Persécutions racistes, profanation de cimetière et sécession en Libye
17 mars 2012
Par ATLAS ALTERNATIF
En septembre dernier le blog de l’Atlas alternatif a attiré l’attention des lecteurs sur le sort de la ville libyenne essentiellement peuplée de Noirs (ancien centre de trafic d’esclave où vivaient les descendants d’esclaves libérés) de Tawergha (ou Tawarga selon les conventions transcriptions retenues) apparemment victimes de nettoyage ethnique (les villages de Tomina, de Kararim ont également été vidés).
En février dernier une vidéo a circulé sur Internet parfois présentée comme montrant des habitants de cette ville faits prisonniers et traités de façon humiliante (parqués dans une cage, traités de chiens – insulte suprême pour un musulman – et forcés à manger l’ancien drapeau libyen).
Selon Russia Today, les Noirs libyens qui n’ont pu fuir le pays seraient 5 000 dans des centres de détention.
Le 16 février dernier Amnesty International a publié un rapport sur ce sujet. Selon Donatella Rovera en janvier et début février, des délégués d’Amnesty se sont rendus dans onze centres de détention contrôlés par les ex-rebelles dans le centre et l’ouest de la Libye et dans dix d’entre eux les prisonniers ont fait état de tortures.
En janvier un rapport d’ONG arabes » Report of the Independent Civil Society Fact-Finding Mission to Libya » a été publié qui, tout en détaillant la répression à balles réelles du « Printemps libyen » et les crimes de guerre commis par les kadhafistes à Misrata et Zawiya notamment, dénonçait l’absence de système judiciaire dans la « nouvelle Libye » post-Kadhafi, critiquait la détention sans jugement de 28 prisonniers qui n’ont pas été des hauts responsables de l’ancien régime à Sibrata, les tortures au centre de Zawiya (om se trouvent des dizaines d’ex soldats noirs d’origine malienne et tchadienne). A propos de Tawergha ce rapport précise que si certains de ses anciens résidents se sont rendus coupables d’atrocités aux côtés des forces kadhafistes, notamment contre Misrata (cf l’exemple de la vente d’une fille de Misrata comme esclave à 7 000 dinars) la population a été victime de « rumeurs » et d’un « mythe urbain » instaurant une culpabilité collective sur cette ville, légitimant ensuite toutes les exactions des rebelles contre elle. Il confirme le rapport de Human Rights Watch sur l’existence d’un nettoyage ethnique systématique dans cette ville, et aborde aussi le problème des victimes directes des frappes de l’OTAN.
Un « comité international des juristes pour la Défense des Libyens » composé d’intellectuels qui ont souvent manifesté leur sympathie pour l’ancien régime libyen (et dirigé par avocat de l’ex-Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi) devait quant à lui se réunir le 10 mars à Tunis pour évoquer les violations des droits de l’homme en Libye.
La barbarie des milices libyennes ne vise pas seulement les Noirs mais aussi les alliés occidentaux du Conseil national de Transition. Le 29 février une vidéo sur YouTube a été téléchargée montrant la profanation par des miliciens du cimetière de guerre anglais et italien de Benghazi.
Par ailleurs à Barqa le 6 mars dernier un « congrès » a nommé un Conseil suprême chargé de gouverner la nouvelle entité baptisée Cyrénaïque. La présidence du Congrès a été confiée au cheikh Ahmed Zoubaïr, cousin de l’ancien roi Idriss al-Senoussi renversé par Kadhafi. Le président du CNT les a accusés d’être financés par des pays arabes, mais Zoubaïr a démenti cette accusation.En tout cas M. Adnane Manser, consul de Tunisie à Benghazi était présent à la réunion de ce congrès, ce qui lui a valu d’être rappelé par son gouvernement à titre de sanction aujourd’hui 15 mars. Le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci a déclaré quant à lui que son pays restait engagé à soutenir l’intégrité territoriale de la Libye comme celle du Mali.
Tout en manifestant son attachement formel à l’unité libyenne dans un cadre fédéral, le gouvernement autoproclamé de Cyrénaïque s’est doté de sa propre armée et certains experts affirment que son but est de priver le reste de la Libye des dividendes pétroliers de cette région.
Malgré cela les autorités centrales du CNT à Tripoli minimisent les risques d’anarchie dans le pays. La production de pétrole représente 75 % de ce qu’elle était à l’époque de Kadhafi et la petite bourse de Tripoli (un marché de 3 milliards de dollars contre 65 milliards au Caire) vient de réouvrir après un an de fermeture. Des élections législatives sont prévues pour le mois de juin.