Préambule
Nous vous proposons une interview croisée entre François Belliot et Youssef Hindi, auteurs respectivement de « Guerre en Syrie – Tome I : le mensonge organisé des politiques et des médias français », et de « Occident et Islam – Tome I : sources et genèse messianiques du sionisme, de l’Europe médiévale au Choc des civilisations », deux ouvrages récemment publiés aux éditions Sigest.
Au-delà des différences manifestes dans les titres et dans le sujet traité, cet échange révèle des convergences de vue d’autant plus saisissantes que ni les questions ni les réponses n’ont été préalablement concertées.
Les réponses de François Belliot s’ancrent dans l’actualité récente, celles de Youssef Hindi nous font remonter jusqu’à sept siècles en arrière, où nous pouvons retrouver les sources d’un projet messianique qui semble proche de son accomplissement, la guerre en Syrie constituant l’une de ses dernières étapes.
Premier volet : Youssef Hindi interroge François Belliot sur son ouvrage « Guerre en Syrie, le mensonge organisé des médias et des politiques français ».
Youssef Hindi : Dans ton livre « Guerre en Syrie », tu mets en évidence le caractère global et continu de la propagande visant in fine à justifier une guerre totale contre la Syrie. Au-delà du cas syrien, peut-on ranger ces média-mensonges dans le cadre d’une logique du chaos globalisé ?
François Belliot : Le caractère global et continu de cette propagande se constate au fait que depuis le début des événements en mars 2011; la propagande anti syrienne n’a connu que de très rares pauses, qui correspondaient du reste à des transitions d’une phase à une autre, où à d’autres événements marquants qui prenaient le-dessus dans le traitement de l’actualité (ex : affaire Strauss Kahn à la mi mai 2011, ou déclenchement et déroulement de la crise ukrainienne début 2014).
Cette propagande anti syrienne a mobilisé en France la totalité des organes de presse et chaînes de radio et de télévision existants. La couverture médiatique de la crise syrienne est à mettre en perspective avec la couverture d’autres « crises » parmi lesquelles elle fait figure d’étape nécessaire, et non d’événement isolé et fortuit : les crises yougoslave (99), le 11 septembre 2001, la « guerre de libération démocratique » de l’Irak en 2003, le retrait de la Syrie du Liban en 2005 suite à l’assassinat de Rafic Hariri dont elle fut à tort accusée par la « communauté internationale », les « printemps arabes » début 2011, la crise ukrainienne début 2014, sont autant d’événements faisant partie d’un même continuum, de la même façon que la couverture médiatique systématiquement mensongère de ces événements obéit à une « logique » dont la cohérence est accentuée par le fait que la couverture médiatico-politique de toutes ces crises a été identique dans un grand nombre de pays aussi différents que le Qatar, Israël, l’Allemagne, la Nouvelle Zélande, la Suisse, l’Arabie saoudite, les États-Unis, etc.
Seule une invraisemblable constellation de miracles pourrait expliquer une telle coïncidence, ce pourquoi on est obligé de postuler l’existence d’une manipulation de très grande ampleur se déployant sur le long terme. Cette couverture médiatique et politique recourant systématiquement à d’énormes mensonges, parmi lesquels les massacres manipulés font figure de passe-partout pour casus belli, en censurant tous les point de vue contestataires ou en les réduisant à du « complotisme » et à de « l’antisémitisme », et les guerres d’ingérence déclenchées sous cette couverture ayant à chaque fois plongé les pays concernés dans le « chaos », j’en viens finalement à répondre un « oui » sans nuances à ta question : clairement la guerre en Syrie et sa couverture médiatique s’inscrivent dans le cadre d’une logique du chaos globalisé.
C’est d’autant plus inquiétant qu’aucun de leurs instigateurs n’ayant été arrêté et jugé, on ne voit aucune raison pour que cette dynamique mortifère s’arrête. On doit malheureusement anticiper à court ou moyen terme l’extension du chaos, sous différentes formes, à toute la planète. Tu parviens à la même conclusion dans ton livre, mais en remontant plusieurs siècles plus tôt !
Youssef Hindi : Tu reviens tout au long de ton livre sur le cas de prélats œuvrant ouvertement en faveur de ce chaos et soutenant les rebelles qui sont en réalité des terroristes. Tu opposes ces religieux à la solde de la politique israélo-américaine à d’autres qui sont d’authentiques défenseurs du peuple syrien. Peux-tu nous en dire plus à ce propos ?
François Belliot : Ce contraste très surprenant est à la base de ma démonstration sur le traitement des événements de Syrie par les médias français, qui occupe pratiquement la moitié de ce premier volume.
