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22 novembre 2024

Les syndicats autonomes : une véritable force du changement en Algérie


Algérie

Mohsen Abdelmoumen

Manifestation des médecins résidents à Constantine. DR

Dimanche 11 mars 2018

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Depuis plusieurs mois, de grands mouvements de grève et de grandes manifestations ont cours en Algérie, touchant deux secteurs stratégiques : l’éducation et la santé. Les enseignants n’ont pas encore obtenu grand-chose de leurs revendications et le syndicat de l’éducation est en pleines tractations avec le ministère concernant la réintégration à leur poste des travailleurs que la ministre avait radiés. Au niveau des médecins résidents qui viennent de créer un grand syndicat, le CAMRA (Collectif autonome des médecins résidents algériens), le mouvement de grève se poursuit encore actuellement. À travers ces deux luttes, les Algériens ont donné une leçon à ce régime appartenant à une autre ère ; ils ont montré en effet que l’Algérien peut faire la grève, organiser des manifestations et des sit-in en toute sérénité, sans violences et sans incivilités, pour réclamer des augmentations de salaire, de bonnes conditions de travail, bref pour revendiquer ses droits légitimes. L’histoire de l’Algérie est là pour témoigner que c’est dans le mouvement syndical entre autres qu’ont été formés les militants révolutionnaires qui ont combattu le colonialisme. J’ai eu l’honneur de connaître le camarade Demène Debbih Abdallah à l’époque où je travaillais pour Alger Républicain. Si Abdallah et ses camarades étaient de grands militants qui avaient commencé la lutte dans les années 1940. De la lutte syndicale, ces militants se sont dirigés vers la lutte politique. Les luttes syndicales actuelles, que certains traitent de luttes corporatistes, sont très importantes parce qu’elles contribuent à former les militants politiques de l’avenir. Ces jeunes qui luttent pour leurs droits aujourd’hui sont les politiciens de demain. Ils sont issus de la CGATA (Confédération générale autonome des Travailleurs en Algérie), le CNAPESTE (Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation), la CAMRA (Collectif autonome des médecins résidents algériens), le SNATEG (Syndicat autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz) et tous les syndicats autonomes combatifs qui se reconnaîtront. Il n’y a pas mieux que l’espace syndical pour apprendre la politique. Organiser des grèves, manifester, faire des collectes pour soutenir les grévistes victimes du gel des salaires, comme dans le cas de médecins résidents, tout cela demande de la maturité, un engagement, de l’honnêteté et le sens du devoir. Je suis heureux de voir la jeune génération se réunir et débattre d’idées nouvelles, tenir des assemblées générales et revendiquer ses droits. C’est de cette manière que l’on construit un mouvement de changement, long peut-être, mais prometteur. Ces jeunes ont donné une leçon magistrale de citoyenneté et d’engagement à un gouvernement complètement dépassé qui a prouvé à maintes reprises son incompétence et son inutilité. Quand on pense que la ministre de l’Éducation a voulu radier 19 000 enseignants (!), c’est du jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Cette sinistre ministre en a quand même radié 4 000 ! Certains affirment que suite à une intervention de « là-haut », les enseignants radiés sont en train de réintégrer leur emploi. La faillite du gouvernement algérien est totale et quand les civils échouent dans la gestion de leurs secteurs, ce sont les services sécuritaires qui doivent intervenir pour gérer une situation qui n’est pas de leur ressort. Ces politiciens incompétents et corrompus, planqués dans leur résidence dorée, mettent des gendarmes et des policiers, qui sont des enfants du peuple, face à des citoyens qui manifestent pour leurs droits.

On ne peut pas cesser de se désoler de la façon dont ce gouvernement traite les différentes crises – crises qui ne sont pas inattendues du fait des conséquences de la baisse du prix du pétrole dans un pays dépendant à 98% des hydrocarbures. Ce régime de bras cassés s’illustre par son impéritie, sa mauvaise gestion et, surtout, par sa corruption qui a fait que des milliards de dollars se sont envolés un peu partout dans le monde en surfacturations et détournements multiples. La baisse du prix du pétrole annonçait des lendemains difficiles mais l’Algérie est aux mains d’un gouvernement sans vision d’avenir, qui fonctionne au jour le jour et qui est composé d‘incapables à la tête desquels règne le vide absolu. Faut-il rappeler encore une fois que le président est malade, qu’il est inapte à exercer ses fonctions et qu’il faudrait appliquer sur lui l’article 102 de la Constitution pour incapacité à diriger le pays ? Et ils osent parler d’un 5e mandat pour reproduire les mêmes échecs ! Dois-je encore répéter que le président ne tient pas de conseil des ministres, qu’il ne représente l’Algérie dans aucune réunion internationale, qu’il ne fait aucun discours à la nation, et tout cela depuis 2012 ? Depuis six ans, la peuple algérien est mené en bateau, un bateau sans gouvernail qui ballote au gré des courants et de la houle, au risque de s’échouer sur les écueils. Cette situation serait inimaginable dans un autre pays, mais en Algérie, c’est permis. Donc, le problème de l’Algérie est avant tout politique avec la vacance du pouvoir, et l’aspect économique est venu compliquer la donne. Et ce pouvoir illégitime n’admet pas l’alternance. Les différentes élections se font avec moins de 15% de votants, ce qui rend toutes les assemblées illégitimes de facto. Cela nous renvoie au désintérêt du fait politique des Algériens qui résistent en appliquant un boycott citoyen sur tout ce qui provient de ce régime illégitime. Dans ce contexte particulier, les appels des uns et des autres sont les bienvenus pour mettre de la pression sur ce pouvoir. L’idéal serait que les opposants politiques rejoignent le peuple dans ses luttes et qu’ils proposent des initiatives sérieuses et réalistes pour sortir de cette ornière, car l’impasse et le statu quo dans lesquels stagne le pays ne sont certainement pas en faveur de l’Algérie. Le problème fondamental que vit l’Algérie étant l’illégitimité du régime en place, la solution ne peut en aucun cas être technique mais POLITIQUE.

