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18 décembre 2024

Gaza: décryptage du discours de Nasrallah


Gaza : décryptage des discours de Nasrallah

lecridespeuples

Nov 12

Par Le Cri des Peuples

Depuis qu’il a été élu Secrétaire Général du Hezbollah en 1992, suite à l’assassinat par Israël de son prédécesseur et mentor Sayed Abbas Mousawi, Sayed Hassan Nasrallah a atteint un statut très particulier dans l’histoire des dirigeants arabes. Comme l’a déclaré Norman Finkelstein, « Nasrallah est le seul dirigeant dont les discours sont vraiment instructifs. Il compte parmi les observateurs politiques les plus sagaces et les plus sérieux au monde aujourd’hui. Les dirigeants israéliens scrutent attentivement le moindre mot de Nasrallah. » Et dénonçant la censure acharnée subie par ma traduction de ses discours sur Internet et les réseaux sociaux (Youtube, Facebook, Twitter, Vimeo, Dailymotion, Mediapart…), il ajoutait : « Pourquoi le grand public se voit-il refuser ce droit ? On ne peut s’empêcher de se demander si les discours de Nasrallah ne sont pas censurés simplement car il ne correspond pas au stéréotype du dirigeant arabe dégénéré, ignorant et fanfaron. Il semble que les médias et réseaux sociaux occidentaux ne soient pas encore prêts pour un dirigeant arabe digne tant dans sa personne que dans son esprit. »

Pourquoi Nasrallah est-il tellement craint et redouté, et paradoxalement tellement écouté, tant par les amis que par les ennemis ? Pourquoi est-ce que la majorité des citoyens israéliens eux-mêmes, en pleine guerre, faisaient-ils davantage confiance à ses déclarations qu’à celles de leurs propres dirigeants ? La raison est que la crédibilité du Hezbollah repose non seulement sur deux défaites humiliantes infligées à Israël en 2000 et 2006, les premières de toute son histoire ; et surtout parce que Nasrallah est un homme de parole, qui, s’il ne dit pas tout ce qu’il fait ou compte faire, fait scrupuleusement tout ce qu’il dit. En plus de 30 ans, aucune fausse déclaration, aucun mensonge, aucune exagération n’ont été recensés, pas même dans le cadre de la guerre psychologique continue qu’il mène avec brio contre Israël. Pour citer une nouvelle fois le Professeur Finkelstein, « Gamal Abdel Nasser n’était pas sérieux. Il faisait tous ces discours tonitruants, mais il n’y avait rien derrière. Chaque fois qu’il a fait la guerre, il a dit ‘On va faire ci et ça’, et il a été vaincu. La première fois qu’on a eu un dirigeant arabe sérieux, c’est Nasrallah. Quand il dit ‘On va faire A’, ils font A. Quand il dit ‘On va faire B’, ils font B. Il n’y a pas de paroles en l’air. Ils ne plaisantent pas. »

La crédibilité de Nasrallah étant établie, demandons-nous ce qu’il a vraiment dit lors de ses interventions du 3 et 11 novembre, et ce que cela laisse présager pour la suite.

Parmi les centaines de discours qu’il a prononcés depuis plus de 30 ans, celui du 3 novembre était sans nul doute le plus attendu de tous. Le monde entier était suspendu à ses lèvres et attendait de savoir ce que comptait faire le Hezbollah pour venir en aide au peuple de Gaza. Depuis l’opération spectaculaire du Hamas le 7 octobre, qui a causé un énorme tremblement de terre ressenti non seulement en Israël, mais dans le monde entier, particulièrement dans les centres de pouvoir occidentaux largement sionistes, la population palestinienne de l’enclave est soumise à une guerre d’extermination méthodique. Et le Hezbollah a toujours fait vœu de solidarité avec la cause palestinienne. Qu’allait donc dire Nasrallah durant sa première intervention, près d’un mois après le début de la guerre ? Allait-il lancer un ultimatum pour que cesse l’agression génocidaire contre Gaza ? Allait-il déclarer la guerre à Israël et ouvrir un nouveau front ? Allait-il, en tant que porte-parole de l’Axe de la Résistance, annoncer le lancement de la Grande Guerre de Libération tant annoncée, avec, en écho au « Déluge d’Al-Aqsa » palestinien, un déluge de missiles sur Haïfa et Tel-Aviv depuis le Liban, la Syrie, l’Irak, l’Iran et le Yémen ? Comme je l’avais expliqué, ces attentes n’étaient pas raisonnables, ni même rationnelles. Si Poutine a pu annoncer l’opération spéciale en Ukraine, qui avait été démentie jusqu’à la dernière seconde par son gouvernement, déclencher une guerre ne s’annonce généralement pas, surtout de la part de mouvements de Résistance reposant sur des tactiques de guérilla. Et le Hezbollah, dans pareils contextes, a l’habitude d’agir avant de parler, comme l’a démontré le lancement des opérations contre Israël à la frontière libanaise en soutien à Gaza dès le 8 octobre.

