La guerre Etats-Unis / Chine est-elle inévitable?
15 octobre 2018
France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique
Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.
Publié par Gilles Munier sur 15 Octobre 2018, 09:40am
Catégories : #Trump, #Chine, #Xi Jinping, #CIA
Donald Trump reçu par à Pékin par le président Xi Jinping (novembre 2017)
Par Finian Cunningham (13 octobre 2018 – Information Clearing House)*
La collision manquée de justesse entre un vaisseau de guerre américain et un navire chinois dans la très convoitée mer de Chine au début du mois représente une métaphore parfaite, celle de deux géants économiques embarqués dans une course vers la guerre. Cette collision frontale a été accélérée la semaine dernière lorsque le vice-président américain, Mike Pence, a prononcé un discours enflammé dans lequel il présentait la Chine comme l’ennemi public numéro 1 du monde. Lors d’une allocution au Hudson Institute à Washington, une institution de droite, il a accusé la Chine « d’intensifier ses agressions économiques et militaires » auxquelles « nous ne céderont pas ».
Pence a bien déclaré à un moment que les Etats-Unis espéraient avoir des relations de coopération avec la Chine, mais le ton avec lequel il l’a dit était des plus belliqueux.
A la une du New York Times titrait : « le discours de Pence ou le présage d’une nouvelle guerre froide ». Certains l’ont même comparé au tristement célèbre discours prononcé en 1946 par le dirigeant britannique Winston Churchill dans lequel il déclarait le « rideau de fer » avec l’Union Soviétique, discours qui est vu comme ayant provoqué la guerre froide entre l’Est et l’Ouest qui a duré presque 5 décennies.
Les remarques de Pence ont couvert toute une gamme d’accusations, aussi bien explicites qu’implicites contre la Chine. Il semblerait qu’elle soit responsable de tout, depuis « vol des ressources économiques américaines » à « l’oppression de son propre peuple » en passant par « son ingérence dans la démocratie américaine ». Selon Pence, l’ampleur de cette dernière ferait pâlir celle de la Russie.
En d’autres termes, la Chine semble être LA nation avec laquelle Washington cherche la confrontation. La Russie a bien provoqué aux Etats-Unis une nuée d’hostilités ces dernières années, surtout depuis la crise ukrainienne, mais la Chine est le rival économique que les Etats-Unis ont dans le collimateur.
L’an dernier le très acclamé journaliste et réalisateur John Pilger a sorti un documentaire appelé : « La guerre à venir avec la Chine »**. Il y rappelle la prolifération des bases américaines dans le Pacifique dont le but est d’encercler la Chine dans le cas d’une éventuelle guerre militaire, ou de servir au minimum de menaces afin de forcer Pékin à se soumettre. Le documentaire de Pilger semble être un présage au vu de l’intensification des provocations américaines.
Cette offensive contre la Chine doit être lue dans un contexte plus large de multiples actions américaines
L’administration Trump a entamé une guerre économique avec la Chine en lui imposant des tarifs douaniers punitifs sur un montant d’exportation chinoise estimé à 250 milliards de dollars. Ces surcoûts sans précédents encourus par l’économie chinoise ont à leur tour entraîner une chute de la confiance des investisseurs et des marchés en Chine, dont Pence semble se gausser dans son discours.
Cette semaine, les Etats-Unis ont fait monter la tension de manière significative en traduisant en justice un représentant du gouvernement chinois pour espionnage industriel. L’homme avait été extradé de Belgique et était en détention aux Etats-Unis depuis plusieurs mois. Ce cas est le premier de son genre.
Il y a aussi eu des nouvelles à sensation dans la presse américaine prétendant que la Chine a lancé un programme à grande échelle qui visent à implanter des puces informatiques dans les dispositifs électroniques exportés vers les Etats-Unis afin d’espionner les citoyens américains, ainsi que les entreprises et même le Pentagone. La China a démenti ces affirmations comme étant de pures fabrications.
