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11 octobre 2024

Livre Témoignage sur «ma» Guerre d’Algérie



J. Tourtaux

Livre

Témoignage sur «ma» Guerre d’Algérie

Je suis un ouvrier, issu d’un milieu très pauvre.

Je sais ce que veulent dire les mots misères et souffrances, vécues par les petites gens.

Je ne possède pour tout bagage qu’un modeste Certificat d’Études Primaires.

J’interviens à partir de mon vécu très dur de la Guerre d’Algérie.

Je n’ai pas d’extraordinaires histoires de combats héroïques à relater.

Adolescent, je me suis engagé politiquement avec le PCF, c’était en 1958 avant le retour de De Gaulle à la tête du pays. Dans la foulée, en 1959, avec quelques camarades, nous avons créé un cercle de l’Union des Jeunesses Communistes de France (UJCF) dont je devins le Secrétaire. Comme tous les militants communistes de l’époque, nous dénoncions la guerre coloniale menée en Algérie, en notre nom, par De Gaulle.

Mon témoignage est un hommage à la poignée de soldats anticolonialistes qui, malgré les risques encourus, se sont battus clandestinement contre la guerre.

Notre combat avait pour but de faire prendre conscience aux autres soldats moins politisés, que cette guerre était inutile et sans issue.

Notre travail militant a fini par payer puisque lors du putsch des généraux félons, en avril 1961, les « bidasses » n’ont pas suivi les factieux et ont ainsi fait échouer la folle aventure de ces généraux et autres hauts gradés carriéristes, grassement payés pour faire tuer des pauvres « gus » sur l’autel du profit capitaliste.

Les bidasses tombés sur cette terre lointaine ne sont pas morts pour la France comme on veut le faire croire mais uniquement pour les tenants du fric. Il en est ainsi pour toutes les guerres.

Je dénonce les violences, les sévices subis en notre qualité de militants anticolonialistes, jeunes communistes pour la plupart. Ces sévices, des raclées terribles, étaient perpétrées par des gradés.

Après 40 années de militantisme au PCF, la mort dans l’âme, j’ai quitté celui-ci. Je suis toujours profondément communiste, envers et contre tout. Je n’accepte pas les graves dérives du PCF, qui ne correspondent plus à l’idéal pour lequel j’ai donné le meilleur de moi-même.

Bien que n’ayant pas l’esprit cocardier, j’ai assumé d’importantes responsabilités au sein de deux associations d’Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ACVG) mais je n’ai jamais pris la grosse tête pour autant. J’ai toujours refusé que me soit remise la croix du combattant de la Guerre d’Algérie car ce serait accepter un insigne incompatible avec mon idéal communiste.

Je disais donc qu’avec le Parti (PCF) et notre cercle de l’UJCF, nous menions à notre modeste niveau, une lutte acharnée contre la Guerre d’Algérie.

En 1960, à deux reprises, j’ai refusé de répondre aux convocations pour le conseil de révision, à Rethel, puis au chef-lieu du département, Mézières (Ardennes). Peu de temps après, les gendarmes sont venus me trouver sur mon lieu de travail. Après m’être fait traiter de forte tête, promesse me fut faite d’une incorporation directe en unités disciplinaires où j’allais me faire «mater à coups de poings dans la gueule et à coups de pieds au cul».

Le 16 septembre 1960, les gendarmes sont venus me chercher et m’ont emmené menotté et tenu en laisse comme un chien. A la vue de tous, j’ai ainsi traversé la ville pour me rendre à la gare où les gendarmes m’ont emmené faire mes trois jours à Commercy (55).

Ma lettre de refus d’aller combattre le peuple Algérien était prête. J’en ai parlé à un de mes oncles, militant cheminot à la CGT et au PCF. Celui-ci m’a vivement déconseillé ce refus. Je produis dans le livre que j’ai écrit sur cette guerre coloniale la copie de sa lettre datée du 4 août 1960, dans laquelle il me dit son désaccord. Mon oncle m’écrivait que les actions individuelles n’étaient pas payantes. Les sanctions étant trop fortes pour ce genre d’actions. Militant communiste de longue date, il pensait au contraire, qu’il fallait entrainer le plus de jeunes possibles dans l’action contre la Guerre d’Algérie. Militer contre la guerre à l’intérieur de mon unité afin d’aider à une prise de conscience des jeunes appelés qui pour la plupart n’étaient pas politisés comme l’étaient les soldats communistes.

Le dirigeant communiste Etienne Fajon disait: «Résolument opposé à la guerre injuste d’Algérie, notre parti, qui comprend le drame de conscience de chaque jeune communiste, n’a jamais considéré la désertion comme un moyen d’action susceptible de mettre un terme au conflit. Il est toujours demeuré fidèle au contraire, au principe éprouvé défini par Lénine : le soldat communiste part à toute guerre même si elle est réactionnaire, pour y poursuivre la lutte.»

Selon Jean Brugié, dans son livre «Officier et communiste dans les guerres coloniales», les consignes nationales du PCF étaient: «Les communistes se doivent d’être présents sur tous les terrains de combat de classe»… «Ils doivent être les meilleurs.»

