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11 novembre 2024

Une visite attendue à l’ombre d’une guerre annoncée.


Une visite attendue à l’ombre d’une guerre annoncée.

Les développements récents de la situation au Sahel laissent cependant de nombreuses questions encore sans réponses.

Salim Metref.
Une visite attendue à l'ombre d'une guerre annoncée.
Dans l’une de nos modestes contributions (I), nous évoquions, d’autres plus compétents l’auront fait avant nous, la tentation expéditionnaire macabre occidentale dans la région sahélo-saharienne et ses soubassements économique, politique et militaire.

Nous insistions particulièrement sur les effets pervers des nombreuses expéditions militaires conduites ces dernières années à travers le monde et essayions de démontrer qu’elles s’inscrivaient fondamentalement dans une démarche d’accaparement de richesses naturelles, de reconquête d’une aura perdue pour de nombreux pays occidentaux et de redéfinition de nouveaux rapports dans le monde où les plus puissants, actuellement en phase de crise économique aigue et en situation de délabrement social dans un contexte de décadence prérévolutionnaire, doivent absolument se redéployer en s’appuyant sur la nouvelle doctrine sécuritaire largement inspirée de la théorie anglo-saxonne de la guerre préventive et dont le corollaire serait de dépecer des pays souverains pour les fragiliser et les pousser encore plus dans le dénuement et la dépendance.

Le Conseil de Sécurité des Nations-Unis a adopté le vendredi 12 octobre 2012 une résolution sur le Mali présentée par la France et qui octroie un délai de 45 jours pour que soit précisés, par les Etats d’Afrique de l’Ouest, les plans en vue d’une intervention militaire qui bénéficierait du soutien logistique et militaire de l’hexagone et probablement de celui du Royaume Uni.

La médiatisation de la CEDEAO au détriment de l’Union Africaine, organisation continentale dotée d’attributions considérables et la plus indiquée pour gérer cette situation, et l’organisation d’un véritable ballet et pressing diplomatique ont permis l’adoption de cette résolution, co parrainée notamment par le Maroc, le Togo, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Inde.

Ces initiatives traduisent probablement aussi les inquiétudes de certains milieux politiques occidentaux face au rôle géopolitique grandissant que pourrait jouer l’Algérie dans la région et dont les efforts en faveur d’une solution pacifique étaient en compétition avec ceux des partisans de l’intervention militaire systématique. Cette résolution impose également une limite dans le temps à l’initiative algérienne, co conduite avec la Mauritanie, qui consistait à donner encore toutes ses chances au règlement politique de ce conflit. L’entêtement légitime de la diplomatie algérienne à faire admettre l’existence d’une solution politique à la crise malienne participe aussi des efforts qu’il faudra continuer de déployer pour conférer à l’Algérie le statut inéluctable de puissance régionale avec laquelle il faudra désormais compter.

Cette intervention militaire dont les contours se préciseront sans doute à court terme et dont l’habillage médiatique et humanitaire sera minutieusement préparé, porte en elle-même les germes d’un bourbier qui s’annonce d’ores et déjà ardu, dans lequel pourraient s’enliser toutes les certitudes et duquel jailliraient toutes les incertitudes. Cette intervention miliaire, si elle devrait avoir lieu, permettrait peut-être à tous ceux qui ont de vieux comptes à régler avec l’Algérie, de transformer la crise du Sahel en opportunité pour mettre en place les scénarios les plus sournois notamment ceux qui fragiliseraient notre pays. Mais entre la réalité et la fiction, il ya encore beaucoup de marge !

L’Algérie qui sort d’une épouvantable guerre civile commence à redécouvrir, malgré de notables insuffisances sur le plan du respect des droits de l’homme et la persistance de nombreux fléaux comme la corruption et la bureaucratie, les bienfaits d’une paix à vivre et d’une stabilité retrouvée. Et les effets des efforts de développement économique et social sont réels et ce même s’ils sont parfois conduits dans l’opacité et sans y associer les partenaires politiques représentatifs et sans solliciter lexpertise et la compétence requises.

Ces menaces qui s’annoncent à nos frontières situées le plus au sud doivent renforcer notre conviction que l’impératif du consensus national doit être obtenu par des décisions politiques audacieuses et immédiates qui favoriseraient la convergence vers une société plus juste et dont le socle serait le respect absolu des libertés fondamentales et la lutte implacable contre toute forme de dépassement et d’abus. Il ne s’agit plus de tergiverser mais d’oser enfin les véritables réformes, celles qui mettent tous les dossiers sur la table avec sincérité et au profit exclusif des intérêts supérieurs de notre pays. Cela nous évitera de subir à chaque fois et de façon récurrente les injonctions américaines qui nous signifient en bon langage diplomatique que l’Algérie peut et doit mieux faire.