Lorsque les attentes sont démesurées, même de la part des journalistes et commentateurs les plus réputés, la déception est inévitable. Mais une analyse attentive de ses propos montre qu’il n’y a pas de raison d’être déçu. Bien au contraire.

Un engagement clair

Tout d’abord, il était clair dès la troisième minute du discours que Nasrallah n’allait rien annoncer de vraiment historique : en faisant référence à son discours annuel à venir du 11 novembre, le Jour du Martyr du Hezbollah, pendant lequel il parlerait davantage des martyrs, ceux du Hezbollah, de la Résistance palestinienne et du peuple de Gaza, on pouvait déjà comprendre qu’aucun bouleversement majeur n’était prévu. Mais ce qu’il a annoncé était bien suffisant pour rassurer ceux qui espéraient un « miracle » : il a clairement dit que même si les objectifs d’Israël à Gaza sont illusoires (anéantir le Hamas), et qu’un nouvel échec est probable et prévisible, il a assuré de manière on ne peut plus explicite que si le Hezbollah restait en retrait pour le moment et se contentait de constituer un front de soutien, si besoin, il ferait le nécessaire pour assurer la victoire de Gaza, et en particulier du Hamas. Y compris entrer en guerre ouverte et totale contre Israël, ce sur quoi il a bien insisté, afin de dissuader Israël et de rassurer la résistance palestinienne, et également dans le but de préparer psychologiquement la population libanaise (et, au-delà, les populations des pays du Moyen-Orient voire du mode entier) à l’éventualité de l’Armageddon. Citons quelques extraits significatifs :

« En 1948, quand le monde a abandonné le peuple palestinien, cette entité a été fondée, et le peuple palestinien ainsi que tous les pays et peuples de la région en ont payé le prix. Les Palestiniens ont payé le plus grand prix, mais les autres peuples en ont également subi les conséquences tragiques : les Jordaniens, les Egyptiens, les Syriens, les Libanais. Et il se peut bien que le Liban soit le pays qui a le plus souffert des conséquences de l’existence de cette entité belliqueuse, usurpatrice et dont les appétits (territoriaux et la soif de sang) sont insatiables. C’est une vérité historique indéniable. Et aujourd’hui, il se passe la même chose.

Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza n’est pas une guerre comme les autres guerres passées. Ce n’est pas un événement comme les autres. C’est une bataille pivot, décisive, historique. Ce qui viendra après ne sera absolument pas comme ce qui l’a précédé. Et cela impose à tous d’assumer leur responsabilité. Lorsqu’on parle d’assumer sa responsabilité, on doit déterminer les objectifs à court terme auxquels nous devons tous œuvrer. Et à nos yeux, il y a deux objectifs : le premier objectif auquel il faut œuvrer nuit et jour, c’est de mettre fin à l’agression contre la bande de Gaza. Et le deuxième objectif, c’est que Gaza soit victorieuse, que la résistance palestinienne à Gaza soit victorieuse, et en particulier que le Hamas lui-même soit victorieux. Ces objectifs doivent être les nôtres, résolument, et nous devons œuvrer sans relâche à ce qu’ils s’accomplissent.

Le premier objectif, faire cesser la guerre, ses raisons en sont claires et indiscutables : elles sont humanitaires, morales, religieuses, légales. Quant au second objectif, ô mes frères et sœurs, ô tous les auditeurs, il est de l’intérêt de tous. Certes, la victoire de Gaza est en premier lieu dans l’intérêt du peuple palestinien, de tout le peuple palestinien : la victoire de Gaza signifierait la victoire du peuple palestinien, la victoire des prisonniers en Palestine, la victoire de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, d’Al-Quds (Jérusalem), de la mosquée Al-Aqsa et de l’Eglise de la Résurrection. Mais ce serait également la victoire des pays et des peuples de la région, et surtout des pays voisins. La victoire de Gaza aujourd’hui est un intérêt national de l’Egypte. La victoire de Gaza aujourd’hui est un intérêt national de la Jordanie. La victoire de Gaza aujourd’hui est un intérêt national de la Syrie. Et en premier lieu et avant tous les pays, la victoire de Gaza aujourd’hui est un intérêt national du Liban. Car que signifierait une victoire d’Israël à Gaza, que la Résistance soit vaincue à Gaza ? Quelles seraient les conséquences pour la Palestine, pour la cause palestinienne ? Et surtout quelles seraient les conséquences d’une victoire israélienne pour le Liban, sur les plans sécuritaire, politique, populaire, démographique ? […]

