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11 octobre 2024

25 ans après Tchernobyl, Fukushima… tirer enfin les leçons des catastrophes


25 ans après Tchernobyl, Fukushima… tirer enfin les leçons des catastrophes
Paul Lannoye

3 décembre 2012

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Dans quelques jours, il y aura 25 ans que la plus grande catastrophe industrielle de l’Histoire a eu lieu en Ukraine, entraînant une contamination radioactive irréversible d’une large partie de l’hémisphère Nord. L’accident du 11 mars 2011 qui a mis hors de contrôle 4 réacteurs nucléaires à Fukushima (Japon) risque bien de s’avérer par l’ampleur de ses conséquences humaines et écologiques, plus catastrophique encore que celui de Tchernobyl.

 

 

Ces catastrophes étaient prévisibles ; un sérieux avertissement avait été l’accident de Three Miles Island en 1979, aux Etats-Unis, le pays qui a vu naître l’industrie nucléaire dite pacifique. Le fait que les conséquences humaines de Three Miles Island aient été limitées, du moins en apparence, a pu entretenir l’illusion que les ingénieurs du nucléaire et les scientifiques concernés pouvaient garantir une maîtrise suffisante de la technologie pour que nous puissions vivre avec le nucléaire.

La catastrophe de Tchernobyl a ouvert les yeux de nombreux responsables politiques qui ont bien dû admettre qu’une catastrophe hautement improbable était possible. Le déclin de l’industrie nucléaire dans le monde s’est concrétisé, faisant suite au coup d’arrêt donné aux Etats-Unis par la perte de confiance générée en 1979 par les événements de Three Miles Island.

Mais le lobby nucléaire n’a pas désarmé. Utilisant la pratique particulièrement efficace de la désinformation, jouant sur l’argument de la supériorité de la technologie occidentale et sur les prétendus atouts du nucléaire face au réchauffement climatique, ce lobby, cautionné par des institutions scientifiques apparemment indépendantes ont progressivement réussi à réhabiliter le nucléaire comme solution acceptable des problèmes énergétiques.

Le désastre de Fukushima est le troisième avertissement donné à une humanité déboussolée. Il n’est pas sûr qu’il soit suffisant pour convaincre les « responsables politiques » de l’absolue nécessité de se passer d’une énergie potentiellement aussi dévastatrice.

En Europe, et c’est notamment le cas de la Belgique, plusieurs Etats nucléarisés ont remis en cause l’option de sortie du nucléaire adoptée il y a quelques années.

Nous espérons que les faits mis en évidence ci-après seront suffisamment éclairants pour conscientiser les citoyens et ébranler définitivement les décideurs.

2. La désinformation se porte toujours bien.

Qu’il s’agisse de Three Miles Island, de Tchernobyl et aujourd’hui de Fukushima, le souci de protéger l’image de l’industrie nucléaire l’a systématiquement emporté au point de travestir ou de cacher les faits, au détriment des populations concernées. 2.1. A Three Miles Island, la version officielle des événements veut que les rejets radioactifs aient été très limités et n’aient pas eu d’incidence sur les populations riveraines. En réalité, le bilan est loin d’avoir été négligeable :

– il y a eu, dans les premières heures qui ont suivi l’accident, rejet massif (plusieurs millions de curies) de gaz rares radioactifs (Xénon et Krypton), lesquels n’ont pas été mesurés, vu le désarroi ambiant ;

– des relâchements périodiques de gaz radioactifs ont eu lieu au cours des mois qui ont suivi (grandes quantités de krypton 85) ;

– les grands volumes d’eau contaminée présente dans l’enceinte et le système de refroidissement (respectivement 2 millions et 350 000 litres avec un taux moyen de contamination de 4 milliards de Bq par litre) ont fait l’objet de rejets fractionnés étalés dans le temps.

Il est donc incorrect de classer l’accident au niveau 5 de l’échelle INES comme le font les instances de contrôle internationales.

De plus, une étude portant sur la période 1979-1998, publiée en 2003 (1) met en évidence une augmentation du taux de cancers du sein et d’affections des tissus lymphatiques et hématopoïétiques en relation avec le niveau évalué d’exposition aux rayonnements chez les résidents proches de TMI.

En 1979, les responsables US de la sécurité nucléaire ont rejeté l’éventualité d’une fusion du cœur du réacteur, laquelle avait pourtant bien eu lieu.

