Aller à…
RSS Feed

25 avril 2024

Libye – Les élus suivent la « Voix de son Maître » Sarkozy


Libye – les Elus suivent « la Voix de son maître » Sarkozy

Interview de Jacques Borde, journaliste, écrivain

, La Voix de la Libye – Avant cet entretien, vous nous avez dit que deux représentants de l’insurrection pro-occidentale auraient fait un saut en Israël…

Jacques Borde – Tout à fait. C’est le site JSSNews qui s’en est fait l’écho. En revanche, il ne semble pas que les insurgés aient fait beaucoup de remue-ménage autour de cet événement. Mais, apparemment, ce voyage ne devrait rien au hasard. En effet, comme l’a noté Ftouh Souhail sur JSSNews, « Les opposants de Kadhafi, en plus d’être empêtré dans une guerre qu’ils sont en train de perdre malgré l’aide massive de la France, lancent une campagne diplomatique visant à séduire certaines nations à leur cause ».

La Voix de la Libye – Ce n’est pas la même source qui affirme que deux diplomates libyens sont également venus « pour changer l’image de la Libye » ?

Jacques Borde – Oui. Également..

La Voix de la Libye – Et cela vous semble crédible ?

Jacques Borde – Plus que crédible. JSSNews a beau être un site francophone, c’est aussi un site israélien, qui a de bonnes sources locales.

En fait, c’est bien une source israélienne qui a révélé des informations selon lesquelles le député Méir Chétrit, aurait bien « rencontré deux diplomates [libyens] durant leur passage à Jérusalem », affirmant que les deux hommes sont venus « pour changer l’image de la Libye ». « La source », précise JSSNews « a requis l’anonymat » et croit savoir que « les deux Libyens, tous deux hommes d’affaires proches » de Kadhafi, auraient également rencontré le chef de l’opposition israélienne, l’ex-chef de la diplomatie, Tzipora Malka Tzipi Livni, et le député Danny Danon (Likoud) ainsi que d’autres responsables israéliens.

La Voix de la Libye – Cette visite supposée ne semble pas avoir eu beaucoup d’écho, y compris du côté des sionistes ?

Jacques Borde – C’est exact. Officiellement, le ministère de l’Intérieur israélien a démenti, le 11 juillet 2011, avoir accordé des visas d’entrée à deux diplomates libyens qui souhaitaient visiter le pays. C’est, en tout cas, ce qu’a indiqué la radio de l’armée Galei Tsahal. Remarquez la subtilité du commentaire : il n’est pas dit que les deux hommes n’ont pas pu venir en Israël. Simplement, qu’ils n’avaient pas de visas !

La Voix de la Libye – Qu’est-ce qui pousserait Tripoli à se rapprocher de Tel-Aviv ?

Jacques Borde – Pas à se rapprocher à proprement parler. Davantage de s’assurer d’une certaine neutralité de la part des Israéliens sur ce dossier…

La Voix de la Libye –  C’est crédible, selon vous?

Jacques Borde – Tout à fait. Jusqu’à présent, les Israéliens ne se sont pas beaucoup investi dans ce conflit qui, à leurs yeux, présente de forts risques de déstabilisation de la région. Si aller faire un petit saut à Jérusalem peut permettre à Tripoli de voir cette élémentaires et relative prudence perdurer, les deux hommes n’auront pas perdu leur temps.

La Voix de la Libye – Vous croyez vraiment que les Israéliens se soucient du sort de Kadhafi ?

Jacques Borde – Pas le moins du monde. En revanche, ce qui les préoccupe c’est qu’un changement à la tête du pays n’ouvre pas la porte à l’installation d’un régime islamique en Libye.

En fait, les préoccupations israélienne rejoignent celles de la Mission d’évaluation auprès des belligérants libyens, conduite, à l’initiative du Centre international de recherche & d’études sur le terrorisme & d’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) et du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), avec le soutien du Forum pour la paix en Méditerranée. Celle-ci s’est montrée très critique vis-à-vis des insurgés, en général, et du CNT, en particulier…

La Voix de la Libye – Apparemment, les élus du peuple français n’ont rien retenu de cette mission et de son rapport ?

Jacques Borde – Visiblement pas. L’avenir appartient aux inconscients !

La Voix de la Libye – L’attitude de la gauche ne vous surprend pas ?

Jacques Borde – Pas le moins du monde. La gauche institutionnelle a toujours été coloniale, voire plus ! Trois petits rappels historiques, en remontant le cours du temps, si vous le voulez bien :

Primo, François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, et son « L’Algérie, c’est la France ». C’est aussi à cette époque qu’ont été voté les pleins pouvoirs autorisant la tortue en Algérie.