Ce qui se passe sur notre front est très important, et a une grande influence. Certains, qui s’attendent ou demandent à ce que le Hezbollah entre rapidement dans une guerre globale et totale avec l’ennemi, se figurent peut-être que ce que nous faisons est modeste, mais si nous regardons objectivement ce qui se passe à la frontière libanaise, nous verrons que c’est très important et que ça pèse beaucoup. Bien sûr, quoi qu’il en soit, on ne se contentera pas de cela. On ne se contentera pas de ce qu’on fait déjà et on fera davantage. […]

Si notre position était simplement un soutien politique, des discours, des manifestations quotidiennes, Israël serait rassuré à sa frontière nord, et aurait envoyé toutes ses forces à Gaza, avec une partie en Cisjordanie. Mais voici ce qu’a accompli le front libanais. Aujourd’hui, le Hezbollah a pu mobiliser (et donc neutraliser) :

un tiers de l’armée israélienne est bloquée à la frontière libanaise face à nos moudjahidines qui le combattent à la frontière ; et une grande partie de ces forces sont des troupes d’élite et des unités essentielles de l’armée israélienne qui auraient pu être envoyées à Gaza ;
la moitié des forces navales israéliennes est présente en méditerranée, face à nous et face à Haïfa ;
un quart des forces aériennes est mobilisé en direction du Liban ;
près de la moitié des défenses antimissiles israéliennes (le Dôme de fer, les batteries Patriot, etc.) est tourné en direction du Liban ;
près d’un tiers des forces logistiques est tourné vers le Liban.

C’est là un des fruits direct de notre action à la frontière. Ces chiffres sont précis et vérifiés. Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, des dizaines de milliers de colons ont été évacués par l’armée ou ont fui d’eux-mêmes le nord de la Palestine occupée. 43 colonies ont été évacuées. Et la majorité de ceux qui y sont encore présents sont des soldats et non des civils. Dans le sud, face à Gaza, 58 colonies ont été évacuées. Et tous ces colons évacués du nord et du sud représentent une très forte pression psychologique, morale, financière et économique sur Israël, au point que le ministre des finances israélien a tiré l’alarme à cet égard, et cela est très important pour faire pression et jouer la montre.

Troisièmement, et c’est peut-être là le plus important, les opérations que nous lançons à la frontière et dans les fermes de Chebaa ont créé un état d’inquiétude, d’attente, de peur et même de panique chez les dirigeants politiques et militaires de l’ennemi, ainsi que chez les Etats-Unis. Ils craignent que ce front aille vers davantage d’escalade ou vers une guerre totale, ou même que ce front s’étende en une guerre régionale. Et c’est là une crainte réaliste : cela peut se produire, et l’ennemi doit bien le prendre en considération dans ses calculs. Et c’est ce qu’il fait avec le plus grand sérieux, ne cessant d’exprimer cette crainte et d’en parler, et d’y accorder un grand poids dans ses actions. […]

Sur le front libanais, les choses vont se développer voire escalader dans quelque direction que ce soit en fonction de deux choses, de l’une de ces deux choses fondamentales : premièrement, le développement et l’issue des événements à Gaza. Notre front est un front de soutien et de solidarité avec Gaza, et par conséquent, il se développe et prend de l’ampleur à la lumière des événements là-bas, et en fonction de ce qu’exige vraiment la nature des événements, des menaces et des développements sur le terrain à Gaza. Et la deuxième chose qui va décider de ce qui se passe sur notre front libanais, c’est le comportement de l’ennemi sioniste face au Liban. »

Au vu de ces extraits, il parait clair que tous ceux qui ont attribué au Hezbollah une position de neutralité, de retrait voire de lâcheté et d’abandon, assimilant ses déclarations à de vaines fanfaronnades à la Nasser, n’ont pas été assez attentifs. Si le Hezbollah se contente d’être un front de soutien, c’est qu’il estime que Gaza est capable de l’emporter, et qu’une victoire de Gaza seule servirait bien plus la cause de la Libération de la Palestine. J’avais développé ce point dans mon dernier article.

