Libye : « Le soutien [de la France] à Haftar » s’inscrit dans la continuité « de la présidence Macron »
3 mai 2019
Selon Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye, le soutien de la France au maréchal Haftar dans le conflit avec le gouvernement d’union nationale s’inscrit dans la droite ligne de la politique décidée par les Emirats Arabes Unis.
Des manifestants Lybiens brûlent une affiche d\’Emmanuel Macron lors d\’un rassemblement contre le maréchal Khalifa Haftar, à Tripoli.
Des manifestants Lybiens brûlent une affiche d’Emmanuel Macron lors d’un rassemblement contre le maréchal Khalifa Haftar, à Tripoli. (FADEL SENNA / AFP)
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Mis à jour le 03/05/2019 | 16:30
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Alors que les combats entre les forces du maréchal Khalifa Haftar et les combattants fidèles au gouvernement d’union nationale font rage depuis un mois à Tripoli, « Haftar fait partie de la solution » a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, dans une interview au Figaro vendredi 3 mai. Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, spécialiste de la Libye, cette déclaration s’inscrit dans « la marque de la présidence Macron » de « soutien pour le maréchal Haftar » qui s’illustre notamment pour la France « en empêchant la condamnation du maréchal Haftar ».
franceinfo : La France est-elle neutre en Libye ?
Jalel Harchaoui : Il y a toujours un « mais ». Elle est neutre, mais elle tient à aider tous ceux qui combattent le terrorisme et en particulier une faction qui se dit être un ennemi idéal pour tous les groupes terroristes, et nous arrivons à cette idée de soutien surtout idéologique et diplomatique d’ailleurs, plutôt que sécuritaire, de soutien pour le maréchal Haftar. Il y a d’autres groupes qui se sont démarqués dans la lutte contre le terrorisme, et ces groupes-là étaient en dialogue avec la France, mais ils ont été totalement abandonnés au mois d’avril. On voyait déjà à l’époque la marque de la présidence Macron qui ne faisait que rendre plus visible une politique qui était déjà mise en place par Jean-Yves Le Drian sous François Hollande, mais de manière beaucoup plus discrète et clandestine.
Comment la France s’implique-t-elle dans le dossier libyen ?
En empêchant la condamnation du maréchal Haftar. Elle empêche l’Allemagne de condamner le maréchal Haftar, elle empêche l’Union européenne de former une diplomatie unifiée, elle empêche le Conseil de sécurité de l’ONU, même si évidemment la Russie le fait mieux. Il y a aussi la Maison Blanche de Donald Trump qui montre une véritable sympathie pour le maréchal Haftar. Mais même avant que Donald Trump ait pu se prononcer sur le dossier, la France traînait des pieds dans les forums diplomatiques. Et cela, ça vaut de l’or quand on a pour objectif de continuer une solution militaire qui se passe très mal, et dans laquelle on souhaite s’enliser pour devenir une solution sur le terrain. C’est très utile d’avoir une puissance diplomatique occidentale comme la France, que tout le monde écoute, et qui est là pour empêcher une condamnation spécifique contre un acteur précis, le maréchal Haftar.
Elle est isolée la France dans ces positions-là ?
Non pas du tout. Il y a donc la Maison blanche, et ses figures anti-libérales qui ont une grande sympathie pour les figures autoritaires dans le monde arabe, comme le maréchal Haftar. Il y a la Russie, il y a l’Arabie saoudite, et surtout il y a le grand maître à penser : ce sont les Émirats arabes. La politique de la France ce n’est pas une création originale. C’est en grande partie une imitation de quelque chose qui a été mis en place à Abu Dabi.
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