Secundo, la Chambre, dominée par la SFIO, votant les pleins pouvoirs à Pétain. J’avoue, en tant que gaulliste de gauche, avoir toujours eu du mal à comprendre la mansuétude du Général à l’égard de tels gens, à la Libération. Mais, passons…

Tertio, Jules Ferry énonçant, devant l’Assemblée nationale, la vulgate coloniale-socialiste : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ».

Donc quoi d’étonnant à ce que quatre mois après le début de la via factis otanienne en Libye, le Bureau national du Parti Socialiste ait fait savoir qu’il jugeait la poursuite de cet engagement « nécessaire ».

La Voix de la Libye – Des voix discordantes ?

Jacques Borde – Quelques-unes. Celle d’Henri Emmanuelli, notamment. Son entretien a Marianne2 mérite d’être cité…

La Voix de la Libye – Que dit-il ?

Jacques Borde – Oh, rien de que du bon sens ! Son hostilité « à la poursuite de cette opération depuis le début. Comme le sont les Allemands, comme l’est le Congrès américain dont la chambre des représentants a récemment infligé un revers à Barack Obama en rejetant le texte qui autorisait la campagne en Libye. Cela fait des années que je dis que je ne comprends pas ce que signifie le droit d’ingérence, c’est à dire le droit que s’octroient les puissances armées et développées à aller bombarder au hasard de leur choix, qui sont ceux de l’Otan, des populations sur leur territoire. Je reste fidèle au principe d’autodétermination des peuples : aux Tunisiens d’écrire leur histoire, aux Libyens, aux Syriens etc. ».

La Voix de la Libye – Emmanuelli rejette le droit d’ingérence, et, concernant, la Libye, la Résolution 1973 ?

Jacques Borde – Il note surtout « que le droit d’ingérence ne s’applique qu’aux adversaires de l’Otan jamais aux amis. Depuis que Monsieur Kouchner l’a mis à la mode, c’est une réhabilitation du droit du plus fort ».

Sur le mandat onusien, et la soi-disant protection de populations civiles, Emmanuelli est très clair. Il rappelle, effet, que « Cela fait longtemps, et cela a été souligné par beaucoup de nos alliés, que nous sommes hors du cadre du mandat de l’Onu. Quand nous envoyons des hélicoptères, je ne vois pas en quoi nous protégeons des populations. Nous faisons la guerre ! »

Mais, que la droite ne soit pas jalouse, il y a tout aussi inconséquent que la gauche institutionnelle

La Voix de la Libye – Vous pensez à qui en particulier ?

Jacques Borde – À Villepin, pardi. Gaulliste, d’opérette, franchement pathétique, pour qui « Les alliés doivent poursuivre leur action de l’Otan en Libye, mais à certaines conditions ». En effet, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, sur Europe-1, a demandé de « revenir à l’esprit originel de cette intervention qui était militaire, avec un objectif humanitaire : protéger les populations (…) et en aucun cas de s’engager dans une guerre avec un objectif politique de renversement du régime du colonel Kadhafi ». A ses yeux, au fil du temps, « il y a eu dérive et cheminement vers une obsession : le départ du colonel Kadhafi ».

La Voix de la Libye – Vous n’êtes pas d’accord ?

Jacques Borde – Absolument pas. C’est du Villepin tout craché. De la logorrhée sans le moindre intérêt. Si Villepin ne comprend pas que la 1973 a été rédigée, dès le début, pour permettre aux Britanniques et au Français de faire « n ‘importe quoi » en Libye, pour reprendre les propos d’un autre « ravi », Sergueï Lavrov1, c’est qu’il est aussi nul en politique étrangère qu’en politique intérieure ; champ d’action où il eut la riche idée de conseiller à Jacques Chirac sa dissolution-seppuku de l’Assemblée nationale…

La Voix de la Libye – Donc, pour vous, Villepin se trompe ?

Jacques Borde – J’aimerai le croire. Mais je soupçonne l’individu de calculs plus terre-à-terre. Plus électoralistes et à des fins exclusivement carriéristes. Depuis qu’il a fait sécession de la droite institutionnelle, Villepin se cherche électoralement. Je crois qu’il s’est auto-persuadé qu’il existe en France un « vote arabe » (sic) ! Des cohortes d’électeurs, issus majoritairement de l’immigration, et, autre fantasme, tous nostalgiques de la « politique arabe de la France », que Villepin se ferait fort d’incarner…

La Voix de la Libye – Et c’est faux ?

Jacques Borde – Oui. Je crains, qu’en l’espèce, Villepin ne se différencie guère de la gauche caviar qui entretient une vision fantasmagorique des Français, non-souchiens, pour reprendre une nouvelle expression à la mode. Quand, en France, voudra-t-on enfin considérer qu’il y a en France, des Français, glissant, majoritairement, leur bulletin de vote dans l’urne en fonction d’idées politiques et basta !

La Voix de la Libye – Et Villepin serait à la recherche de ces électeurs perdus ?