Et quant aux annonces tonitruantes, le premier discours de Nasrallah en a tout de même contenu une tout à fait remarquable : la menace d’entrer directement en guerre contre les Etats-Unis eux-mêmes, voire de couler leurs porte-avions dans la mer méditerranée, ce qui est bien plus conséquent que des menaces contre Israël :

« Je déclare avec toute sincérité, toute franchise et en toute clarté, tout en maintenant l’incertitude stratégique : tous les scénarios sur le front libanais sont possibles, et toutes les options sont sur la table. Nous pouvons faire le choix (de la guerre totale) à n’importe quel moment. Et nous devons tous être prêts et disposés à toutes les éventualités. Et je déclare aux Américains : les menaces et l’intimidation ne servent à rien avec nous et avec les mouvements de Résistance dans la région. Elles ne servent à rien, ni contre les mouvements de la Résistance, ni contre les pays de l’Axe de la Résistance. Les menaces et l’intimidation contre la Résistance ne mènent à rien.

Vos porte-avions en mer méditerranée ne nous font pas peur, et ne nous feront jamais peur. Et je vous le dis en toute franchise, ces porte-avions avec lesquels vous nous menacez, nous avons préparé de quoi y faire face (et les neutraliser) ! O Américains, souvenez-vous de vos défaites au Liban, en Irak, en Afghanistan, et de votre retraite humiliante d’Afghanistan. O Américains, ceux qui vous ont vaincus au Liban au début des années 1980 [le 23 octobre 1983, une attaque-suicide contre le siège des Marines à Beyrouth a tué 241 soldats et officiers américains qui prenaient part à la guerre du Liban côté israélien, et les a chassés du Liban ; elle est attribuée au Hezbollah] sont encore vivants, et à leurs côtés aujourd’hui, se trouvent leurs enfants et leurs petits-enfants et tous vous attendent de pied ferme. »

En matière de déclaration sensationnelle, on peut difficilement faire mieux.

Un double discours ?

L’analyse qui précède me semble assez indiscutable. Celle que je vais maintenant proposer est plus sujette à caution — et plus à même de plaire à ceux qui espèrent que nous assistons à la Libération finale.

Comme je l’ai dit dans mon précédent article, quand bien même certaines forces de l’Axe de la Résistance, qu’il s’agisse du Hezbollah ou autre, auraient déjà décidé d’entrer en guerre, elles auraient tout intérêt à faire croire le contraire à Israël, afin de le laisser s’engager et s’embourber à Gaza, puis de l’attaquer par surprise au moment où, comme cela se passe à chaque guerre (car Israël ne tire jamais de leçons du passé), comprenant enfin l’imminence du désastre, il appellerait son parrain américain au secours pour lui demander de voter un cessez-le-feu et sauver la face. Dans ce scénario, le Hezbollah et ses alliés auraient donc seulement pour tâche de diviser les forces de l’ennemi et d’en paralyser une partie pour être sûr que les forces en présence à Gaza ne puissent qu’échouer, tout en envoyant à l’armée israélienne (et aux Américains) des signaux selon lesquels ils n’iraient pas plus loin. Et lesdits signaux sont peut-être ce qui a tant déçu tous ceux qui espéraient voir le Hezbollah déclencher une guerre totale contre Israël, car en fin de discours, moment crucial, il a semblé affirmer que le moment de la Libération était encore loin :

« Concernant notre horizon, je déclare à notre peuple palestinien, à nos frères et sœurs à Gaza, à tous les Résistants et hommes dignes en Palestine et dans notre région, que depuis que les mouvements de Résistance ont été fondés après la création de l’entité (sioniste), nous menons la bataille de l’endurance, de la résilience, de la patience. Notre bataille n’est pas arrivée à la phase des victoires par le coup fatal. Nous avons encore besoin de temps avant de pouvoir porter le coup de grâce à Israël. Soyons réalistes. Nous l’emportons point par point, nous l’emportons par la succession de (petites) victoires. C’est comme ça que nous avons gagné au Liban en 1985 [expulsion d’Israël des ¾ du territoire libanais occupé], puis en 2000 [expulsion d’Israël du sud-Liban], puis en 2006 [libération de tous les prisonniers libanais détenus en Israël]. C’est comme ça que la Résistance l’a emporté à Gaza, que la Résistance a réalisé des accomplissements en Cisjordanie. C’est comme ça que la Résistance en Irak l’a emporté. C’est comme ça que l’Afghanistan l’a emporté. Par l’endurance, la résilience, la capacité à endurer les sacrifices infligés par l’ennemi. Là est notre principale force. »

