Partager la publication « Vladimir Poutine a défini la politique russe pour l’année à venir. Divorce consommé avec l’Occident. »
Ceci dit, il y a eu des moments forts et vraiment intéressants dont le volet consacré à la situation internationale. Ainsi, en parlant des Etats-Unis, Vladimir Poutine s’est gardé de mentionner la victoire de Donald Trump comme un facteur du changement dans le relationnel des deux pays. Mais il n’a pas omis de mettre les Américains en garde contre une escalade effrénée pouvant mener à la montée aux extrêmes. « Casser la parité stratégique est une affaire bien dangereuse. Ça peut mener à une catastrophe globale », a souligné le président de Russie.
D’autres pays mentionnés, à titre du partenariat et des grands axes de développement, sont la Chine et l’Inde, avec le développement de l’Orient russe à la clé déclaré par Poutine le grand impératif national et point la conjoncture du moment. En guise de programme national, Poutine a suggéré d’appliquer « l’intégration eurasienne à tous les niveaux ».
Grande surprise pour le chapitre « Affaires Internationales » : Poutine ne semble faire aucun cas de l’Europe ni s’attendre à rien de positif de ce côté-là puisqu’il n’a prononcé aucun mot sur cette direction géographique, économique ou stratégique. L’Europe a complètement disparu de son discours en marquant apparemment le grand tournant que la Russie entendrait opérer pour se réserver à la coopération avec l’Asie et l’Orient.
Un autre aspect intéressant est la ventilation temporelle et l’ordre des questions évoquées. C’est ainsi que plus de moitié du discours a été consacré aux problèmes intérieurs. La chose qui a beaucoup étonné est l’évocation de la révolution soviétique de 1917. L’heure serait à la réconciliation nationale un peu de type français, c’est-à-dire que même si l’époque a été cruelle et sanglante elle a incarné tout de même un grand pas franchi par la société russe dans son chemin du développement sociétal, politique et économique. Mais Poutine a mis en garde tous les révisionnistes en disant littéralement que quelle qu’ait été la place des ancêtres des citoyens russes lors de cette tragédie et de quel côté des barricades qu’ils aient été, la Russie reste et restera toujours un seul Etat et un peuple uni, fier de son passé et de ses victoires. Une telle approche équivaudrait à la fin de la politique d’expiation des fautes politique et de la mise en abîme sociétale liée à la mémoire des grandes purges de 1937. Poutine a réhabilité le passé soviétique et, en fait, a tourné la page en mettant les points sur les i et en refusant net d’oublier les conquêtes et les victoires de la période soviétique.
Il est notoire qu’en même temps, il a été décidé d’ériger un monument à la mémoire de tous les prisonniers politiques. Cela se fera à Moscou sous forme d’un mur (l’idée serait celle du Mur des lamentations), composé de corps humains, en pierre rose. L’idée générale devrait être la reconnaissance de la mémoire historique (à la différence de la France qui peine toujours à la tâche en passant l’éponge sur la Vendée et les martyrs bretons) mais sans oublier toutefois à payer le tribut aux grands noms de l’URSS – savants, chercheurs, militaires, artistes, etc.
Un autre point fort évoqué a été la démographie. Chiffres en main, le président russe a prouvé que le taux de fécondité russe a été supérieur par rapport à celui du Portugal et de l’Allemagne : 1,7 en Russie pour 1,2 au Portugal et 1,5 en Allemagne. Et ce taux continue à s’accroître pour représenter 1,78 pour l’année 2016.
Après la démographie, les problèmes les plus importants passés en revue sont, dans l’ordre de citation, la médecine à tous les niveaux, avec les investissements massifs à effectuer, la formation secondaire, les routes et l’écologie.
Le volet économique, particulièrement douloureux pour la Russie à cause de la démission et l’interpellation du ministre du développement économique assigné à domicile dans l’attente d’être déféré au Parquet de Moscou, a étonné par bien de points. C’est ainsi que Vladimir Poutine a fait état du ralentissement de la chute du PIB russe. La chute de l’année dernière fut de l’ordre de moins 3,7 % pour moins 0,3 % attendus en 2016. L’inflation devrait atteindre son niveau minimum record pour la Russie (5,8%) contre 12,9 % en 2015. La croissance industrielle a redémarré. Certains chiffres cités ont de quoi étonner : les exportations agroalimentaires auraient un niveau supérieur au chiffre d’affaires généré par les armements : 14,6 milliards de dollars comme recettes militaires contre 16,9 % pour les denrées alimentaires. Et en même temps, on se souvient que la Russie occupe la deuxième place dans le classement de la vente d’armements à travers le monde.
Encore une surprise – pas des moindres – et un point fort, a été le chiffre des exportations des produits informatiques russes. « Il y a quelques années », a dit le président, « leur niveau frôlait un zéro absolu tandis que maintenant les informaticiens ont généré un gain pour le budget de l’ordre de 7 milliards de dollars, soit presque la moitié des recettes apportées par le secteur militaro-industriel ». Vladimir Poutine a également fixé un objectif pour les produits sophistiqués et les hautes technologies de tous les domaines industriels : au bout de 5 prochaines années, cette branche d’économie devrait représenter jusqu’à 30 % du PIB (numérique, informatique, neuro-technologie, espace, nucléaire, robotique, appareils quantiques, etc.).
A titre de conclusion générale, on avancerait que la prochaine période de l’existence de la Russie serait caractérisée par le développement intensif intérieur avec les secteurs militaro-industriel, agroalimentaire et informatique comme branches de proue. L’Asie et l’Orient vont constituer les grands axes de coopération internationale et le développement de l’Orient russe serait hissé au niveau de projet national. La Russie semble tourner définitivement le dos au monde occidental en ne s’attendant à rien de positif de ce côté-là. L’idée d’un grand complexe eurasien, si cher à la Russie à partir de la période de la Horde d’Or, semble être de nouveau de mise pour faire les nuits blanches des stratèges américains de la nouvelle administration de Donald Trump à la Maison-Blanche.
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