Les mouvements syndicaux que nous voyons à l’œuvre chaque jour depuis plusieurs mois sont très importants. La jonction entre les partis politiques de l’opposition, ou du moins ceux qui prétendent l’être, et ces mouvements syndicaux serait nécessaire pour résoudre les problèmes une bonne fois pour toutes, bien que tout syndicaliste ait une réticence envers les politiques, ce qui est bien naturel. Il est donc indispensable que les forces politiques encore saines de la nation donnent un contenu politique à ces revendications sociales, et là, le changement pourrait s’opérer, chacun jouerait son rôle et retrouverait sa place. Car, aujourd’hui, personne n’est à sa place, à commencer par le gouvernement et les forces occultes qui dirigent l’Algérie au niveau de la présidence et qui sont extraconstitutionnelles, composées du frère cadet du président, Saïd Bouteflika, et son entourage. Tout le monde parle au nom d’un président qui n’existe pas et qu’on ne voit que par épisodes lors de ses rares apparitions lunaires. Aucun dialogue n’a pu être noué entre ce gouvernement et les protestataires, bien au contraire, on a cherché à casser ces mouvements de grève en les attaquant de diverses manières, en utilisant une presse corrompue contre les enseignants, contre les médecins, contre les retraités de l’armée qui ont combattu le terrorisme pendant des années. À propos de ces derniers, je demande une fois de plus qu’Amar Hassini, dit Amar « El-Biri », le coordinateur du mouvement de protestation des radiés et des retraités de l’ANP, soit libéré ainsi que son collègue. Je persiste à dire que ce pouvoir mène l’Algérie vers une catastrophe, notamment au niveau de l’OIT (Organisation internationale du Travail) avec laquelle des conventions ont été signées et qui ne sont pas respectées par le gouvernement algérien. Celui-ci va devoir paraître devant le Conseil d’administration de l’OIT fin de ce mois de mars et il ne faut pas écarter l’option selon laquelle l’OIT demandera un arbitrage international par rapport aux travailleurs algériens licenciés, notamment ceux du syndicat de la SONELGAZ, le SNALTEG, les travailleurs de la Poste et tous les autres. J’ai été personnellement contacté par un groupe de travailleurs de SONARIC de l’unité de Ferdjioua qui ont été licenciés abusivement et qui ont obtenu de la justice de réintégrer leur poste, ce que refuse obstinément l’employeur qui se moque de la décision de justice. J’ai soumis les doléances de ces travailleurs en envoyant un courrier aux autorités algériennes à tous les niveaux, qui n’ont rien fait. J’ai alors pris contact avec le BIT (secrétariat de l’OIT) à Genève et je leur ai transmis le dossier complet de ces travailleurs. J’ai toujours été proche des luttes des travailleurs (dockers, travailleurs du textile, BTP, etc.) et des syndicats comme la CNAPESTE, le CLA (Conseil des lycées d’Algérie), etc. et je me souviens des jours et des nuits que j’ai passés avec les enseignants et les camarades Redouane Osmane ou Meziane Meriane lors des luttes précédentes des enseignants. J’ai souvent eu l’occasion d’intervenir à travers ma plume pour défendre la cause des travailleurs dans différentes affaires, parce que je suis un citoyen-journaliste militant : l’affaire du ciment, le vol de sable, etc. et j’ai toujours eu un retour. Cette affaire des travailleurs de SONARIC de l’unité de Ferdjioua révèle une fois de plus que nous sommes aujourd’hui face à un pouvoir hésitant qui est incapable de prendre des décisions, donnant l’impression que ce pays n’est pas gouverné. J’ai vu dans cette dernière expérience une sorte d’indifférence doublée d’irresponsabilité et une fuite en avant au moment où la rue algérienne est demandeuse de changement qualitatif et fait preuve d’une grande vitalité. Je suis franchement content de voir des jeunes gens, garçons et filles, militer et réclamer leurs droits. Cela fait chaud au cœur et ouvre des perspectives pour l’avenir. Je suis sûr que nos camarades qui sont morts dans la lutte syndicale sont fiers de cette génération qui a repris le flambeau malgré et contre tout. Par contre, ils ne peuvent éprouver que du mépris pour un Sidi Saïd – que j’ai évoqué dans un précédent article  traitant du syndicalisme – qui dansait pendant que des travailleurs se faisaient licencier. L’UGTA de Sidi Saïd est coupable entre autres d’avoir monnayé une privatisation féroce dans les années 1990 où plus de 600 entreprises ont été bradées à des mafieux devenus les oligarques d’aujourd’hui. Plus de 700 000 travailleurs en ont été victimes en se voyant licencier du jour au lendemain. Personne ne peut être fier de ces milliardaires arrivistes qui ont squatté tous les espaces politiques, économiques, syndicaux, sportifs, etc. Aucun secteur n’a échappé à la prédation. Tout a été pollué.

