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6 octobre 2024

La répression démocratique par Ahmed Halfaoui


La répression démocratique
Depuis que l’Homme a commencé à comprendre les phénomènes qui l’entourent, il a su que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il en est de la nature comme des sociétés humaines. Il y n’y a pas si longtemps, dans le grand cours de l’Histoire, il y avait à Lyon en France des ouvriers tisserands qu’on appelait les Canuts. Ils étaient forts peu dociles et avaient la fâcheuse propension à se révolter dès qu’ils se sentaient lésés. Après l’une de leur révoltes, un certain Saint-Marc Girardin écrivait dans le «Journal des Débats», en décembre 1831, que «les barbares qui menacent la société ne sont point dans le Caucase ni dans les steppes de la Tartarie, ils sont dans les faubourgs de nos villes manufacturières». C’était aussi le temps de grands problèmes économiques. En ce temps c’était le début pour la France des expéditions coloniales. Il y avait des «barbares» à civiliser, dont les terres ne seraient pas de refus. Aujourd’hui, que ce pays, avec d’autres, repart (civiliser) démocratiser en terre africaine, on fait état de possibilités dont se dotent les pouvoirs publics contre les «émeutes plus que probables» en Europe. Pour ce faire, la Gendarmerie, force militaire, est placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur afin d’augmenter «l’intensité de la force» à utiliser en cas de besoin. Dans le même temps, une rumeur (on n’en parle pas officiellement) qui n’est pas une rumeur révèle que le tir à balles réelles sur des manifestants est remis au goût du jour. Et pour qu’il soit plus efficace, un décret publié discrètement le 1er juillet inclut dans la liste des armes utilisables par les forces de l’ordre l’Ultimat Ratio, un fusil à répétition de précision et de calibre 7.61 x 51 MM. Une arme de guerre destinée aux tireurs d’élite. A l’échelle européenne on s’organise en conséquence, avec la mise en place et le renforcement d’un corps de répression chargé de parer aux troubles qui se profilent et dont les prémices grecques et britanniques sont les signes avant-coureurs. Sans compter le mouvement des indignés qui compte marquer la rentrée sociale par une grande démonstration de force à Bruxelles. Aux Etats-Unis, où le simple fait de grève peut passer pour une atteinte à la sécurité nationale, la rigueur du dispositif de répression est de notoriété publique. Alors on se trouve devant un véritable paradoxe qui fait que les mêmes qui engagent une dynamique de restrictions drastiques des libertés, chez eux, développent une frénésie démocratique à l’égard des pays de la périphérie, quitte à leur enfoncer le principe à coups de bombes. «Manifs : ils pourront nous tirer comme des lapins», s’alarment les plus conscients qui savent pertinemment que, en plus de la précarisation de l’emploi, des attaques massives et impitoyables vont détruire l’essentiel du pouvoir d’achat et du niveau de vie de dizaines de millions de personnes qui n’ont que leur force de travail à vendre pour vivre. Pendant que quelques «pour cent» de la population verront leurs fabuleux revenus protégés. Un peuple récemment démocratisé, pas tout à fait européen, qui voulait l’être, découvre les bienfaits que procure la libéralisation. En l’espace d’une vingtaine d’années, en Ukraine, où tout le monde était salarié, 100 personnes seulement sur 45 000 000 d’habitants sont arrivées à s’approprier des actifs qui valent 61% du Produit intérieur brut (PIB). Elle est efficace l’économie de marché, mais elle a besoin de beaucoup de violence et pour s’installer et pour se protéger.
Par Ahmed Halfaoui

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