Libye, la course aux contrats commence
27 août 2011
Les charognards sont déjà prêts à se partager la peau de l’ours. Méfiez-vous, l’ours n’a pas dit son dernier mot.
Le peuple libyen ne se laissera pas déposséder de sa terre et de ses ressources par ceux qui ont détruit son pays et sont en train de créer un génocide en Libye
ginette
Libye: la course aux contrats commence
Par Margherita Nasi
Samedi 27 août 2011
S’il a traîné des pieds pour s’engager dans le conflit libyen, Silvio Berlusconi s’empresse de répondre aux demandes d’aides financière du CNT, alors que la France multiplie promesses et déclarations sur l’avenir de la Libye.
Le président Nicolas Sarkozy reçoit le 24 août 2011 à l’Elysée le numéro 2 du CNT libyen, Mahmoud Jibril (© AFP Lionel Bonaventure)
«Il n’y a pas une course à qui arrivera le premier en Libye», a assuré vendredi le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, dans un entretien à la radio publique Rai. Le chef de la diplomatie italienne affirme que l’Italie et la France ne sont pas engagées dans une bataille «de type colonial» pour s’emparer des richesses de la Libye.
Pourtant, les commentaires de la presse italienne sur une concurrence entre les deux pays pour décrocher les meilleurs contrats dans la Libye post-Kadhafi abondent, alors que les deux pays enchaînent décisions, conférences et déclarations sur l’avenir de la Libye.
La Libye, un marché juteux
Le pétrole. Avant la chute de Kadhafi, le pays produisait 1,55 million de barils de pétrole par jour (2% de la production mondiale). La Libye était le 17e producteur de pétrole dans le monde. Pendant l’ère Kadhafi, l’Italie était le pays qui importait le plus de pétrole de la Libye: 376 000 barils de pétrole brut par jour, contre 205 000 pour la France.
Si aujourd’hui la production de pétrole libyen est descendue d’1,55 million de barils par jour à 50.000 et que, d’après les experts, il faudra des années pour que le pays revienne à plein régime, le marché libyen reste tout de même très attirant. D’autant plus que l’or noir n’est pas le seul appât du pays.
Les routes et infrastructures. La fin du conflit libyen signifie aussi le début d’une grande opération de construction de routes et infrastructures. Avant l’insurrection, l’Italie était devenue le premier partenaire commercial de la Libye et plus de 180 entreprises italiennes y étaient installées. Il faut aussi se souvenir du Traité d’amitié signé en 2008 entre Berlusconi et Kadhafi. Ce traité visant à enterrer le différend colonial prévoit le versement par l’Italie de 5 milliards de dollars sur 25 ans en dédommagement de la colonisation, sous forme d’investissements dans de grandes infrastructures (autoroute, ligne ferroviaire). Grâce à cet accord, de nombreuses firmes italiennes ont décroché des contrats en Libye: de Finmeccanica (ferroviaire, trafic routier) à Impregilo (BTP).
La LIA. Créée par Kadhafi en 2006, la Libyan Investment Authority est un fonds souverain aux 53 milliards de dollars d’actifs qui investissait partout dans le monde, y compris dans la Société générale. Quand la guerre sera terminée, le nouveau régime devra décider qui gèrera le fonds.
«Guerre économique»
Malgré les déclarations de Frattini, nombre d’observateurs estiment que France et Italie se lancent dans une course aux contrats. Dans La Stampa, le journaliste Paolo Baroni estime ainsi que les deux pays se livrent une véritable «guerre économique». «Maintenant que le bataille est (presque) terminée va commencer la deuxième phase de l’opération. On parle de reconstruction, d’affaires de milliards d’euros pour refaire routes, ports, installations industrielles, villes entières, et c’est toujours Paris qui appuie sur l’accélérateur. Et Rome qui suit», constate le journaliste.
L’Italie se ferait-elle dépasser par l’Hexagone? C’est Nicolas Sarkozy que le numéro deux de la rébellion libyenne, Mahmoud Jibril, recontre en premier, avant de rendre visite à Silvio Berlusconi. Et c’est bien la France qui convoque en septembre, en accord avec le Royaume-Uni, la conférence des «amis de la Libye», «une grande conférence internationale pour aider la Libye libre de demain, pour bien montrer que nous passons à l’avenir», d’après les mots du président français.
Par ailleurs, alors que la France était pionnière de l’intervention en Libye, Rome a traîné les pieds dans l’opération militaire de l’Otan.
«Notre gouvernement a longuement hésité avant de se ranger avec l’Otan. Et en mars dernier Paolo Scaroni, patron du groupe pétrolier Eni, avait demandé la fin des sanctions contre Tripoli», rappelle Sissi Bellomo sur Il Sole 24 Ore. Pour Alberto Negri, expert du monde arabe du quotidien économique, Rome pourrait payer cette «position ambiguë». D’autant plus que Moustapha Abdeljalil, chef du CNT, a promis jeudi de récompenser, lors de la reconstruction du pays, les Etats ayant aidé la Libye «en fonction du soutien» qu’ils ont apporté aux insurgés.
Interrogé par Ilsussidiario.net, le chef de la diplomatie Franco Frattini tente de rassurer les Italiens. Alors que le journaliste lui demande si «dans la nouvelle Libye, l’Italie compte moins qu’avec Kadhafi», Frattini rappelle «l’importance fondamentale de l’Italie dans ce pays», et assure que «les décennies d’amitié politique, d’échanges économiques et de collaboration internationale continueront même avec le nouveau gouvernement.»
Par aillleurs, si Silvio Berlusconi a pu hésiter à critiquer Kadhafi, le cavaliere s’est empressé de répondre aux demandes d’aide financière du CNT, et a devancé les autres pays européens en annonçant le déblocage dès la semaine prochaine d’«une première tranche» de 350 millions d’euros en faveur du CNT.
A travers l’Eni, l’Italie va fournir gaz et essence à la Libye, une aide qui sera récompensée dans le futur par des livraisons de pétrole. L’Eni apportera aussi son soutien technique au CNT afin de relancer les installations pétrolières à l’Est de la Libye. Enfin, Rome et le CNT vont mettre en place «un comité de liaison» pour répondre rapidement aux besoins du peuple libyen et résoudre les nécessités concernant la reconstruction.
Olivier MONTULET
« L’homme, en effet, ne pourrait jamais atteindre le possible s’il ne tentait d’abord l’impossible, et cela requiert plus de souffle que de science »
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