés des temps modernes, entassés sur des embarcations de fortune, rêvaient naïvement afin de fuir clandestinement leur pays d’origine, dont l’Éthiopie et la Somalie, aujourd’hui ravagés, sous la sanguinaire férule du nébuleux mais puissant État Islamique, par d’abominables guerres de religion.

 

Autant dire que le naufrage de ces miséreux, abandonnés de toutes parts et ne sachant plus à quel saint se vouer ni en quel paradis encore croire pour se sauver de pareil enfer, c’est, d’abord, le naufrage de l’Europe.

 

Preuve en est que cette même Méditerranée – mer bien amère – s’avère aujourd’hui, comme le soulignent bon nombre de commentateurs avisés, le plus vaste cimetière de la planète : plus de 1.600 morts, noyés eux aussi, et dans une indifférence quasi générale, pour ces seuls quatre premiers mois de 2015 !

 

Mais fustiger l’Europe en son ensemble pour cet honteux manquement à son devoir humanitaire, fût-il le plus élémentaire, serait toutefois aller un peu vite en besogne, pour certes légitime et même nécessaire que soit semblable condamnation.

 

Car s’il est malheureusement exact qu’une énorme tragédie humaine se déroule actuellement, sous nos yeux et presque quotidiennement, en Méditerranée, il est encore bien plus vrai que c’est la France qui en porte principalement, par un excès de zèle doublé d’un défaut de prévoyance dans la manière dont elle a chassé du pouvoir Kadhafi (dictateur que j’ai néanmoins toujours dénoncé ouvertement), le poids de la responsabilité.

 

Les conséquences de l’intervention française

 

Responsabilité ? A coup sûr vaudrait-il mieux parler, en l’occurrence, d' »irresponsabilité », du moins à l’égard de celui qui était alors, en cette année-là (2011), le président de la République, en même temps que le tout-puissant chef des armées : Nicolas Sarkozy.

 

Car ce que s’est alors empressé de faire Sarkozy, sans jamais songer, parallèlement, aux désastreuses, sinon irréparables, conséquences d’un tel acte ? Détruire toutes les structures étatiques (politiques, juridiques, militaires, culturelles…) d’un pays – la Libye, donc – qui jouissait pourtant jusque là d’une santé économique plutôt enviable et d’un niveau social relativement élevé en cette partie du globe, sans jamais penser à les reconstruire !

 

Ainsi, face au vide laissé par cette brutale intervention française, ce sont de féroces milices tribales, d’infâmes djihadistes dont l’innommable cruauté puise ses non moins barbares règles dans l’islamisme le plus obscurantiste, qui y font désormais la tyrannique loi, multiplient les atrocités, imposent une charia d’un autre âge, terrorisent les populations, asservissent les femmes, massacrent les intellectuels, émasculent les homosexuels, décapitent les opposants, martyrisent les chrétiens, saccagent les musées, brûlent les livres, effacent toute trace de civilisation, pillent les villages ou incendient les maisons de leurs supposés ennemis, et jettent le pays tout entier dans un épouvantable chaos, inédit dans les annales de l’histoire moderne.

 

Le narcissisme guerrier de BHL

 

Il est vrai que Sarkozy, dans cette folle course à cette catastrophe annoncée, n’était pas seul aux commandes.

 

Non, cet apprenti sorcier avait alors, pour le conseiller en ces très hasardeuses manœuvres, un fameux acolyte, intellectuel autoproclamé et accessoirement, à ses heures perdues, philosophe : Bernard-Henri Lévy, autre irresponsable dont le narcissisme guerrier lui a fait perdre de vue qu’il n’est pas d’ « éthique de conviction » qui vaille sans « éthique de responsabilité » précisément, pour paraphraser ici le sociologue Max Weber en un essai emblématiquement intitulé « Le Savant et le Politique ».

 

Conclusion ? S’il est vrai que « penser, c’est prévoir, si ce n’est anticiper », comme le réputait Aristote, il va sans dire, alors, que BHL se révèle être, en ces navrantes conditions, un bien piètre philosophe.

 

Davantage : c’est pour avoir outrageusement méconnu, sur le plan moral, cet insécable binôme conceptuel (conviction/responsabilité) que ces deux dangereux « va-t-en guerre » auront finalement contribué à livrer, sans le moindre mea culpa ni même examen de conscience, ces pauvres migrants de l’Afrique subsaharienne aux hordes sauvages, via une Libye complètement déstabilisée et aujourd’hui à feu et à sang, de l’État Islamique puis, de leurs criminelles mains, aux anonymes mais mortifères vagues, béantes comme des fosses communes, d’une Mer Méditerranée dont le légendaire bleu de l’eau ressemble de plus en plus, en ces jours de malheur, à la sinistre pâleur d’un linceul.

 

De printemps arabe à hiver islamiste

 

La leçon, s’il fallait en tirer une, de ce sombre pan de notre histoire contemporaine ? Une coupable irresponsabilité (l’oxymore est, ici plus que jamais, de mise), celle de l’inénarrable mais surtout indigne paire Sarkozy/Lévy, incapable, en la circonstance, de la moindre autocritique, sans laquelle il n’est point d’honnêteté intellectuelle, encore moins de noblesse d’âme !

 

A méditer, cette triste situation, afin que pareil drame, si l’on ne veut pas que ce mince espoir ne se transforme également en une stérile utopie, n’arrive plus.

 

Car c’est une vérité déjà suffisamment douloureuse en soi que de devoir constater, de manière aussi réaliste qu’irrécusable, que ce beau mais hypothétique « printemps arabe » que d’aucuns nous promettaient du haut d’on ne sait quel avenir radieux ait fini par se muer, hélas, en un cauchemardesque hiver islamiste, ainsi que je l’avais prédit, alors presque seul face à mes pairs, contre vents et marées.

 

 

 

 

Sur le web : Naufrage de migrants en Méditerranée : 800 morts, le capitaine du navire arrêté

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