Et que nous rompions aussi et définitivement avec cette pratique qui consiste a réagir à chaque fois en procédant seulement à des retouches de pure forme d’un statuquo qui pourrait à moyen terme nous réserver bien des surprises. Et il ne faut surtout plus se faire d’illusions et ne pas oublier que la politique extérieure des Etats-Unis est pragmatique et à géométrie variable. Elle s’adapte et épouse toujours les contours de situations induites par les rapports de force en présence pour mieux canaliser les dividendes à son profit et au moment opportun. Elle peut en même temps, s’agissant par exemple de la crise au Mali, encourager les efforts qui privilégient l’issue politique à la crise, comme exprimé récemment par un responsable militaire américain à Alger, et voter sans état d’âme la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unis qui rend permise l’option d’une intervention militaire au Mali.

Les développements récents de la situation au Sahel laissent cependant de nombreuses questions encore sans réponses. Le gouvernement français osera-t-il vraiment conduire, sans débat préalable à l’assemblée française, une intervention militaire au Mali, à l’image de celle menée sous l’ère Sarkozy en Libye ? Souvenons-nous que l’élection du Président Français n’a pu se réaliser que grâce aussi à la dénonciation de l’intervention militaire en Libye et la promesse du retrait des forces militaires françaises déployées en Afghanistan. La gauche au pouvoir serait-elle en train d’emboiter le pas à son illustre ainée, celle qui a voté les pouvoirs spéciaux pendant la guerre d’Algérie ? Allons-nous assister, au nom d’une certaine obsession de l’aventure et de la conquête, au passage à l’acte et à l’empiétement de tout ce qui aura constitué, ces dernières décennies, le ciment et les valeurs proclamées de la gauche française ? Le refus de la guerre, la recherche systématique de la paix et le plaidoyer en faveur des droits de l’homme et de la concorde et de l’amitié entre les peuples. Et le Mali a plus besoin aujourd’hui d’aide économique que de déploiement de forces militaires, qui mobiliseront certainement des «volontaires africains», qui ne fera qu’exacerber les difficultés que rencontre ce pays d’autant plus que les initiatives de dialogue entre les parties en conflits n’ont pas été conduites à leur terme.

Le développement de la situation au sahel et la détermination française à vouloir privilégier l’usage de la force au nord du Mali risque de conférer à la visite prochaine de François Hollande en Algérie l’habit de la « Reconquista » plutôt que celui de la refondation d’une nouvelle relation algéro-française tournée vers l’amitié entre les peuples, le respect mutuel et le partenariat économique mutuellement avantageux. Nous évoquions (II) entre les deux tours de l’éjection présidentielle française et à propos de la célébration des tragiques événements d’octobre 61 que « l’acte symbolique majeur du candidat socialiste à la Présidence de la République Française, qu’il faudra aussi retenir et qui augure peut-être d’une nouvelle perspective de la relation algéro-française, a été sans aucun doute cette gerbe de fleurs déposée le 17 octobre 2011 sur le pont de Clichy-La-Garenne en hommage aux Algériens jetés dans la seine en 1961 ». La relation algéro-française qui a encore besoin d’initiatives conséquentes pour espérer la hisser au niveau qualitatif que l’on souhaite, semble-t-il des deux cotés, lui conférer pourrait être contrariée par le choix de l’escalade militaire au Mali. Et il est normal que cela provoque des inquiétudes de ce coté-ci de la Méditerranée tout comme il serait opportun, et sans vouloir nous ingérer dans le contexte politique franco-français, que les forces politiques qui ont rendu possible l’élection du Président Hollande, majoritaires à l’assemblée française, exigent un débat sur ce qui semble être une initiative qui ne constitue pas, en l’état actuel de l’opinion française, une priorité et que les véritables urgences de l’hexagone sont plutôt le chômage endémique qu’il faut contenir, les déficits publics qu’il faut résorber, le diktat de la technocratie de Bruxelles, les questions sociales, la régulation des flux migratoires etc.. Ces priorités, si elles ne sont pas prises en charge, pourraient constituer le socle de l’émergence d’un grand parti de l’extrême-droite française qui tôt où tard prendrait en charge les destinées françaises.

Note :

(I) Face à la montée des périls (Part one)

http://www.lequotidien-oran.com/?news=5174382

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