Première remarque pour commencer, politiques et médias français sont largement sous contrôle de juifs sionistes dont le travail consiste à détourner la politique intérieure et étrangère de la France au profit d’Israël, et de Francs Maçons, deux groupes qui vouent à l’Église catholique une haine extrême, séculaire, et inextinguible, qu’ils assouvissent en l’accablant de toutes les calomnies et en l’infiltrant pour la miner de l’intérieur.
Puisqu’il n’existe pas, de manière générale, de couverture médiatique honnête du point de vue chrétien en France, tout prélat bien traité dans les médias est en soi l’indice de quelque chose qui cloche. C’est ce dont je me suis rapidement rendu compte en comparant le parcours du père Paolo Dall’Oglio, père jésuite ayant dû quitter la Syrie en juin 2012 en raison de ses positons « anti régime » très tranchées, avec celui des autres autorités chrétiennes de Syrie.
Toutes ces autorités (Mgr Antoine Audo, Grégoire III Laham, père Elias Zahlaoui, mère Agnès Mariam de la Croix) dénoncent l’infiltration de mercenaires étrangers depuis le début des événements en mars 2011, la complicité de pays comme la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite, les États-Unis, et le rôle central d’Israël dans cette déstabilisation. Ils dénoncent un mensonge organisé des médias occidentaux. Certains dénoncent même la VO des attentats du 11 septembre 2001 !
Par contraste, le père Paolo est absolument le seul prélat « syrien » (italien qui plus est) à se caler complètement dans les rails de la propagande anti syrienne officielle. L’un ayant été massivement et louangeusement relayé, et tous les autres ayant été soit complètement ignorés, soit caricaturés avec les procédés les plus honteux, le traitement médiatique du point de vue des « chrétiens de Syrie » est donc un excellent révélateur du dispositif d’artillerie propagandiste au moyen duquel les Français (et d’autres) sont impitoyablement et continûment bombardés depuis mars 2011.
Youssef Hindi : Tu as l’air de pointer du doigt une instrumentalisation qui est faite au sujet des chrétiens d’Orient. Peux-tu nous dire qui instrumentalise cette question, pourquoi et comment ?
François Belliot : Je partirais de cette anecdote édifiante : nous sommes le 27 juillet 2014, sur le parvis de Notre Dame de Paris, où un rassemblement pour les Chrétiens d’Orient est organisé. Participent à cette manifestation de soutien des personnalités comme Nathalie Kosziusco Morizet, Claude Goascguen, Roger Karoutchi, Rachida Dati, ou le grand rabbin parisien Olivier Kaufman.
Ayant participé à de nombreuses manifestations organisées par des associations syriennes dénonçant les monstrueuses exactions des mercenaires wahhabites en Syrie, je peux témoigner que jamais elles n’ont attiré le moindre homme politique ni la moindre caméra d’un média de masse. A l’époque, nous sommes en pleine période d’expansion foudroyante de l’État Islamique en Irak et en Syrie, et des vidéos douteuses de décapitations spectaculaires d’occidentaux par l’EI font à plusieurs reprises la une des journaux (le cas de James Foley un mois plus tard étant emblématique). Je dis « soudain » car de telles décapitations, de chrétiens ou d’autres, sont monnaie courante, entre autres horreurs, depuis le début des événements en mars 2011. Soudain, chemin de Damas ! on découvre les pratiques barbares des terroristes sur le sol syrien et irakien !
Or qui autorisa-t-on à prendre publiquement la parole au nom du maire de Paris pour la défense des chrétiens d’Orient sur le parvis de Notre Dame de Paris? Patrick Klugman, l’avocat de la Femen qui avait publiquement mimé un avortement de Marie dans la cathédrale de la Madeleine en expulsant sur l’autel un foie de veau qu’elle avait fourré dans son vagin, Klugman également avocat de BHL, de Yann Moix, et de Caroline Fourest, ancien président de l’UEJF et membre du comité directeur du CRIF. Repéré, il fut copieusement hué par la foule de chrétiens rassemblés ce jour-là.
Pour faire bref, cette anecdote montre que la compassion marquée pour le sort des chrétiens d’orient intervient dans un contexte bien précis, et est mené par des personnalités dépourvues de toute légitimité, que l’on peut même considérer comme antichrétiennes pour certaines. Ajoutons que cette découverte soudaine du sort des chrétiens d’orient est extrêmement tardive. En 2003, la Syrie a accueilli des centaines de milliers d’entre eux qui fuyaient les combats et les persécutions en Irak. Qui s’est ému de leur sort à l’époque ?
