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16 avril 2024

Libye – à Bani Walid, les Werfallah fidèles à l’ex régime crient vengeance par Al Oufok


Libye : à Bani Walid, les Werfallah fidèles à l’ex-régime crient vengeance

lundi 31 octobre 2011, par La Rédaction

« Notre vengeance, on l’aura, tôt ou tard », lance un homme de la puissante tribu des Werfallah, fidèle à l’ancien régime, en montrant des appartements incendiés et éventrés par des tirs d’obus des anti-Kadhafi, près du centre-ville de Bani Walid. Refusant d’être filmé, il donne son seul prénom, Souleimane, « par peur » des combattants du nouveau régime qui ont pris le contrôle de la ville il y a une dizaine de jours, après plus d’un mois de combats contre les forces fidèles à l’ex-dirigeant Muammar Kadhafi, tué à Syrte le 20 octobre.

« Nous avons arrêté de nous battre parce que nous n’avions plus de munitions. La plupart des habitants ont caché leurs armes et sont restés chez eux. D’autres se sont fondus dans les groupes de rebelles », confie-t-il. Les forces du Conseil national de transition (CNT, issu de la rébellion), entrées dans la ville le 17 octobre, ont été surprises par la disparition soudaine de tout combattant après des semaines de lutte acharnée.

« Quand les Thowars (révolutionnaires) n’ont pas trouvé les brigades de Kadhafi dont ils parlaient, ils sont devenus furieux. Ils ont tiré sur des chiens, des maisons, ont pillé et brûlé des habitations et des bâtiments publics », ajoute Souleimane. « Toute la ville est en colère. Les Thowars ont puni tout le monde en détruisant nos maisons, en volant nos voitures et en tuant nos proches. Ça ne se passera pas comme ça », poursuit-il en se disant envahi à la fois par la haine et la tristesse. « Bani Walid est une société tribale. Il n’y a pas d’étrangers. Il n’y a que des Werfallah, et personne ne peut nous gouverner. C’est pourquoi il n’y aura pas de Libye sans les Werfallah. Nous agirons tôt ou tard, ici, à Tripoli, ailleurs », prévient-il.

Bani Walid, une vaste oasis au relief accidenté à 170 km au sud-est de Tripoli, est le fief des Werfallah, qui forment la principale tribu de Libye, avec un million de personnes (pour une population d’environ 6,3 millions d’habitants). Ses membres sont divisés en dizaines de clans que l’on retrouve dans toute la partie septentrionale du pays, avec une assise en Cyrénaïque (est), dans la région des villes de Benghazi et de Dernah. Si les Werfallah de Bani Walid affichent toujours leur fidélité au régime déchu, l’opposition entre d’autres clans, essentiellement ceux de Cyrénaïque, et le régime libyen remonte aux années 1990, quand plusieurs dizaines d’officiers accusés de complot furent arrêtés et certains exécutés.

Malgré l’atmosphère de désolation à Bani Walid, certains tentent de réparer les dégâts et de reprendre une vie normale, « mais c’est très difficile », affirme Mohamed Ahmed, les mains tachées de peinture devant son appartement qu’il tente de rendre « vivable ». Des échanges de tirs sont encore fréquents entre des habitants et les pro-CNT, selon lui. Contrairement aux autres villes du pays, le drapeau rouge noir vert de la « nouvelle Libye » est très peu visible à Bani Walid et l’activité ne reprend que très lentement. Des volontaires nettoient la place centrale des douilles et des gravats.

Un jeune, qui dit s’appeler Al-Sahbi Al-Werfelli, vend des légumes dans un petit marché improvisé. Il reconnaît avoir combattu aux côtés des forces pro-Kadhafi. « Oui, j’ai combattu contre ces voleurs. C’est une révolution de voleurs. Ils ont tout détruit. Ils ont tout volé », lance-t-il à l’écart des rares passants. « Bani Walid paye le prix de son soutien à Kadhafi. Mais nous l’aimons. Nous attendons un signal pour reprendre les armes et nous venger », affirme-t-il. Son cousin, à proximité, approuve : « Nous avons défendu nos maisons et notre honneur et nous nous vengerons pour chaque personne tuée, chaque maison volée. »

***

Mouammar Kadhafi préférait « mourir qu’être jugé » par la CPI
Depuis sa prison, un proche de Mouammar Kadhafi raconte les dernières semaines du « Guide », terré à Syrte sous les bombes jusqu’à sa mort le 20 octobre. Un homme « déprimé, inquiet » qui préférait « mourir en Libye qu’être jugé » par la Cour pénale internationale (CPI).

