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23 novembre 2024

Comment les foyers d’infection propagent-ils la pandémie de Covid 19 ?


Le Saker

Moon of Alabama

Samedi 30 mai 2020

Par Moon of Alabama − Le 28 mai 2020

L’un des nombreux mystères de la pandémie de Covid-19 est de savoir comment la maladie se propage. On nous a dit de nous laver les mains, et nous sommes informés du danger des gouttelettes lors de contacts individuels. Mais de nouvelles preuves continuent de pointer dans une autre direction.

Il y a de plus en plus de rapports sur des cas où les infections semblent se propager par aérosol, des gouttelettes de moins de 5 μm de diamètre, plutôt que par des gouttelettes plus grosses ou des surfaces et des objets contaminés. Lambert Strether a recueilli des rapports sur des cas de foyers dans des restaurants, des bus, des navires et un centre d’appels où la transmission par aérosol était la cause la plus probable :

Il y a de plus en plus de preuves que la transmission aéroportée à l’intérieur des locaux est la voie privilégiée- peut-être la principale – pour la transmission du SRAS-COV-2. Dans cet article, je veux voir pourquoi il en est ainsi, donner des exemples et suggérer une heuristique simple pour rester en sécurité.
Mais un récent rapport sur une étude sud-africaine d’un groupe d’hôpitaux où 119 patients et le personnel ont attrapé la maladie affirme que la plupart des infections doivent avoir été transmises par des objets contaminés :

Dans l’ensemble, les patients ont été peu infectés directement. Au lieu de cela, les membres du personnel transmettent la maladie d’un patient à l’autre et d’un département à l’autre – peut-être parfois sans être eux-mêmes infectés. «Nous pensons que, dans l’ensemble, il s’agit probablement de mains [d’employés] et de matériels de soins partagés par les patients tels que des thermomètres, des brassards de tensiomètre et des stéthoscopes», explique Richard Lessells, spécialiste des maladies infectieuses à la plate-forme d’innovation et de séquençage de la recherche du KwaZulu-Natal, et l’un des responsables de l’étude. Lui et les autres auteurs n’ont trouvé aucune preuve que la transmission par aérosol ait contribué à l’épidémie.

Un examen de l’étude originale, très détaillée, et par ailleurs excellente montre pourquoi les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve de transmission d’aérosols. Ils n’en ont jamais cherché. Les mots «climatisation», ou apparentés n’apparaissent pas dans les 37 pages. En effet, dès le début de l’étude, les chercheurs ont exclu la possibilité que les aérosols puissent jouer un rôle :

Le SARS‐CoV‐2 serait, sur la base des preuves actuelles, transmis entre les personnes par le biais de gouttelettes respiratoires et par contact. …
Alors que la transmission par aérosol est possible dans des circonstances spécifiques, en particulier dans le cadre des soins de santé avec des procédures générant des aérosols (c’est-à-dire l’intubation endotrachéale, l’aspiration ouverte et la ventilation manuelle avant l’intubation), il n’y a actuellement aucune preuve que la transmission par aérosol soit un mode de transmission important.

Ce paragraphe est renvoyé en bas de page avec un lien vers une recommandation de l’OMS de mars. Depuis lors, on a beaucoup appris sur les cas de foyers dans lesquels les aérosols étaient le transmetteur le plus probable de la maladie.

Les aérosols sont des gouttelettes inférieures à 5 micromètres. Avec cette petite taille, ils ne tombent pas au sol mais flottent dans l’air. Contrairement aux gouttelettes, elles ne sont pas un problème en dehors des pièces fermées, car le mouvement normal de l’air commencera à les disperser immédiatement.

Une étude au Hubei a identifié 318 foyers d’infection dans lesquels au moins 3 personnes étaient impliquées. Elle a constaté qu’un seul s’est produit en plein air. Une étude japonaise indique que les risques d’infection à l’intérieur sont 19 fois plus élevés qu’à l’extérieur.

Une étude précédente avait révélé que le taux d’attaque secondaire dans les ménages, taux défini comme «la probabilité qu’une infection se produise chez les personnes sensibles au sein d’un groupe spécifique (c’est-à-dire les ménages ou les contacts étroits)» est assez faible, à environ 35%. D’autres études sont parvenues à des valeurs encore plus faibles d’environ 25%. Il y a eu un certain nombre de constats dans des familles où seulement une ou deux personnes ont été infectées alors que d’autres membres du ménage n’ont pas attrapé la maladie.

Mais le taux de reproduction global Ro de la Covid-19 est estimé entre 2 et 3. Cela signifie que sans mesures d’isolement, chaque personne nouvellement infectée infectera en moyenne 2 à 3 autres personnes. Comment cela cadre-t-il avec les infections secondaires relativement faibles dans les ménages ?