Mais tout cela a un sens : quoique la France soit largement dé catholicisée, ce focus tardif, malhonnête et opportuniste, pointé sur le sort tragique des chrétiens d’orient avait sans doute pour but de réveiller le fond chrétien qui dort en chaque Français, pour susciter son indignation contre le mal nommé « fondamentalisme islamique », dans la perspective du « choc des civilisations », accentuer le clivage entre les deux camps destinés à s’affronter dans ce combat suicidaire de la fin des temps entre Ismaël et Esaü dont tu retraces la genèse dans ton livre, dans la logique de l’eschatologie messianique juive.
Second volet : François Belliot interroge Youssef Hindi sur son ouvrage « Occident et Islam – Tome I : sources et genèse messianiques du sionisme, de l’Europe médiévale au Choc des civilisations »
François Belliot : De nombreux ouvrages ont été écrits sur la question que tu traites dans « Occident et Islam », à savoir la mise en œuvre d’un projet politique secret de domination mondiale sous auspices sionistes. A quelle occasion t’es-tu rendu compte que tu pouvais aller plus loin dans la réflexion, en faisant remonter ce projet sioniste au XIIIème siècle et non plus au XIXème, et en faisant remonter la stratégie du choc « des civilisations », extrêmement actuelle, à une époque aussi reculée ?
Youssef Hindi : Mon ouvrage traite principalement du sionisme, de la stratégie du Choc des civilisations, mais aussi du mythe du judéo-christianisme.
Dans cet ouvrage j’expose une réalité méconnue jusque là, à savoir que le sionisme est une des branches d’un projet messianique global et qui est né au Moyen-Age. Lorsque, par exemple, Jacques Attali parle d’un gouvernement mondiale avec pour capitale Jérusalem, il résume ce projet messianique globale qui comprend, entre autres choses, la disparition des nations sur les décombres desquelles doit régner le capitalisme financier. Jérusalem, dans ce projet messianique, doit devenir la capitale de ce gouvernement mondial mais aussi la capitale de la seule nation qui aurait le droit d’exister en tant que telle : Israël.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des gens, intellectuels ou non, spécialistes du sionisme ou historiens, croient que le projet sioniste est né à la fin du XIXe siècle. Quelques historiens le font remonter au XVIIe siècle en Angleterre dans des cercles puritains protestants messianiques.
Ce qui m’a poussé à aller plus loin c’était l’invraisemblance de ces thèses. Mon intuition de départ m’a guidé vers la kabbale et le messianisme juif pour y chercher les véritables origines du sionisme. Durant mes recherches, j’ai découvert que ce messianisme n’avait pas seulement accouché du projet sioniste mais aussi de la doctrine stratégique du Choc des civilisations et de la construction du judéo-christianisme dès le début du XVIe siècle.
Le sionisme est à l’origine un projet messianique, né dans des cercles rabbiniques au Moyen-Âge, à partir du XIIIe siècle. Ce projet a mûri et s’est renforcé en se transformant à travers les siècles pour finir, comme un certain nombre d’idéologies modernes au XIXe siècle, par prendre une apparence athéiste.
Mes recherches montrent que la stratégie du Choc des civilisations a été élaborée par un kabbaliste du nom de Solomon Molcho – suivant les interprétations rabbiniques et eschatologiques de la Bible – qui, au XVIe siècle, a tenté de lancer l’Église puis le Saint-Empire romain germanique, dans une guerre contre l’Empire ottoman, afin d’expulser ce dernier de Palestine et y reconstruire le royaume d’Israël. C’est précisément ce que les Britanniques ont fait au sortir de la Première Guerre mondiale, par le démantèlement de l’Empire ottoman et la création du Foyer juif en Palestine (1919-1920) à la suite de la promesse faite par les Anglais aux sionistes dans la Déclaration Balfour (1917). Le projet de Molcho a mis quatre siècles à s’accomplir, mais il s’est finalement réalisé.
En 1957, Bernard Lewis, le maître de Samuel Huntington, « laïcisera » et actualisera cette stratégie messianique en lui donnant un habillage scientifique pour l’ériger ainsi en théorie. Lewis, en digne héritier de Molcho, dans l’optique de guerres entre le monde (post)chrétien et le monde musulman, décrète alors que ces deux grandes religions seraient ontologiquement vouées à s’affronter. C’est ce même Bernard Lewis, de confession juive et détenteur des nationalités israélienne, britannique et étasunienne, qui œuvra dans le début des années 2000 pour convaincre Dick Cheney, alors vice-président des États-Unis, d’envoyer l’Amérique en guerre contre l’Irak.