Citons à ce sujet, Philippe Jamet, commissaire de l’Agence de sécurité nationale française (ASN) qui s’exprime ainsi en 2006 dans la Recherche : « Si l’injection de sécurité ne fonctionne pas, le niveau d’eau dans la cuve va encore baisser, le cœur va se découvrir, le combustible chauffe, les gaines qui le protègent vont se fissurer largement et des gaz et des produits de fission vont être émis. Cela peut aller jusqu’à la fusion du cœur du réacteur. C’est ce qui s’est passé en 1979 à Three Miles Island, aux Etats-Unis. A l’époque, personne n’y avait cru. Ce n’est que six ans plus tard, grâce à une sonde envoyée dans la cuve du réacteur, que l’on a eu la preuve que le cœur avait bel et bien fondu : il faut se figurer un magma, de la lave à 3000 degrés. Le corium, résultat de la fusion des métaux du cœur et de l’uranium combustible, avait coulé sur le côté et atteint le fond de la cuve. Il ne l’a pas traversée, mais on n’en a sans doute pas été très loin. Les opérateurs de la centrale ont réussi in extremis à sauver le cœur en injectant tardivement de l’eau. » (2). En clair, après 6 ans de désinformation, il a bien fallu reconnaître, très discrètement d’ailleurs, des faits dérangeants révélant le désarroi des experts face à des événements imprévus et leur ignorance de scénarios catastrophiques potentiels.

2.2. A Tchernobyl, en 1986, les autorités soviétiques ont tout fait pour camoufler l’ampleur du désastre et empêcher une information correcte de se diffuser. Des ordres ont été donnés par les responsables politiques à destination du milieu médical pour refuser tout lien entre certaines pathologies et l’exposition aux rayonnements, notamment chez les 600 000 liquidateurs. (3) Certains gouvernements occidentaux n’ont pas été en reste ; le gouvernement français et les responsables de la sécurité nucléaire du pays ont fait passer le message d’une protection totale du territoire national contre tout risque d’irradiation. La cacophonie européenne s’est manifestée en Belgique par des décisions incohérentes en matière de confinement du bétail : la Région wallonne considérant le risque de contamination des herbages comme négligeable, au contraire du gouvernement fédéral qui recommandait le maintien des bovins à l’étable pendant quelques jours pour éviter l’ingestion d’iode radioactif.

Au fil des années, les agences internationales ont volontairement minimisé les conséquences sanitaires de la catastrophe. Les estimations fournies conjointement par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) publiées en 2005 font état d’une cinquantaine de morts parmi les liquidateurs et de 4000 décès par cancer dans les trois pays les plus touchés par les retombées radioactives, soit le Belarus, l’Ukraine et la Russie (4).

Plus récemment, les mêmes instances ont fini par concéder que quelques milliers de cas de cancers de la thyroïde ont affecté les enfants dans les régions les plus contaminées (tout en insistant sur le fait que le cancer de la thyroïde est le plus souvent curable !).

L’accident aurait selon l’OMS provoqué au total moins de 10 000 morts, le nombre de malades ne dépassant pas 200 000. Ces estimations sont essentiellement basées sur la modèle de risque internationalement accepté émanant de la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements ionisants, modèle contredit par de nombreux faits et remis en question par les études effectuées sur le terrain par les scientifiques russes, ukrainiens et biélorusses, études totalement ignorées par les différentes instances internationales.

L’analyse des données relatives à la Biélorussie, à l’Ukraine et à la région de Russie la plus proche de Tchernobyl montre notamment que depuis la catastrophe :

- la morbidité générale des enfants s’est sensiblement accrue en Biélorussie ;

- le phénomène de vieillissement précoce se manifeste clairement : L’âge biologique des personnes vivant de manière permanente dans les territoires contaminés d’Ukraine surpasse l’âge réel de 7 à 9 ans ;

- le syndrome de vieillissement précoce est caractéristique chez les 600 000 liquidateurs qui ont construit le sarcophage de Tchernobyl ; de nombreuses maladies apparaissent chez eux 10 à 15 ans plus tôt que dans la population générale ;

- les atteintes génétiques sont clairement mesurables par la détection très répandue d’aberrations chromosomiques. Les conséquences génétiques de la catastrophe atteindront des centaines de millions de personnes ;

- selon les experts, près de 1 500 000 personnes sont menacées par une affection thyroïdienne, le cancer étant la forme la plus grave de ce type d’affection.

- En Biélorussie, l’incidence de toutes les affections cancéreuses a augmenté de 40% entre 1990 et 2000.

