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18 novembre 2024

Après le drapeau, la case départ par Ahmed Halfaoui


http://www.lesdebats.com/editions/080312/les%20debats.htm

Libye : après le drapeau, la case départ

Le «Congrès du peuple de Cyrénaïque» vient de décider de son «autonomie» à l’égard du pays virtuellement dirigé par le CNT. Cela pendait au nez depuis le début, quand les bandes armées de Benghazi, sentant le moment propice, ont délégitimé cette nébuleuse concoctée par on ne sait qui et n’ont pas cessé de démontrer leur volonté de ne pas s’en laisser conter. Rejointes par les tribus, c’est-à-dire la population, elles ont fini par passer à l’acte.

Dans le même temps on fait un retour à la case départ, en remettant un Senoussi à la tête du riche territoire. Ahmed Zoubaïr, un cousin du roi déchu en 1969 par l’armée dirigée par Kadhafi, est désigné chef de la Cyrénaïque. La décision est unilatérale et n’a pas été discutée avec l’autorité installée par l’OTAN à Tripoli. Autorité qui ne contrôle rien au-delà du perron de son siège et des chancelleries à l’étranger. «A nous notre pétrole !» est le message, à peine voilé, que l’on reçoit.

A se demander si la «révolution» n’avait pas cet objectif en tête, de couper la région la plus riche du reste du pays et si le drapeau d’Idriss n’annonçait pas cette issue. Le moment est opportun, car ce ne sont pas les milices occupées à renforcer leur pouvoir sur leurs fiefs respectifs qui vont venir voir de quoi il retourne et s’opposer à la sécession en cours. A moins que les gens de Benghazi aient mal mesuré la possibilité d’une «union sacrée» contre eux. Mais est-elle possible ? Est-il envisageable que les rivalités mortelles qui opposent clans et chefs de guerre soient dépassées ? Rien n’est moins sûr.

Sinon ce serait un véritable miracle qui déclencherait un sursaut national et qui réaliserait une unité des rangs qui, du coup, balaierait appétits personnels, rancœurs, tribalisme et autres causes de déchirements. De fait, le scénario le plus plausible est celui qui va voir la Cyrénaïque se consolider en tant qu’Etat, peu importe ici son type et sa forme, s’organiser, tandis que le reste de la Libye va sombrer dans de plus grandes difficultés, politiques, militaires et économiques.

Le fait qu’il n’est question que de fédéralisme et d’autonomie n’est qu’une affaire de tactique. L’unilatéralisme de la décision, sur fond de chaos institutionnel, dénote du peu de cas qui est fait de ce que peut représenter le CNT. La grande inconnue demeure l’attitude de la «communauté internationale», si tant est que le coup de l’autonomie ait été fait sans la complicité de l’OTAN ou d’une partie agissante des pays qui la composent. Une forte présomption laisse accroire que les pétroliers, au moins, seraient rassurés d’avoir une vraie autorité comme partenaire. Ce qui leur est offert désormais. «Le Conseil intérimaire de Cyrénaïque a été établi pour gérer les affaires de la région et défendre les droits de ses habitants», disent les frondeurs, bien qu’ils aient été mis en garde par le CNT, par la bouche de son Premier ministre : «Nous n’avons pas besoin du fédéralisme et nous ne sommes pas obligés d’adopter un système fédéral. Nous ne voulons pas retourner 50 ans en arrière». Attendons pour voir les suites que nous réserve la «démocratisation» de la Libye, en espérant qu’elles ne seront pas sanglantes.
Par Ahmed Halfaoui

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