Jacques Borde – C’est un peu ça. Seulement, comme il ne veut pas se couper d’un électorat de droite plus classique – et qu’il suppose acquis à la gué-guerre – il tente de couper la poire en deux. Être contre la guerre, tout en soutenant la résolution onusienne. C’est tout simplement grotesque et rappelle sa pantomime inutile devant le Conseil de sécurité des Nations-unies, lors de la 2ème Guerre du Golfe…

La Voix de la Libye – Que voulez-vous dire ?

Jacques Borde – Nous faire un beau discours. Mais rien d’autre. Quid de la participation de la France à un blocus génocidaire qui, en Irak, a fait autant de morts qu’Hitler à Auschwitz ? Soit UN MILLION CINQ-CENT MILLE morts dont CINQ-CENT MILLE enfants !

La Voix de la Libye – Pour en revenir au quitus de l’Assemblée, ce vote change-t-il vraiment quelque-chose ?

Jacques Borde – Oui et non. Oui, dans la mesure où il était indispensable à la poursuite de l’effort de guerre français en Libye. Là, tous ceux qui ont fait perdurer cette guerre, sont, désormais, comptables devant l’Histoire. Et, qui sait, un jour peut-être devant des tribunaux…

La Voix de la Libye – C’est à ce point-là ?

Jacques Borde – J’en veux pour preuve la mésaventure arrivée à Amir Peretz. L’ancien ministre israélien de la Défense, et député travailliste, qui a réussi à s’échapper de justesse à un mandat d’arrêt lancé contre lui à Londres le week-end dernier. Il est accusé par un groupe de plaignants « d’avoir commis des crimes de guerre pendant la guerre du Liban en 2006 ».

Imaginez : 2017 ! Tel élu (de la majorité ou de l’opposition, peu importe) arrêté à… Cancun et jugé par un tribunal mexicain pour complicité de crimes de guerre ou de crime contre l’humanité, pour avoir soutenu la via factis otanienne en Libye !

Sinon, l’appui des parlementaires ne va pas modifier la donne sur le terrain. Loin de là. C’est le gouvernement qui conduit la guerre pas les chambres.

Q – Comment jugez-vous les réactions de Paris et de Washington, suite à ce qui est advenu à leurs ambassades en Syrie ?

Jacques Borde – Des réactions ? Les cris d’orfraies, vous voulez dire. Trois choses :

Primo. Encore une fois, concernant l’Occident, c’est du double langage. Que je sache, à Paris, le Quai d’Orsay et le chef de l’a-diplomatie française, Alain Juppé, se sont parfaitement accommodés, lorsqu’ils ne l’ont pas facilité, du fait que les représentations diplomatiques et libyennes aient été occupés de forces par des opposants et des insurgés. Qu’ont fait les forces de police affectées à la protection de ces lieux ?

Secundo. Il faudrait savoir ce que l’on veut ! Paris et Washington n’ont de cesse de protester contre un usage disproportionné de la force par les autorités syriennes, pourtant confrontées à des bandes armées. Les Syriens ne seraient pas assez cools ! Admettons. Et, là, volte-face, voilà que les mêmes autorités syriennes n’auraient pas fait usage de la brutalité souhaitée, pour empêcher l’irruption de manifestants dans les ambassades US et françaises. Dois-je comprendre que, pour Paris et Washington, il y a de BONS et de MAUVAIS Syriens, comme il y a des bons et des mauvais Libyens ? C’est selon !

Tertio. Soyons clairs, ce qui s’est passé n’autorise pas MM. Juppé et Obama à monter sur leurs grands chevaux. Ça n’est, d’ailleurs pas moi qui le dit, mais Nicolas Gros-Verheyde, sur son site, bruxelles2.eu, qui note que « Sans être un spécialiste de droit international, on peut répondre à cette question assez facilement : c’est Non. L’ambassade n’est pas un élément du territoire national. Et ce qui vient de se passer en Syrie, avec des manifestants, très organisés, tentant de pénétrer dans l’ambassade de France et y arrivant dans celle des Etats-Unis – ne constitue pas une violation du territoire national mais une violation de la Convention de Vienne2 qui prescrit inviolabilité de l’ambassade, devoir de protection de l’Etat hôte, insaisissabilité des biens, exemption fiscale etc. C’est grave, très grave. Mais ce n’est pas une violation de territoire comme le prétendent aujourd’hui certains media. Cette confusion savamment entretenue par quelques media aujourd’hui. La violation de la Convention de Vienne appelle des rétorsions d’ordre diplomatique. Tandis que la violation du territoire national peut entraîner la mise en jeu des clauses de solidarité de l’Otan ou de l’UE tout comme une mission de force sous mandat des Nations-unies. On n’est pas tout à fait dans la même classe de jeu… »

Partager

Plus d’histoires deLibye