Signalons qu’en Europe de l’Ouest, certaines régions sont à ce jour encore contaminées par la radioactivité notamment au nord de la Scandinavie, en Allemagne, en Ecosse et en Pologne, au point que certains produits qui en sont originaires restent impropres à la consommation (gibier, poisson, champignons), de l’aveu même de la Commission européenne. Au plan sanitaire, les travaux de Martin Tondel et al. (5) sur le cancer dans le Nord de la Suède ont montré un accroissement significatif de 11% du taux de cancer pour une contamination au Césium 137 de 100kBq/m².

Les travaux du CERI (Comité européen pour le risque de l’irradiation) publiés en 2003 (6) et mis à jour en 2010 (7) se basent largement sur les conséquences de Tchernobyl pour remettre en question le modèle de risque de la CIPR et plus particulièrement l’approche des risques dus à la contamination interne, sous-estimés selon eux d’un facteur allant de 200 à 1000 selon le type de contamination. Le modèle CERI a le mérite de rendre compte des faits observés depuis l’avènement de l’énergie nucléaire et montre la sous-évaluation systématique des risques dus aux faibles doses de rayonnement et à la contamination par les radio-isotopes issus de l’industrie nucléaire.

2.3 Depuis le 11 mars, jour où ont eu lieu le tremblement de terre et, en conséquence, le tsunami qui ont provoqué la perte de contrôle des réacteurs nucléaires de Fukushima, les informations en provenance de Tepco, propriétaire de la centrale, de l’Agence de sécurité japonaise et du gouvernement ont toutes laissé entendre que si la situation était grave, la catastrophe pouvait encore être évitée. Evalué initialement au niveau 4 sur l’échelle INES de gravité des accidents nucléaires, ensuite au niveau 5 (comme à TMI), l’accident vient depuis quelques jours d’être réévalué au niveau 7 (comme à Tchernobyl).

Manifestement les responsables japonais visent avant tout à faire croire qu’ils maîtrisent ou sont en voie de maîtriser la situation. Les dissimulations et mensonges de TEPCO au cours de ces dernières années donnent peu de crédit à leurs propos et à leurs prévisions. Mais il y a tout lieu d’être tout aussi méfiants et critiques à l’égard des messages émanant de l’AIEA qui a pour mission de continuer à promouvoir l’énergie nucléaire dans le monde comme le prévoient ses statuts. On ne manquera pas de remarquer à nouveau le silence de l’OMS qui, comme attendu, se contente de répéter les propos et analyses de l’AIEA. Quant aux retombées dans l’hémisphère nord et, en particulier, en Europe et en Belgique, on ne peut pas dire qu’elles font l’objet d’informations précises depuis le 11 mars dernier.

3. Fukushima : un désastre pire qu’à Tchernobyl ?

Il est trop tôt pour faire un état des lieux pertinent des conséquences de la dissémination radioactive dans le monde, d’autant plus que la situation est loin d’être stabilisée. Cependant, il semble bien que les quantités totales d’Iode131 et de césium 137 émises par les réacteurs endommagés à ce jour sont du même ordre de grandeur qu’à Tchernobyl. Les retombées de ces rejets affecteront l’hémisphère Nord avec apparition de zones de concentration dues à la pluie.

Les rapports techniques de l’exploitant (TEPCO) et la NISA (autorité de sûreté japonaise) laissent craindre des rejets pendant des semaines voire des mois. Il est possible que de nouveaux relâchements de vapeur aient lieu afin d’éviter de nouvelles explosions d’hydrogène ; ainsi des phases de rejets massifs peuvent encore avoir lieu.

En outre, il semble légitime de suspecter la survenue d’épisodes de criticité dans les piscines de désactivation ; c’est ce que semble confirmer la mesure de hauts niveaux d’iode 131 dans l’eau de la piscine du réacteur n° 4. Ceci signifie que de nouveaux rejets d’iode 131 sont possibles dans un avenir proche.