Nasrallah avait-il besoin de dire cela si clairement, si explicitement, au lieu de laisser davantage planer le doute ? Est-il possible qu’en réalité, il ait savamment dosé son propos, de sorte à en dire assez, d’une part, pour rassurer les Palestiniens, Libanais et peuples arabes, et dissuader Israël et ses alliés d’aller trop loin, tout en rassurant, d’autre part, l’ennemi américano-sioniste en lui faisant croire qu’en réalité, il ne fait que ce qu’il faut pour garder sa crédibilité (sauver la face est primordial pour les forces impérialistes, qui sont incapables de comprendre que cette préoccupation peut être indifférente à leurs adversaires), et n’est pas prêt à risquer une conflagration régionale ? Ce serait un véritable exercice d’équilibriste, dont il semblerait s’être tiré avec brio, puisque après son discours, Israël et les Etats-Unis semblent avoir bien reçu le « feu vert » subliminal du Hezbollah et ont intensifié leur campagne. Précisons que le Hezbollah et l’Axe de la Résistance ont fait de même, et continuent à éroder et épuiser de plus en plus l’ennemi : comme l’a annoncé Nasrallah dans son discours du 11 novembre, les frappes du Hezbollah sont de plus en plus fréquentes et sévères, touchant Israël de plus en plus loin, avec l’entrée en service pour la première fois de drones kamikazes et de missiles « Volcano » d’une charge explosive de 500 kilogrammes, et même des frappes de représailles ciblant les colons : les morts et blessés israéliens sur le front libanais se comptent par centaines (Nasrallah a mentionné 350 blessés, dont de nombreux cas critiques, pour un seul hôpital) et ont peut-être déjà dépassé celles de 2006. Malgré tout, l’Axe de la Résistance veille toujours à rester dans une escalade mesurée et à ne pas dépasser le stade qui déclenchera une perte de contrôle de la situation et une guerre régionale : car si les mouvements de Résistance ont l’avantage pour ce qui est de la guerre d’usure, visant à provoquer un effondrement graduel de l’ennemi jusqu’au moment de lui porter le « coup fatal », la puissance de feu la plus dévastatrice est du côté américano-israélien.

Mais il est tout à fait possible que le temps du « coup de grâce » soit imminent : non seulement contre l’entité israélienne, mais peut-être même contre les Etats-Unis eux-mêmes, dont les bases en Syrie et en Irak sont frappées quotidiennement et de plus en plus intensément, avec un but avoué, celui d’en expulser leurs forces. Quelques passages du premier discours de Nasrallah le suggèrent directement :

« Après l’opération du 7 octobre, la panique en Israël était telle que dès le premier jour, les Etats-Unis ont ouvert leurs dépôts d’armes stratégiques à l’armée israélienne. Dès les premiers jours, Israël demande de nouvelles armes, de nouveaux missiles, 10 milliards de dollars… Alors que l’Axe de la Résistance n’a même pas commencé les choses sérieuses ! Est-ce là un pays puissant ? Il tient à peine debout ! Le fait que tous les présidents, premiers ministres, ministres, généraux, politiques européens et occidentaux accourent à toutes jambes pour ranimer ce moribond démontre son extraordinaire fragilité. […]

Il faut bien savoir que les Etats-Unis sont les vrais responsables de cette guerre, et qu’Israël n’est que leur instrument. Les Etats-Unis empêchent le Conseil de Sécurité de condamner Gaza, ils empêchent le cessez-le-feu, ils empêchent qu’on mette fin à l’agression à Gaza. Ils sont bel et bien le « Grand Satan », tels que les a décrits l’Imam Khomeini. Ils sont les principaux responsables de tous les massacres du siècle passé et du siècle présent, d’Hiroshima au Vietnam en passant par l’Irak, l’Afghanistan, le Liban, la Palestine et toute la région. Et il faudra qu’ils rendent des comptes pour leurs crimes et leurs massacres, et qu’ils soient châtiés pour tout ce qu’ils ont perpétré contre les peuples de notre région. Et dans ce cadre, la Résistance islamique en Irak a décidé d’attaquer les bases militaires de l’occupant américain en Irak et en Syrie pour le chasser, considérant que ce sont les Etats-Unis qui dirigent la bataille à Gaza, et qu’ils doivent payer le prix de leur agression et de leur soutien à Israël, de leur occupation et de leurs crimes en Irak, en Syrie et en Palestine. »