François Belliot : Tu fais le parallèle en termes de pratiques et de comportement inhumains entre le génocide arménien commis par les Jeunes-Turcs donmeh, la cruauté des combattants wahhabites en Libye et en Syrie en ce moment, les horreurs de la révolution bolchévique, et les crimes contre l’humanité commis par l’armée israélienne en Palestine. Tu expliques dans ton livre que ces idéologies et groupes aussi différents en apparence sont issus de la même matrice…
Youssef Hindi : Tout à fait. Le fond idéologique est le même mais avec des variantes. La matrice de ces idéologies est l’Ancien Testament.
Par exemple, lorsque l’on fait le parallèle entre Cromwell qui au XVIIe siècle, l’Ancien Testament à la main, massacra en masse les catholiques Irlandais et Écossais, en détruisant les églises, massacrants prélats, hommes, femmes et enfants, pour imposer une nouvelle religion, et Mohamed Ibn Abd al-Wahhab un siècle plus tard, l’on y voit bien plus que quelques similitudes. C’est exactement le même schéma.
Il y avait chez Cromwell et sa secte une haine viscérale du Christianisme accompagnée d’une logique de conquête nihiliste dont la parenté idéologique avec le Livre de Josué est flagrante. D’ailleurs, c’est en lisant le Livre de Daniel (livre centrale de l’eschatologie juive) que Cromwell mena ses campagnes militaires et ses grands massacres qu’il percevait comme une œuvre religieuse. Œuvre aussi éloignée de l’Évangile que l’est l’œuvre d’Abd al-Wahhab du Coran.
Abd al-Wahhab, prétendait revenir à l’Islam des origines, comme les protestants qui se présentaient comme des fondamentalistes, véritables tenant du christianisme, en renouant avec l’Ancien Testament. Dans les faits, Abd al-Wahhab et ses sectateurs d’hier et d’aujourd’hui, font montre d’une haine dévastatrice de l’Islam, du Prophète et de ses compagnons, dont ils se sont acharnés à détruire systématiquement les tombeaux et l’héritage.
Je reviens en détail dans mon livre sur l’origine des Jeunes-Turcs qui menèrent une révolution – appuyée, entre autres, par des loges maçonniques françaises – très proche celle de 1789 en France, tant dans le fond que dans la forme.
La révolution Jeunes-Turcs comme les révolutions utopistes libertaires et socialistes d’Europe centrale au XIXe siècle qui mèneront à la Révolution bolchévique, sont issues du messianisme juif qui a connu une phase de transition entre la fin du XVIIe et durant le XVIIIe siècle avec le courant sabbato-frankiste. Ce puissant mouvement historique, messianique, apocalyptique et antinomique (s’opposant à Dieu et à la loi naturelle) qui est né avec les faux messies Sabbataï Tsevi et Jacob Frank (l’un faussement converti à l’Islam et l’autre au Catholicisme), a tracé une voie menant à un messianisme athéiste qui donnera une apparence matérialiste au vaste projet messianique.
François Belliot : A de nombreuses reprises tu te réfères au texte biblique (Torah, Ancien Testament), pour montrer qu’il s’agit jusqu’à un certain point du programme du projet sioniste tel qu’il est en train d’être parachevé en ce moment. Il faudrait donc en fait faire remonter le « projet » bien au-delà du XIIIème siècle, où tu en retrouves la trace ?
Youssef Hindi : Ce que je montre dans mon livre c’est que le messianisme actif est la mise en action des récits bibliques, des lois bibliques et des écrits eschatologiques de la Bible. Le messianisme actif traduit dans la réalité ce qui ne faisait jusqu’au XIIIe siècle que l’objet d’étude et d’attente. On étudiait la Bible et le Talmud, on attendait les temps messianiques et le Messie, mais avec l’avènement du messianisme actif c’est une véritable révolution permanente qui débute dans le monde juif et qui va s’étendre aux nations des non-juifs.
Dans le second tome je m’attacherai à étudier l’origine du projet biblique latent qui a été activé par le messianisme actif à partir du XIIIe siècle.
Ce projet, comme je l’ai dit, on en trouve la trace dans l’Ancien Testament, et pour le comprendre nous devons retourner dans l’Antiquité, à l’époque de la rédaction de la Bible, dans les royaumes d’Israël et de Judée. C’est ce que je ferai dans le Tome II.
Au début du quatrième chapitre de ce tome I je fais le parallèle entre le récit du Livre de Josué qui conquière la Terre Sainte et la conquête sioniste des XXe et XXIe siècles. Je mets en lumière le fait que les sionistes, supposées être athées, ont suivi à la lettre le récit de Josué et ce, dès la Première Guerre mondiale.
Je laisse aux lecteurs le soin de découvrir par eux-mêmes ce surprenant parallèle.
28 octobre 2015
Source: http://arretsurinfo.ch/interview-croisee-entre-deux-auteurs-francois-belliot-et-youssef-hindi/