Il ne fait guère plus de doute que Washington cherche la confrontation avec Pékin. Trump a déclaré qu’il n’était plus un ami du leader chinois Xi Jinping alors que l’an dernière seulement, Xi avait été reçu à la demeure de Trump en Floride, visite durant laquelle Trump s’etait gaussé de partager un excellent gâteau au chocolat avec ce même président chinois.
Cette « romance » semble bel et bien finie. Trump s’en remet désormais à des conseillers va-t-en-guerre au sein de la Maison Blanche qui se délectent ouvertement d’une éventuelle épreuve de force avec la Chine. Peter Navarro, conseiller du président sur les relations économiques avec la Chine, prône sans retenu une guerre économique avec la Chine. Son ancien conseiller, Steve Banon, est un autre partisan d’une attitude belligérante envers la Chine, allant même jusqu’à prédire une guerre.
Il est certain que les leaders chinois feront tout pour éviter la guerre avec les Etats-Unis. La culture politique de la Chine n’est pas agressive et tend à considérer les choses comme étant une transition à long terme.
La Chine cherchera sûrement à calmer les tensions, dans l’espoir que Trump ne sera pas réélu, et qu’une administration plus mesurée et saine d’esprit soit mise en place.
Pékin a rejeté les allégations faites par l’administration Trump quant à leur ingérence dans les élections américaines. Comme d’habitude, les Américains ne fournissent aucunes preuves étayant leurs affirmations, de la même façon qu’ils avaient vilipendé la Russie sans l’ombre d’une preuve.
La Chine a aussi rejeté les accusations d’espionnage industriel. Il faut noter que des géants américains du Tech sont aussi sortis de leur silence pour démentir les rapports médiatiques sur les « puces espionnes » qui seraient introduites dans les entreprises chinoises de ces sociétés.
Mais jusqu’où peut-on pousser le stoïcisme chinois ?
L’administration Trump cherche à restructurer l’ensemble de l’économie américaine aux dépends de celle de la Chine. La stratégie de Trump est de « réindustrialiser » l’économie américaine en rendant les produits chinois non compétitifs et en forçant les compagnies américaines à relocaliser leurs opérations sur sol américain.
L’ironie dans tout cela c’est que le gouvernement américain accuse la Chine de « mercantilisme » et de « pratiques prédatrices » alors que ces termes sembleraient plutôt s’appliquer à la politique américaine.
Si l’administration Trump continue sur cette lancée, une collision semble alors inévitable. La rhétorique accusatrice et dérogatoire est une chose. Mais quand les Etats-Unis causent un dommage à l’économie et aux moyens d’existence mêmes de la Chine, comme cela semble en être la volonté, la Chine pourrait alors se voire contrainte de répondre.
Cela représente une conduite condamnable de la part des Etats-Unis. Ces actions irresponsables envers la Chine sont quasi criminelles dans leur volonté de déclencher une guerre avec une puissance nucléaire.
Cela dit, il est possible d’éviter une telle guerre. Pour cela il faudrait que l’économie et la société américaines puissent se restructurer d’une manière plus démocratique pour ses citoyens. Ce serait la réponse la plus raisonnable et la meilleure. Mais les classes dirigeantes américaines ne sont pas intéressées par cette option qui leur demanderait de restructurer l’économie capitaliste, ce qui heurterait leurs profits et fortunes. Ils préfèrent forcer la Chine à payer pour les faillites de l’économie américaine. Une telle option serait le signe précurseur d’une guerre.
Finian Cunningham a travaillé pendant 20 ans comme éditeur et auteur dans les principales organisations de presse, y compris The Mirror, Irish Times et The Independent.
*Source : Information Clearing House
Traduction et synthèse : Z.E pour France-Irak Actualité.
Cet article a été publié en premier par Sputnik.
**A voir : Le documentaire de John Pilger