l’Algérie redoute le syndrome libyen
11 octobre 2012
l’Algérie redoute le syndrome libyen
le 10.10.12 |
EL WATAN
Devant les déclarations françaises d’établir une situation de guerre au Nord-Mali, un officiel américain a annoncé que les Etats-Unis pourraient offrir leur soutien. Cette situation incommoderait fortement notre pays qui privilégie le dialogue et la négociation entre toutes les factions du Nord-Mali.
Lentement, le plan de bataille imaginé par la France se met en place. Les Etats-Unis, jusque-là rétifs à une intervention au Mali, n’excluent plus l’hypothèse.Mieux ou pire (c’est selon), ils viennent d’annoncer officiellement qu’ils étaient prêts à soutenir une résolution française dans ce sens. De fait, le compte à rebours est désormais lancé. Reste juste à définir les modalités techniques de l’intervention et l’heure H. Le scénario libyen est donc plus que jamais d’actualité.
Face au travail inlassable d’Alger au niveau des pays voisins du Mali, mais aussi avec les partenaires étrangers comme les Etats-Unis pour les amener à privilégier la solution politique par le dialogue, Paris répond par un langage foncièrement guerrier comme s’il s’agissait de sauver la Corse d’une menace de sécession.
«La France est prête à voter une résolution à l’ONU sur une intervention militaire africaine au Mali, qu’elle soutiendra sur les plans logistique, politique et matériel», a réaffirmé hier un François Hollande aussi va-t-en-guerre que son prédécesseur, qui s’était engagé sur le front libyen. A croire que le Président socialiste veuille lui aussi avoir «sa guerre» pour gagner du galon au sein d’une opinion publique française qui le trouve un tantinet timoré au plan international. F. Hollande fait d’une intervention au Mali quasiment une affaire personnelle pour soigner son ego et, évidemment, sa posture si écornée dans les sondages.
Une guerre par procuration
Profitant, hier, d’un point de presse conjoint avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le président français a haussé le ton dans son plaidoyer pour une intervention militaire. Mais il a tempéré son propos, estimant qu’«il y aura un calendrier à respecter» et qu’une telle intervention présente «des difficultés» dans sa mise en œuvre. A commencer par le délai requis pour cette intervention que F. Hollande souhaite «raisonnable». A l’appui, il pense que l’adoption d’une résolution à l’ONU «peut se faire dans un délai court». Une façon de signifier qu’il ne risque pas d’y avoir de blocage pour le projet français au Conseil de sécurité. Une perspective que confirme un haut responsable américain. «Les Etats-Unis soutiendront la France si ce pays décide qu’il est nécessaire d’intervenir militairement», a affirmé, hier, dans un entretien au journal Le Monde, le secrétaire d’Etat adjoint américain chargé de l’Europe, Philip Gordon.
«Dans toutes les réunions, la France souligne l’importance du Sahel. A chaque fois, nous nous engageons à travailler avec elle», a déclaré le responsable américain. Et d’ajouter : «Nous soutenons la France et si elle décide qu’il est nécessaire d’intervenir militairement, elle peut compter sur le soutien des Etats-Unis.» Si a priori Washington ne ferme pas la porte à son soutien au projet «d’attaque» contre le Mali, elle ne précise pas non plus le format de cette intervention. Le commandant de l’Africom a, certes, envisagé une frappe de type «chirurgical» contre les bastions terroristes au nord du Mali, mais il a conditionné cela par un travail politique qui consisterait à ouvrir un dialogue à même d’installer à Bamako un «gouvernement légitime».
Il serait en effet suicidaire d’entreprendre une expédition militaire dans un pays politiquement ouvert aux quatre vents. Mais la France compte bien mener «sa» guerre par procuration pour éviter les dommages collatéraux. «Pour l’intervention elle-même, c’est aux Africains de s’organiser pour qu’elle ait lieu rapidement (…) et efficacement», affirme François Hollande. Autrement dit, Paris souhaite sécuriser ses intérêts dans la région, mais sans avoir à engager ses propres troupes dans cette mission, qui a pour but d’«éradiquer le terrorisme». Difficile en effet d’expliquer cette agitation française de vouloir mettre le feu aux poudres au Mali, avec des mains et du sang africains, par le seul souci «d’éradiquer le terrorisme».
Le fait est que Paris ne se soucie pas outre mesure de l’instabilité chronique en Tunisie où les salafistes bombent le torse. Et encore moins en Libye où la crise politique bat son plein et où l’insécurité est omniprésente. C’est que la France a du mal à cacher ses desseins géopolitiques au Sahel. Son uranium au Niger a fini par irradier toute la crise malienne, aussi compliquée que celle de la Syrie. Et dans sa volonté d’en découdre sous la bannière de l’ONU, la France prend même le risque de se mettre à dos des pays voisins, comme l’Algérie et la Mauritanie, qui vont forcément subir le retour de flamme d’une éventuelle intervention militaire. C’est pourquoi Alger et Nouakchott s’activent, eux aussi, à ratisser des soutiens pour éviter une solution «à la française».
Face au bourbier malien, il y a deux camps distincts : le front de la guerre mené par la France et le front du refus mené par l’Algérie. Une bataille diplomatique à fleuret moucheté, que devraient arbitrer des représentants de la communauté internationale le 19 de ce mois, à l’occasion d’une réunion décisive à Bamako.