Vingt ans après la mort de Thomas Sankara : « on peut tuer un homme mais pas ses idées »
19 octobre 2012
Vingt ans après la mort de Thomas Sankara : « on peut tuer un homme mais pas ses idées »
Tout comme Kadhafi qui a été assassiné le 20 octobre 2011 mais ses idées et sa résistance au colonialisme resteront toujours parmi nous
« Il n’y aura pas de salut pour notre peuple si nous ne tournons pas résolument le dos aux modèles que des charlatans ont essayé de nous vendre à tous crins pendant des années ».
« Nous consommons Burkina Faso », pouvait-on lire sur les murs de Ouagadougou, tandis que, pour encourager l’industrie textile locale, les ministres étaient obligés de revêtir le faso dan fani, le vêtement traditionnel de coton, tout comme Gandhi l’a fait en Inde avec le khādī. Sankara a utilisé les ressources de l’État pour lutter contre l’analphabétisme, les maladies telles que la fièvre jaune, le choléra ou la rougeole, et fournir au moins dix litres d’eau et deux repas par jour à chaque Burkinabé, tout en faisant en sorte que l’eau ne tombe dans l’escarcelle des multinationales étasuniennes et françaises.
En très peu de temps, le président du Burkina a acquis le rang de célébrité en Afrique, ce qui soulève l’inquiétude des grandes puissances et des multinationales. Et ses grands combats – le problème de la dette en Afrique, la lutte contre la corruption, l’émancipation de la femme, les problèmes des zones rurales, l’éducation – ont été très vite considérés comme des exemples à suivre. Mais sa renommée et sa détermination ont fini par lui coûter cher. C’est à l’occasion de l’assemblée de l’Organisation de l’unité africaine réunie le 29 juillet 1987 à Addis-Abeba, en Éthiopie, que Sankara signa son arrêt de mort en annonçant son intention de ne pas payer la dette : « Nous sommes étrangers à la création de cette dette et nous n’avons donc pas à payer pour cela. (…) La dette sous sa forme actuelle est une reconquête coloniale organisée avec soin. (…) Si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas, soyons-en sûrs ; par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir, soyons-en sûrs également ».
En outre, dans son discours à Addis-Abeba, Sankara a déclaré, en présence de dirigeants africains : « Nous devons dans la lancée de la résolution de la question de la dette trouver une solution au problème de l’armement. Je suis militaire et je porte une arme. Mais monsieur le Président, je voudrais que nous désarmions. Parce que je ne possède qu’une unique arme, alors que d’autres ont camouflé les leurs. Alors, chers frères, avec le soutien de tous, nous pourrons faire la paix chez nous. Nous pouvons également utiliser ces immenses potentialités pour développer l’Afrique parce que notre sol et notre sous-sol sont riches ».
Quelques mois après ce discours, le président Sankara a été assassiné avec ses camarades lors du coup d’État orchestré par son meilleur ami Blaise Compaoré, avec le soutien de la France, des États-Unis et de la Côte d ‘Ivoire. Sur le certificat de décès du président assassiné, la mention « mort naturelle » apparaissait encore en 2008, date à partir de laquelle l’ONU a contraint les autorités du Burkina Faso à supprimer le mot « naturel ». Son corps a été jeté dans une fosse commune à Ouagadougou, situé à un jet de pierre d’une décharge à ciel ouvert. Vingt-cinq années plus tard, la justice n’a toujours pas été rendue et la plupart des protagonistes de sa mort, parmi lesquels figure en bonne place l’actuel président Blaise Compaoré, sont encore au pouvoir. Mais le mythe de Sankara est plus vivant que jamais …
Capitaine Martin