Texte par Houda Ibrahim (revue de presse : RFI – 18/1/23)*
Le Front Polisario, mouvement indépendantiste du Sahara Occidental, tient toujours son 16e congrès dans un camp de réfugiés en Algérie. Lors de ce premier congrès depuis la rupture du cessez-le-feu en 2020, Brahim Ghali, secrétaire général du mouvement soutenu par l’Algérie, s’est montré offensif et a lancé un message à la poursuite de la lutte armée contre le Maroc. Réelle menace ou stratégie politique ?
Le conflit du Sahara occidental est décrit comme « tiède » par les spécialistes. Ce conflit n’a connu que peu de tensions depuis le cessez-le-feu conclu en 1991. Mais la reprise des armes, en 2020, a remis la question sur la scène internationale. Alors que Rabat s’accroche à la marocanité du Sahara, le Polisario rejette « l’occupation marocaine ».
Face au Maroc doté d’armes sophistiquées, le Polisario affirme n’avoir aucun autre choix que celui de la guerre. « Seule solution », dit-il pour obtenir l’indépendance. Alors faut-il craindre de nouveaux combats dans les semaines à venir ? Pas forcément, estime Aboubakr Jamai, enseignant en relations internationales à Aix-en-Provence. Selon lui, le discours va-t-en-guerre du Polisario est une stratégie visant à maintenir le conflit dans les radars de la communauté internationale et façon à trouver une solution politique.
« À mon avis, le Polisario a intérêt à agiter le chiffon rouge de la guerre pour dire à ceux qui peuvent avoir de l’influence sur le processus de résolution, à savoir les Nations unies évidemment, mais surtout les États-Unis et l’Union européenne, que la région risque d’être déstabilisée et qu’il vaut mieux résoudre ce conflit le plus tôt possible et le résoudre par l’organisation du référendum tel que c’était décidé par l’ONU il y a belle lurette et qui s’affirme chaque année par la reconduction du mandat de la Minurso [Mission onusienne au Sahara occidental NDLR], dont la mission principale est l’organisation du référendum. Ce langage de guerre vient surtout de la volonté de Polisario d’attirer plus l’attention sur l’urgence de la résolution du problème parce que le statu quo est plus en faveur du Maroc qu’autre chose ».
Depuis 1991, les Nations unies échouent à trouver une porte de sortie à ce conflit. L’ONU propose une autonomie de la région pendant cinq ans, puis un référendum, mais les obstacles à ce plan, conduit par l’ancien envoyé spécial, l’Américain James Becker, sont nombreux et viennent de chaque camp.
« De manière régulière, le Front Polisario met en avant la reprise des combats, mais je pense qu’honnêtement, ce n’est pas envisageable, le Front Polisario dispose vraisemblablement d’un armement qui est obsolète, explique Khadija Mohsen-Finan, politologue spécialiste du Maghreb et du monde arabe. Moi, je crois que la seule solution pour sortir de cette crise est une solution politique. Si elle ne peut pas se faire entre l’Algérie et le Maroc, il faudrait un État ou un groupe tiers extérieur qui puisse emmener ces deux États à la raison, pour que le conflit du Sahara occidental ne soit pas pris dans ce contentieux structurel maintenant entre l’Algérie et le Maroc ».
« La seule solution pour sortir de cette crise est une solution politique »
Depuis 2020, le Maroc fait de la question du Sahara occidental sa priorité absolue, le roi Mohamed VI a même appelé des pays partenaires à « clarifier » leur position et à le soutenir. Quant au processus onusien pour une solution via un référendum, il semble toujours en panne. « Cela n’a pas pu se faire parce que tantôt le Maroc disait non, tantôt l’Algérie disait non, et en réalité le Maroc a très peur d’un référendum qui ne lui donnerait pas raison, et l’Algérie avec le front Polisario sont absolument recroquevillés sur cette notion d’autodétermination qui laisse penser qu’en irait vers une indépendance du Sahara occidental. Évidemment, les Nations unies se font doubler sur des actions conduites par le Maroc et par l’Algérie de manière autonome, mais aussi par le Polisario », selon Khadija Mohsen Finan.
Mais en face, l’Algérie retrouve des forces, notamment à cause de la guerre en Ukraine qui rebat les cartes et qui fait d’elle un acteur incontournable sur la scène internationale. « Il y a un besoin d’Algérie, pour l’énergie, mais aussi pour l’appui au Sahel et en matière d’accès à l’Afrique », conclut Khadija Mohsen Finan. Le conflit du Sahara occidental reste un contentieux majeur entre l’Algérie et le Maroc.
*Source : RFI