Est-ce que le moment de l’extirpation de l’entité israélienne ET de l’expulsion des forces américaines du Moyen-Orient, la « juste rétribution » promise pour le meurtre de Qassem Soleimani, est venu ? Beaucoup d’éléments objectifs suggèrent que le moment serait plus propice que jamais, du coup de tonnerre du 7 octobre au délitement terminal de la société israélienne avant même ces événements (rappelons que Netanyahou était déjà honni et que tout le pays était au bord de la guerre civile à cause du projet de réforme judiciaire), en passant par le drainage des ressources financières et militaires occidentales en Ukraine, le choc économique et énergétique, et, surtout, l’orgie de sang sans précédent qui se déchaine à Gaza, et qui a massé les populations du monde entier contre Israël. Plus que jamais, les opinions publiques sont prêtes à accepter la nécessité de sa disparition, la solution à deux États n’étant plus qu’une plaisanterie. Nasrallah a beaucoup insisté sur ce point dans son discours du 11 novembre :

« Par son agression et ses massacres, Israël vise à faire plier Gaza et à obtenir une reddition non par la victoire militaire mais par la terreur de masse, et également à dissuader tout l’Axe de la Résistance, mais il ne parviendra pas à cet objectif : au contraire, le choix de la Résistance sera de plus en plus massif, comme cela s’est produit depuis 1948. Et ce faisant, Israël s’inflige beaucoup de défaites : par exemple, sa nature monstrueuse et barbare devient de plus en plus claire aux yeux du monde entier, tant pour les peuples que pour les gouvernements. Depuis plus de 20 ans, les médias internationaux, et même certains médias arabes malheureusement, œuvrent sans relâche à présenter Israël, ses dirigeants et ses colons qu’on appelle illégitimement « peuple » comme de bonnes et braves gens, qui n’aspirent qu’à la paix et à la coexistence pacifique. Mais tout cela s’effondre aujourd’hui. Israël porte un coup fatal au projet de normalisation de ses relations avec les pays arabo-musulmans qui lui tient tant à cœur, et que les peuples rejetaient déjà. Mais le plus important à ce moment est le changement de l’opinion publique mondiale, qui a percé à jour le vrai visage d’Israël derrière le paravent de mensonges : Israël prétend protéger les enfants, mais les tue par milliers ; de même pour les femmes. Cette transformation actuelle est dans l’intérêt de la Résistance, de son projet et de ses peuples, ainsi que de Gaza. Les manifestations quotidiennes qui sont organisées dans notre monde arabe et islamique sont très importantes, mais elles se produisent également à Washington, à New York, à Londres, à Paris et dans les autres pays européens et occidentaux, dont les habitants font massivement pression sur leurs gouvernements. Même les dirigeants qui exprimaient initialement un soutien inconditionnel à Israël et s’opposaient au cessez-le-feu demandent aujourd’hui la cessation immédiate des hostilités, à l’exception des Etats-Unis et de leurs servants du Royaume-Uni. Mais l’agression sanguinaire contre Gaza, les massacres, les corps des femmes et des enfants déchiquetés, le ciblage délibéré et assumé des hôpitaux, font que cette guerre est insupportable au monde entier, et fait pression sur les agresseurs. Le temps joue contre l’ennemi et contre ceux qui le soutiennent. »

Entre leur écœurement face au génocide en cours à Gaza, qui finira par les convaincre qu’Israël, depuis sa genèse, n’est qu’un équivalent judaïque de Daech, et le contrecoup économique des sanctions américaines et européennes contre la Russie suite à son intervention en Ukraine, les peuples occidentaux, qui exigent de leurs gouvernements la fin de l’agression dans des manifestations sans précédent, pèseront également pour empêcher leurs dirigeants de se lancer dans une opération militaire de sauvetage d’Israël qui pourrait déclencher la troisième guerre mondiale, et un effondrement économique et financier planétaire.