La revue Science a publié un article incontournable qui explique cette énigme :

D’autres maladies infectieuses se propagent également par foyers. Mais le Covid-19, comme deux de ses cousins, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), semble particulièrement enclin à attaquer des groupes de personnes étroitement liées tout en épargnant les autres. C’est une découverte encourageante, disent les scientifiques, car elle suggère que restreindre les rassemblements, où la sur-diffusion est susceptible d’avoir lieu, aura un impact majeur sur la transmission et que d’autres restrictions – sur les activités de plein air, par exemple – pourraient être assouplies. …
La plupart des discussions sur la propagation du SRAS-CoV-2 se sont concentrées sur le nombre moyen de nouvelles infections causées par chaque patient. Sans distanciation sociale, ce nombre de reproduction (R) est d’environ trois. Mais dans la vraie vie, certaines personnes en infectent beaucoup d’autres et d’autres ne propagent pas du tout la maladie. En fait, ce dernier est la norme, dit Lloyd-Smith : «Le schéma cohérent est que le nombre le plus commun est zéro. La plupart des gens ne transmettent pas le virus.»

C’est pourquoi, en plus de R, les scientifiques utilisent une valeur appelée facteur de dispersion (k), qui décrit la quantité de foyers d’une maladie. Plus k est faible, plus la transmission provient d’un petit nombre de personnes. Dans un article fondamental de 2005 du magazine The Nature, Lloyd-Smith et ses co-auteurs ont estimé que le SRAS – dans lequel la sur-propagation jouait un rôle majeur – avait un k de 0,16. Le k estimé pour le MERS, apparu en 2012, est d’environ 0,25. Dans la pandémie de grippe de 1918, en revanche, la valeur était d’environ un, indiquant que les foyers jouaient un rôle moindre.

Les estimations actuelles du facteur de dispersion k pour le SRAS-CoV-2 varient entre 0,1 et 0,5. Cela signifie que les infections en foyers, dues à un nombre relativement faible d’événements de sur-propagation, participent plus à la diffusion que des transmissions uniques de personne à personne.

Cela explique le succès de la stratégie japonaise qui a mis fin à l’épidémie dans ce pays sans ordonner de strictes mesures de confinement :

Jeudi, le Japon avait, au total, confirmé plus de 16 000 infections et environ 900 décès dus au virus, de loin les chiffres les plus bas parmi les principales économies du Groupe des Sept.
Le Japon a exhorté les gens à éviter les environnements avec ce qu’il appelle les «trois C», ce qui signifie un contact étroit dans des espaces fermés et surpeuplés [Close contact in Closed-off Crowded spaces], où les experts disent que la plupart des infections se sont produites.

Sans savoir si les mesures fonctionneraient, le Japon a choisi la bonne stratégie. Seuls les événements et les endroits où la sur-propagation est le plus susceptible de se produire sont évités. De plus, au Japon, les gens portent leur masque et sont généralement soucieux de leur santé et disciplinés.

Malheureusement, il est peu probable que les nations «occidentales» endossent une telle discipline.

Yves Smith a écrit au sujet de sa récente expérience personnelle dans un hôpital en Alabama où même le personnel ne portait pas de masques et était par ailleurs assez insouciant. Ceci à un moment où les chiffres de l’Alabama explosaient.

Un certain nombre de publications «occidentales» ont affirmé que les démocraties sont plus efficaces dans la lutte contre une épidémie.

Pourquoi les démocraties sont meilleures pour lutter contre les épidémies – Atlantico, 24 février 2020
Seule la démocratie peut lutter contre les épidémies – EU Observer, 25 mars 2020
La pandémie défie les démocraties – mais nuit vraiment aux dictateurs – Washington Post, 30 avril 2020
Les États-Unis ont maintenant plus de 100 000 décès dus à Covid-19 et la Grande-Bretagne a le taux de mortalité le plus élevé au monde :

Le Royaume-Uni a enregistré 59 537 décès de plus que d’habitude depuis la semaine se terminant le 20 mars, ce qui indique que le virus a tué directement ou indirectement 891 personnes par million d’habitants.
À ce stade de la pandémie, il s’agit du taux de mortalité le plus élevé de tous les pays pour lesquels des données de haute qualité existent. Le nombre absolu de décès excédentaires au Royaume-Uni est également le plus élevé d’Europe, et juste derrière les États-Unis en termes mondiaux, selon les données recueillies par le Financial Times.

La Chine, le Vietnam et d’autres pays que les États-Unis aiment appeler des dictatures ont mieux géré la crise que les soi-disant démocraties dirigeantes auto-satisfaites. Au total, tous les pays d’Asie semblent avoir mieux maîtrisé l’épidémie qu’ailleurs. La raison la plus probable est que ces cultures se soucient beaucoup plus du bien commun que du bénéfice individuel.

Les cultures « occidentales » encouragent l’égoïsme de l’individu. Mais à plus long terme, les cultures qui mettent l’accent sur la liberté personnelle et ignorent le bien commun risquent de voir leur société échouer.

La plus grande leçon que nous tirerons de cette pandémie est probablement que nous devons travailler pour changer cette mentalité égoïste.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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Source : Le Saker Francophone
https://lesakerfrancophone.fr/…

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