Je persiste à dire que le véritable danger pour l’Algérie est le régime actuel qui ne règle pas les problèmes du citoyen algérien, mais qui en est la source. Il n’a pas su arbitrer ni négocier dans le cas de ces revendications sociales, bien au contraire, il a matraqué, menacé, diffamé, et licencié. Il n’a pas pu brandir non plus comme à son habitude le disque rayé de « la main de l’étranger » car ça ne marche pas, il s’agit d’enseignants algériens, de médecins algériens, de retraités de l’armée algérienne. Aucun des protestataires ne vient de la planète Mars. Ce pouvoir est un régime illégitime et, de ce fait, tout ce qui vient de lui est illégitime. Si certains d’entre nous luttent pour défendre les intérêts de notre pays, même par le biais de médias étrangers, ce régime et ceux qui le composent et qui ont détourné de l’argent surtout vers la France, trahissant l’Algérie et le serment des martyrs, mettent le pays en difficulté par leur incompétence en dressant des organisations comme l’OIT contre lui. Il est certain que l’Algérie recevra à nouveau un blâme suite à des plaintes émanant de diverses organisations syndicales qui sont dans leurs droits, comme par exemple la SNATEG ou la CGATA. Ce pouvoir de bras cassés nous brouille pratiquement avec toutes les organisations planétaires. Quand on entend s’exprimer le ministre du Travail, on ne peut que se demander d’où débarque ce type. Ils nous sortent des individus complètement ineptes. C’est hallucinant de voir à quel point ce système ne reproduit que ce qui est médiocre. Et évidemment, malgré leur nullité crasse et les dégâts qu’ils occasionnent, comme ce Premier ministre, cette ministre de l’Éducation, ce ministre de la Santé, celui du Travail, etc., aucun n’a assez de dignité pour démissionner. Mais attention à l’effondrement de l’Algérie, je ne le répèterai jamais assez ! Il y a une ligne rouge à ne pas dépasser ! Comme ces gens ont détourné de l’argent, ils partiront et suivront les capitaux qu’ils ont placés à l’étranger quand le pays s’effondrera, à Dieu ne plaise. Mais nous, les patriotes, nous n’avons qu’une seule patrie, elle est dans notre cœur et nous n’avons pas besoin d’un bout de papier pour être Algériens. Nous le sommes dans chaque fibre de notre être et dans chaque goutte de notre sang. C’est la différence entre eux et nous. Et je dis à nouveau que je suis fier de ces grands mouvements syndicaux, je sais que le changement viendra de là et pas des vieilles épaves qui s’agrippent au pouvoir et qui vivent de la rapine et de la corruption. Oui, nous connaissons des problèmes économiques, mais la crise est avant tout politique. Et en plus, nous avons un grave problème générationnel. Il est temps que les vieux débris du régime passent la main, c’est une nécessité historique. Si vous voulez vous enterrer avec votre pharaon, faites-le, mais n’enterrez pas le pays avec vous. Passez votre chemin, laissez l’Algérie aux Algériens, laissez-les décider de leur propre sort. Vous avez le même profil que les colons d’antan, et plus personne ne veut de vous. Les gens qui luttent aujourd’hui sont un hymne à la résistance et le souffle du changement viendra du mouvement des syndicats autonomes et de cette effervescence que vit l’Algérie en ce moment. Cette nouvelle génération sauve l’honneur du pays en montrant qu’elle sait se gérer et qu’elle est capable de réfléchir par elle-même. Elle n’a pas besoin de guide, d’homme providentiel ou de messie. Ces jeunes rendent l’espoir à l’Algérie en marchant fièrement dans le sens de l’histoire, et des entrailles de ce mouvement syndical sortira le changement qui mettra fin au joug de ceux qui ont endossé le rôle des nouveaux colons.

Mohsen Abdelmoumen

 

 

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Source : Mohsen Abdelmoumen
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