Ce qui est maintenant certain, c’est qu’un vaste territoire centré sur Fukushima est rendu inhabitable pour des décennies. Au-delà de la zone d’évacuation, élargie à 30 Km depuis peu, des zones de forte contamination justifient elles aussi une évacuation définitive. Selon NIRS (Nuclear Information and Resource Service- USA), la ville de Namie, située à l’extérieur de la zone d’évacuation, a été exposée à une irradiation globale de l’ordre de 1,7 rems soit 17 fois la dose annuelle considérée comme acceptable pour le public par la CIPR et les institutions internationales. En ce qui concerne le milieu marin, riverain du site de Fukushima-Daiichi, les mesures effectuées à plus ou moins grande distance du site montrent une pollution radioactive importante. Les teneurs en césium 137 et en iode 131 ont atteint respectivement 47 000Bq/litre et 74 000 Bq/l à comparer aux valeurs mesurées dans l’eau du littoral japonais avant l’accident (quelques milliBq/litre de césium 137 et aucune détection d’iode 131). Cette pollution se propagera dans tout le Pacifique et contaminera les espèces vivantes pour longtemps sachant que le césium 137 a une période de 30 ans. Par ailleurs, le phénomène de reconcentration par les espèces vivantes conduit à des teneurs nettement plus élevées que dans l’eau (x 50 pour les mollusques et x 400 pour les poissons, en ce qui concerne le césium 137).

4. Plus vieux, plus dangereux.

L’évolution du risque d’incident grave ou d’accident au long de la vie d’un réacteur nucléaire peut être schématisée par une courbe en baignoire. Le risque est élevé pendant les premiers temps après couplage au réseau (rodage), pour diminuer nettement dans la suite et remonter au niveau de départ en fin de vie (vieillissement). A Three Miles Island, on se trouvait clairement dans la période de rodage. Les réacteurs de Fukushima sont par contre à classer dans la période de fin de vie puisque tous ont été mis en exploitation commerciale respectivement en 1971, 1974,1976 et 1978 pour les unités Fukushima 1, 2, 3 et 4. Lorsqu’on évoque le vieillissement, on pense logiquement au vieillissement lié au fonctionnement, lequel provoque une fragilisation généralisée des matériaux du fait de l’accumulation des sollicitations thermiques et mécaniques et du bombardement neutronique. Cette fragilisation peut conduire à des défaillances graves ou des ruptures de pièces importantes ; elle peut aussi contribuer à une aggravation imprévue d’incidents a priori mineurs. Mais le vieillissement ne touche pas seulement la structure et la machinerie des réacteurs, il touche aussi à leur conception et à leur design.

L’accident de Three Miles Island en 1979 a suscité un important travail de réévaluation visant à tirer les leçons de l’accident pour la filière PWR. On comprend donc que les réacteurs plus anciens, qui ont démarré avant 1979 ont été conçus sans prise en compte de ce retour d’expérience. Ils sont donc doublement vieux, comme Tihange 1, Doel 1 et Doel 2. Les réacteurs de Fukushima-Daïchi sont du type BWR, filière sœur des PWR, qui est née aux Etats-Unis dans les années 60. La filière BWR (à eau bouillante), lancée par General Electric, n’a pas eu le succès commercial escompté, du fait d’un phénomène gênant de fissuration des boucles de recirculation entraînant des pertes de disponibilité importantes des réacteurs. Malgré le succès de la filière au Japon, General Electric a donc révisé dans les années 80 la conception de son réacteur ; elle a développé, en coopération avec les Japonais le modèle dit « avancé » ou ABWR (advanced boiling water reactor) présentant un niveau de risque de fusion du cœur plus faible (8). Les réacteurs de Fukushima 1, 2,3 et 4 étaient donc eux aussi doublement vieux.

5. Ne pas confondre très improbable et impossible.

La spécificité de la catastrophe de Fukushima réside avant tout dans son origine externe (tremblement de terre) et dans la conjonction de deux types d’évènements (tremblement de terre et tsunami) le second étant provoqué par le premier.

En ce qui concerne les tremblements de terre, il est bien connu de longue date que le Japon est très vulnérable face au risque sismique. En 2006, les normes de sécurité anti-sismiques japonaises ont été renforcées. Le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l’Université de Kobe avait averti les autorités de ce que les mesures prises seraient insuffisantes en cas de séisme de grande ampleur. Les faits lui ont malheureusement donné raison. Le 16 juillet 2007, un tremblement de terre a entraîné un incendie et une fuite de radioactivité à la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa. Cette centrale a été mise à l’arrêt pendant plus de 2 ans.

Avant cela, un autre séisme s’était produit en août 2005, affectant la centrale d’Onagawa au Nord de Fukushima ; un autre en mars 2007, dont l’épicentre était à 16 km de Shrika.

En 2008, une secousse de magnitude 6.8 a ébranlé l’Est de Honshu, près d’Onagawa et de Fukushima.

Les avertissements se sont donc multipliés depuis 2005 justifiant la mise en garde du professeur Katsuhiko.