Enfin, rappelons que si Nasrallah a effectivement envisagé à plusieurs reprises une disparition d’Israël suite à l’effondrement des Etats-Unis sur le modèle soviétique, sans risque de déclencher une troisième guerre mondiale (car sans la protection de leur parrain américain, les colons se sentiraient perdus et partiraient d’eux-mêmes par millions), il a tout de même envisagé un autre scénario beaucoup plus dramatique dans ce discours du 1er octobre 2017, qui contredit clairement sa théorie des « petites victoires graduelles » :

« Je veux adresser un message clair aux Israéliens et aux Juifs en Palestine Occupée et (partout) dans le monde. Je leur dis ceci : dès le début, nous avons souligné au sein de la Résistance que notre bataille est dirigée contre les envahisseurs sionistes qui occupent la terre de Palestine et nos territoires arabes. Notre bataille n’est pas dirigée contre les Juifs en tant qu’adeptes de la religion juive céleste (reconnue par l’Islam) ou en tant que peuple du Livre [la Torah]. C’est le mouvement sioniste qui a instrumentalisé le judaïsme et les Juifs pour réaliser un projet d’occupation colonialiste en Palestine et dans la région, au service des Britanniques il y a cent ans, puis plus tard au service des politiques américaines.

Les Juifs qui ont été amenés de tous les coins du monde doivent savoir qu’ils ne sont que de la chair à canon dans une guerre colonialiste occidentale contre les peuples arabo-musulmans dans cette région. Et ils sont aujourd’hui du combustible pour les projets et les politiques américaines qui ciblent les peuples de la région. Et lorsque nos peuples défendent leur existence, leur terre et leur honneur face aux gangs sionistes, ils sont accusés injustement d’antisémitisme. C’est une accusation récurrente partout dans le monde.

Je dis aujourd’hui aux savants Juifs, à leurs personnalités éminentes, à leurs penseurs : ceux qui vous ont ramenés de tous les coins du monde en Palestine pour leurs propres intérêts œuvrent en fin de compte à votre destruction. Vous devez le savoir, car cela est écrit dans vos livres religieux. Le gouvernement israélien actuel, dirigé par Netanyahou, mène votre peuple à l’anéantissement et à la destruction. Car il ne fait de plans que pour la guerre, et ne fait que la rechercher. Il a œuvré par le passé à empêcher la signature de l’accord nucléaire avec l’Iran, et il a échoué. Et il œuvre actuellement avec Trump à déchirer cet accord et à pousser la région à une nouvelle guerre.

Si Trump et Netanyahou poussent la région à une nouvelle guerre, elle sera déclenchée à vos dépens, et c’est vous Israéliens qui paierez un prix très élevé pour ces politiques stupides du chef de votre gouvernement. Et Netanyahou pousse également la région vers une guerre contre le Liban, la Syrie, Gaza et les mouvements de la Résistance, à des titres mensongers et en invoquant des prétextes défensifs, une guerre préventive comme il le prétend.

Et ici, j’espère que tous les Israéliens vont écouter avec attention ce que je vais dire : Netanyahou, son gouvernement et ses cadres militaires ne savent pas comment finira cette guerre s’ils la déclenchent. Et je vous confirme également à ce sujet qu’ils n’ont pas une image juste de ce qui les attend s’ils entreprennent un acte aussi stupide que cette guerre. Ils n’ont ni clarté (de vision), ni évaluation précise, ni image juste. S’ils allument le brasier de la prochaine guerre, ils n’ont aucune idée de jusqu’où elle parviendra, quelles territoires elle embrassera, et qui y participera.

C’est pourquoi j’appelle aujourd’hui en premier lieu tous les Juifs non sionistes à détacher leurs considérations des calculs sionistes qui se conduisent eux-mêmes à la destruction finale. Et j’appelle tous ceux qui sont venus en Palestine occupée en croyant aux promesses qu’ils trouveraient la terre du lait et du miel à la quitter. Je les appelle à quitter la Palestine et à retourner dans les pays d’où ils sont venus afin de ne pas être un combustible dans toute guerre à laquelle les mènerait le gouvernement de Netanyahou l’imbécile. Car si Netanyahou lance une guerre dans cette région, il n’y aura peut-être plus le temps pour eux de quitter la Palestine, et il n’y aura pour eux aucun endroit sûr en Palestine occupée.