Le 27 juin, la CPI avait émis un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre Mouammar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam et Abdallah Al-Senoussi, l’ancien chef des services secrets militaires de Libye.

La mesure aurait aggravé les choses, assure Mansour Daou, ex-chef des services de sécurité intérieure, emprisonné à Misrata (215 km à l’est de Tripoli) : « Le mandat d’arrêt de la CPI les a décidés, lui et ses fils, à rester en Libye (…) Kadhafi disait +je préfère mourir en Libye plutôt qu’être jugé par (le procureur de la CPI Luis) Moreno-Ocampo+ ».

Seif Al-Islam et un autre fils, Mouatassim, « voulaient que Kadhafi reste, surtout Seif », considéré comme son dauphin, tandis que « Senoussi le mettait sous pression pour qu’il parte », en vain.

Le 19 août, les forces du Conseil national de transition (CNT) étant aux portes de Tripoli, Mouammar Kadhafi file à Syrte, sa région natale, s’y sachant populaire. Les pro-CNT entrent dans Bab al-Aziziya, sa résidence, le 23.

« Kadhafi savait que c’était fini (…) depuis que ses troupes avaient été repoussées de Misrata », un des fiefs de l’insurrection, le 25 avril, et devenait depuis « de plus en plus nerveux », se rappelle M. Daou. « Il était aussi sous pression parce que ses amis l’avaient abandonné, Berlusconi (le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi), Sarkozy (le président français Nicolas Sarkozy), Erdogan (le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan), Tony Blair (l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair). Ca l’a miné, il les considérait comme des amis proches », ajoute-t-il.

Au début, l’ex-dictateur vit dans un hôtel de Syrte. Mais les pro-CNT atteignant les faubourgs mi-septembre, il change ensuite de logement quasi quotidiennement par mesure de sécurité.
Ses approvisionnements se réduisent, les bombes commencent à pleuvoir, les combats s’intensifient, dévastant la cité. L’électricité et l’eau courante sont coupées, la nourriture se fait rare. Celui qui veillait sur sa sécurité décrit un homme « déprimé, très inquiet ». « C’était très inhabituel de le voir comme ça », dit-il.

Mouatassim, aujourd’hui mort, mène le combat à Syrte, tandis que Seif, actuellement en fuite, n’y viendra jamais : « à partir du 27 août, il est resté à Bani Walid », autre bastion pro-Kadhafi qui tombera peu avant Syrte, et « je ne l’ai jamais revu depuis », raconte Mansour Daou. Les combattants professionnels tombant les uns après les autres sous le déluge de feu des pro-CNT, des volontaires de Syrte peu expérimentés viennent les appuyer. « Kadhafi lisait des livres, prenait beaucoup de notes, faisait des siestes.C’est Mouatassim qui commandait les combattants. Kadhafi ne s’est jamais battu. Il était vieux », explique l’ex-dignitaire.

Le 19 octobre, la situation est désespérée : le dernier carré est encerclé dans le quartier n°2 de Syrte, pilonné par les bombes du CNT et de l’Otan. Décision est alors prise de partir vers le sud, vers le Wadi Djaref, près du village natal de Kadhafi.

« Une erreur monumentale », pour M. Daou : « C’était une idée de Mouatassim. Il y avait environ 45 véhicules, 160 à 180 hommes, certains blessés. Le départ devait se faire vers 03H30 du matin (le 20 octobre), mais on a traîné trois ou quatre heures avant de partir (…), parce que les volontaires de Mouatassim étaient mal organisés », raconte-t-il.

Le convoi s’ébranle après l’aube, et est rapidement repéré par l’Otan qui déclenche une frappe aérienne. Les pro-CNT viennent finir le travail, tuant ou capturant les survivants.
Blessé, Kadhafi est retrouvé caché dans un tuyau d’écoulement des eaux passant sous la route où son dernier convoi a été intercepté. Il est pris par les combattants de Misrata qui tiennent alors leur revanche : il est roué de coups, insulté, humilié. Deux heures plus tard, il est mort, une balle dans la tête, une autre dans la poitrine.

(Lundi, 31 octobre 2011 – Avec les agences de presse)

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