L’attitude de l’opérateur TEPCO et celle du gouvernement japonais et des instances de contrôle peuvent donc être qualifiées d’irresponsables. Au cours des années 70, le risque sismique n’était guère pris au sérieux en ce qui concerne l’implantation et la capacité de résistance des installations nucléaires. Ce fut le cas avec Tihange et plus particulièrement avec Tihange 1 ; les études effectuées sur le graben du Rhin indiqueraient que celui-ci se rapprocherait beaucoup plus de Tihange qu’on ne le croyait. Même si les experts consultés après le tremblement de terre du 8 novembre 1983 dans la région liégeoise sont arrivés à la conclusion que les unités de Tihange possédaient une marge suffisante pour faire face à un tel tremblement de terre, il n’y a aucune raison de croire qu’un tremblement de terre plus important ne puisse avoir lieu. En tout état de cause, la conjonction de plusieurs évènements graves doit être prise en considération pour évaluer le risque, en ce compris la possibilité d’un accident dans une usine classée à haut risque (Seveso), ce qui pourrait empêcher une gestion correcte d’un incident dans une centrale nucléaire.

Faut-il rappeler que la région anversoise où se situe Doel abrite 63 sites Seveso à haut risque et que la région liégeoise en comprend 12 dont plusieurs à proximité de Tihange.

6. Le système de refroidissement de secours de Tihange 1 est-il efficace ?

L’autorité de Sûreté Nucléaire française (ASN) a récemment averti de ce qu’en cas de fuite importante du circuit primaire, le circuit d’injection d’eau de sécurité pourrait s’avérer incapable d’empêcher la fusion du cœur dans les réacteurs de 900MW du parc nucléaire français.(9) « Le système d’injection d’eau de sécurité est le seul dispositif qui permette de retarder une fusion du cœur nucléaire lors d’une fuite importante d’eau du circuit primaire. Son rôle est d’injecter massivement de l’eau borée dans ce circuit pour étouffer la réaction nucléaire et refroidir le cœur. Or EDF découvre, alors que les premiers réacteurs 900 MW tournent depuis plus de 30 ans, qu’elle est incapable de mesurer si l’eau injectée par ce système se répartit uniformément dans les trois boucles du circuit primaire de ces réacteurs ; de l’aveu de l’ASN, cela « pourrait » ne pas permettre de refroidir suffisamment le cœur du réacteur. »

On remarquera que sont concernées 34 unités nucléaires en France, parmi lesquelles les 6 réacteurs de Gravelines, à proximité du territoire belge. Il est clair que le réacteur de Tihange 1, qui appartient à la même génération, est de la même époque et de la même conception et engage en partie le même exploitant, est susceptible de présenter la même anomalie.

Conclusions.

1. Un certain nombre de leçons sont à tirer des évènements graves qui ont affecté l’industrie nucléaire dans un passé récent, la catastrophe de Fukushima malheureusement toujours en cours n’ayant pas été à ce jour complètement élucidée.

2. Il n’est plus acceptable d’évaluer le risque nucléaire sur base de calculs de probabilité manifestement non pertinents en la matière.

3. L’accident de niveau 7 (Tchernobyl et Fukushima) est socialement, humainement et écologiquement inacceptable. Il ne peut pas avoir lieu une troisième fois.

4. Les stress tests proposés au plan européen ne peuvent avoir pour seule fonction de sécuriser l’opinion publique en condamnant l’un ou l’autre réacteur jugé inapte tout en maintenant l’option nucléaire ou en prolongeant la durée de vie des autres. Ils doivent conduire à la fermeture à bref délai des réacteurs les plus dangereux et à la définition (ou la confirmation) d’un calendrier de sortie du nucléaire accélérée.

5. Le gouvernement belge doit entamer un dialogue avec le gouvernement français à propos de la sûreté des réacteurs frontaliers dans une optique de fermeture programmée.

6.Le gouvernement belge doit impulser un processus européen de sortie du nucléaire et d’abrogation du traité Euratom.

 

Paul Lannoye, Docteur en Sciences, Député européen honoraire, Administrateur du GRAPPE

Illustration : Le Chat de Geluck

 

Paul Lannoye participera à la conférence-débat avec projection du film Into Eternity organisée par CINE-DOMO

Bruxelles, 05/12/12
CINEDOMO : Into Eternity avec comme intervenant Paul Lannoye
19h30 au pianofabriek
Rue du Fort 35
1060 Saint-Gilles
Organisé par CINEDOMO en collaboration avec pianofabriek
postmaster@cinedomo.be
www.cinedomo.be

 

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