Le gouvernement ennemi doit savoir que les temps ont changé, tout comme il doit savoir que ceux avec qui il espère une alliance seront un fardeau pour eux, car ils ont besoin qu’on les défende eux-mêmes (et ne peuvent aider personne). Et l’ampleur des massacres commis par Israël contre le peuple palestinien et les peuples de la région son partenariat avec Daech et sa complicité ouverte dans le projet de partition de la région à travers son soutien ouvert et empressé à la sécession du Kurdistan, tout cela fera que les peuples de la région rendront un verdict capital à son encontre.

Et je conclus en disant aux Israéliens, au peuple de base israélien dans cette entité usurpatrice : vous savez que ce que vous disent vos dirigeants politiques et militaires au sujet de la capacité d’Israël à remporter une victoire dans tout guerre prochaine est largement composé de mensonges et d’illusions. Ce qu’on vous dit est largement composé de mensonges et d’illusions. Et vous connaissez l’ampleur des failles et des brèches qui existent au sein de votre armée et de votre société.

Et c’est pourquoi vous ne devez pas permettre à des dirigeants stupides et arrogants de vous mener dans une aventure dans laquelle il y aura peut-être la fin de toute chose et la disparition de toute cette entité. »

Israël n’a pas écouté les avertissements du Hamas et a eu le 7 octobre. S’ils n’écoutent pas cet avertissement beaucoup plus solennel de Nasrallah, il se pourrait bien qu’ils courent à leur perte.

Et maintenant ?

Si ni l’impérialisme ni le sionisme ne se soucient des vies humaines, pas même celles de leurs propres soldats et de leurs propres citoyens, qui ne sont effectivement que du combustible pour leurs projets de domination (la « procédure Hannibal » en Israël en est une preuve indéniable), l’Axe de la Résistance veut à tout prix préserver les vies humaines, les siennes en priorité mais également celles des autres, sionistes compris : c’est pourquoi ils ont été maintes fois invités à partir avant qu’il ne soit trop tard. Selon la morale islamique, qui n’a rien à voir avec la morale talmudique, une vie innocente vaut une vie innocente. Et les cadres de l’Axe de la Résistance, qui agissent sur la base de calculs rationnels, d’analyses empiriques et dans le cadre d’une vision à long terme, non sur le coup de l’émotion, sauront mieux que quiconque attendre et saisir le meilleur moment pour porter le « coup de grâce » à « l’entité usurpatrice temporaire ». Il ne sert à rien de chercher à prédire ce moment fatidique en se focalisant sur les discours : à la fin de son intervention du 11 novembre, Nasrallah a bien précisé que pour le Hezbollah, ce sont le terrain et les armes qui parlent en premier. Les discours et les commentaires ne viennent qu’après :

« Au Liban, c’est le champ de bataille qui parle. Car la bataille que nous menons actuellement est unique. Je n’annonce pas les choses à l’avance, pour que les combattants les exécutent ensuite. Notre politique dans la bataille est que c’est le terrain qui agit, c’est le terrain qui parle. Et c’est seulement ensuite qu’on vient expliquer et commenter les actions sur le terrain. C’est pourquoi les yeux doivent rester rivés sur le champ de bataille, et non sur nos déclarations ou sur mes lèvres. »

C’est donc vers les champs de bataille que nous devons tourner nos regards, et malgré le martyre atroce du peuple de Gaza, on doit surtout considérer son caractère indomptable, son courage légendaire et les combats héroïques de la Résistance, qui doivent nous rassurer sur l’issue de cette bataille. Le temps joue clairement en faveur de la Résistance. Que la Guerre de Libération finale soit proche ou lointaine, si « l’Epée d’Al-Quds » en 2021, qui était la première bataille entre Gaza et Israël déclenchée délibérément par la résistance palestinienne, nous l’avait déjà fait entrevoir avec ces images inoubliables de colons faisant leurs bagages à la hâte et fuyant par centaines, le « Déluge d’Al-Aqsa » nous en a plus rapprochés que jamais.

Quoi qu’il arrive, Israël a perdu l’initiative, et ne la retrouvera probablement plus. Le 25 mai 2000, dans son discours de la Libération à Bint Jbeil, Nasrallah a fameusement déclaré « Israël est plus faible qu’une toile d’araignée », suscitant perplexité et railleries, mais aujourd’hui, beaucoup d’Israéliens en sont plus convaincus que lui-même. Il avait également dit que « Le temps des défaites est révolu, et nous sommes bel et bien entrés dans l’ère des victoires ». Cette prévision n’a jamais été démentie, et peut nous servir de boussole pour la suite.

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