Qui se dresse derrière le remplacement du pouvoir en Libye par Alexei Grigoriev
4 octobre 2011
Qui se dresse derrière le remplacement du pouvoir en Libye
Alexei Grigoriev
Lundi 3 Octobre 2011
Les propos du général français Vincent Desportes sont la meilleure épigraphe à mon sujet. L’ex-directeur de l’Ecole de Guerre destitué de ce poste à cause de la critique des actes de la coalition occidentale en Afghanistan a dit dans une interview accordée à la station radio France Info à la veille des débats à l’Assemblée nationale pour les opérations armées françaises en Libye en répondant à la question sur l’ingérence armée de l’Occident dans la crise libyenne : « On y a confondu guerre et maintien de l’ordre ». Les désordres en vue de renverser le régime de Mouammar Kadhafi qui ont éclaté à la mi-février et réprimés pour rétablir l’ordre ont débouché en moins d’un mois sur une insurrection d’envergure contre le régime à Tripoli. L’opposition a bénéficié tout de suite d’un soutien militaire solide. La coalition occidentale formée à l’initiative de la France et de la Grande-Bretagne a engagé le 19 mars les bombardements depuis l’air et la mer des installations militaires de l’armée du colonel.
L’ensemble du territoire du pays est contrôlé à l’issue de huit mois de combats acharnés de l’opposition avec le soutien politique et militaire de l’Occident. Le Conseil national de transition formé à Benghazi a déménagé à Tripoli et se prépare à se proclamer gouvernement de la Libye.
Après l’extinction de tous les foyers de résistance des forces loyales à Kadhafi le leader libyen sera arrêté et comparaîtra devant le tribunal ou sera assassiné. Cependant, Kadhafi est toujours en liberté et exhorte de temps en temps ses partisans à poursuivre la lutte.
En ce qui concerne l’OTAN, la direction de l’alliance a déclaré qu’elle resterait en Libye jusqu’à la victoire complète sur les forces de Kadhafi. Ainsi, le porte-parole de l’état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burkhard a déclaré le 29 septembre à la presse que l’aviation française avait effectué la semaine dernière 142 vols dont 88 avec le bombardement de 55 installations militaires à Bani Walid et à Syrte dans le Nord de la Libye et près de Sebha – dans le Sud.
Bref, la guerre en Libye continue et les experts se demandent de plus en plus souvent : qui se dressait derrière l’opposition libyenne, qui était intéressé à remplacer le pouvoir en Jamahiriya, un État souverain stable au plan économique et social avec lequel plusieurs pays, notamment européens, cherchaient à se lier d’amitié ?
Le président de l’Institut de religion et de politique Alexandre Ignatenko, membre du Conseil pour la coopération avec les groupes religieux auprès du Président de Russie, ayant pris part à la récente table ronde à l’agence RIA Novosti à Moscou estime que les monarchies sunnites ayant formé l’Union de coopération des Etats arabes du Golfe ou du golfe d’Arabie sont mêlées aux changements dans les pays arabes du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.
L’ Union regroupe l’Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, le Bahreïn, l’Oman, les Émirats arabes unis. Le Maroc et la Jordanie se préparent à y adhérer. L’ Union se propose de fonder l’Union sainte des États sunnites en contrepoids à l’Iran et à l’Irak où prédominent les chiites ainsi qu’aux régimes républicains en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Libye. Selon Alexandre Igantenko, l’Union a proposé immédiatement après le début des émeutes de l’opposition en Libye d’hisser le drapeau de la monarchie libyenne renversée par Mouammar Kadhafi en septembre 1969.
De l’avis d’autres délégués à la table ronde, les origines des troubles socio-politiques dans plusieurs pays de la région et de l’ingérence de l’Occident sont sensiblement plus prosaïques et moins liées aux contradictions religieuses. L’ Occident estime que ces pays ont besoin d’une authentique démocratie, de droits de l’homme et d’une société civile. Selon le directeur du Centre d’études proche-orientales de l’Académie diplomatique de Russie Oleg Peressypkine, ancien ambassadeur de Russie en Libye, les intérêts économiques de l’Occident sont en premier lieu à l’origine de l’ingérence de l’OTAN dans le conflit libyen :
A mon avis, ce sont des motifs secondaires, dit l’ambassadeur Oleg Peressypkine, le conflit provient en premier lieu des facteurs économiques. La politique est une expression concentrée de l’économie. Si nous envisageons la situation autour de la Libye dans cet aspect, tout devient clair.
L’ Europe traverse actuellement la crise financière. La Grèce, l’Italie, le Portugal ont des dettes, la situation dans d’autres pays de l’OTAN et de l’UE est instable. Comment remédier à la situation ? Il est possible d’accroître les impôts pour les habitants qui sortiront tout de suite dans les rues. Il est possible d’essayer de trouver les moyens à l’étranger.
A mon avis, l’aspiration de l’OTAN et de l’UE à régler leurs problèmes financiers au détriment de la Libye a été à l’origine de l’opération armée dans ce pays. D’après certaines données, 160-180 milliards de dollars de la Jamahiriya se sont accumulés sur les comptes des banques américaines et européennes. A y ajouter le pétrole libyen. Les pays européens se sont déjà mis à le partager. Ensuite les pays de la coalition présenteront le compte aux nouvelles autorités libyennes. Nous vous avons aidé à chasser Kadhafi, leur diront-ils. Maintenant il est temps de payer, notamment par le pétrole. La France insistera également sur sa part.
Je regrette, par exemple, que le président Sarkozy, un homme civilisé s’obstine à se prononcer pour l’assassinat de Kadhafi en déclarant que l’OTAN bombarderait la Libye pendant encore 90 jours jusqu’à ce qu’il soit détruit, dit Oleg Peressypkine interviewé par notre observateur. Je sais l’authentique situation en Libye et au Proche-Orient et je suis choqué de telles déclarations prononcées par un leader de la grande puissance française préconisant la démocratie.
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