Le 30 novembre 1960, Maurice Thorez, Secrétaire général du Parti, prononce un discours dans lequel il déclare notamment: «Non, la voie n’est pas à l’insoumission, la voie reste celle que nous a inculquée Lénine… C’est le travail de masse mené à l’armée, surtout à l’armée, pour combattre la guerre… Déserter, quitter l’armée, cela signifie laisser la masse des soldats…… aux mains des officiers parfois fascistes, aux mains des ultras…

Le devoir, c’est de travailler, c’est de faire le travail difficile, le travail pénible, le travail qui exige des sacrifices, qui coûte parfois des années de prison aux jeunes soldats … ce travail de l’ombre comporte de véritables risques.»

Durant toute la durée de mon service militaire, j’ai pu constater que peu nombreux furent les jeunes communistes qui se sont risqués à militer à l’intérieur de leur unité, en Algérie, où il y avait la guerre, ne l’oublions pas. Nous ne serions pas 300 à s’y être engagés sur l’ensemble de tous les conscrits incorporés, qui se sont succédés en Algérie du 1er novembre 1954 au 3 juillet 1962. J’ajoute et c’est tout à leur honneur, qu’il y a eu aussi des officiers de carrière communistes, qui se battirent à leur façon, sur des positions de classe mais ils furent peu nombreux lors de la Guerre coloniale menée par la France, en Algérie.

J’ai donc été incorporé direct, à Oued-Smar, en Algérie, dans une compagnie disciplinaire pour y effectuer mon CI (Centre d’Instruction).

Ce fut un CI très dur. À l’intérieur du camp, une prison interarmes qui était un bagne militaire où les soldats internés y subissaient des sévices graves tels les tabassages, certains entrainant parfois l’hospitalisation.

Les soldats détenus dans «La Villa», c’est ainsi qu’on l’appelait, étaient pour la plupart des gars du contingent. J’ajoute qu’il y avait promiscuité entre les soldats appelés internés politiques et les appelés de droit commun.

ll faut savoir qu’un gus pouvait se trouver interné pour un simple défaut de cravate. Pour ma part, j’ai été emprisonné dans ce bagne une semaine durant. J’ajoute que le «bidasse» qui y a été détenu, ne serait-ce qu’une seule journée, est marqué de manière indélébile pour la vie.

L’an dernier, un de mes lecteurs, ancien de la Section de Protection (SP), voisine de la prison-bagne, qui y a été interné une journée, m’a téléphoné. Je fus frappé des «détails» dont il se souvient, bien qu’il n’ait séjourné qu’une journée au bagne de Oued-Smar.

Nous terminions nos classes et allions être mutés dans nos unités respectives lorsque dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 avril 1961, éclata le putsch des généraux factieux.

Je voudrais rappeler que nous n’avons pas attendu après De Gaulle pour réagir.

Lorsque De Gaulle s’est exprimé le dimanche soir à la télévision, nous étions déjà en refus d’obéissance.

Le fer de lance du putsch des généraux félons était le 1er Régiment Étranger de Parachutistes de la Légion Étrangère (1er REP), celui-là même qui, alors qu’il était en fuite, le 26 avril 1961, entre Maison-Blanche et Mouzaïaville, vit ces hommes ouvrir le feu à l’arme automatique sur d’autres soldats de l’armée française.

Les soldats qui se firent allumer par ces mercenaires étaient des «gus» du contingent dont je faisais partie. Nous étions moins d’une quinzaine. Les «courageux» soldats d’élite du 1er REP étaient en fuite.

Je fus muté dans un secteur chaud de la Mitidja, près des gorges de la Chiffa, que connaissait bien le camarade Henri Alleg. Dans son ouvrage «Prisonnier de guerre», Henri Alleg écrit …, entre autres, «la traversée des gorges de la Chiffa où les attaques de l’ALN sont quotidiennes … »

Avec deux camarades communistes appelés, je militais clandestinement au sein de mon unité contre la guerre. J’ai été dénoncé et immédiatement embarqué en avion pour une destination inconnue, sous escorte armée, comme un gangster. Je fus affecté à Telergma, dans le Constantinois, comme artificier dans une soute à munitions (SMU).

Mon travail y était celui d’un forçat. L’armée m’a toujours particulièrement choyée.

À titre d’exemple, j’ai, entre autres, été contraint d’effectuer quatre patrouilles, dont une de nuit, c’était un dimanche de l’hiver 1961, sans munitions dans la MAT 49. Les chargeurs étaient vides. Je vous prie de croire qu’il faut avoir vécu de telles intenses émotions pour en connaître le réel ressenti. La peur est indescriptible.

Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que je suis rentré en métropole traumatisé, marqué à tout jamais par cette guerre coloniale que je combattais en tant que jeune communiste et dont je fais encore des cauchemars.

Sur conseils de responsables d’une des deux associations au sein de laquelle je militais, j’ai intenté un procès à l’État français pour blessure et maladies contractées lors de la Guerre d’Algérie.

En première instance, j’ai gagné un très gros procès qui aurait pu faire jurisprudence et bénéficier ainsi à des milliers de «gus» justiciables mais hélas, ma joie fut de courte durée.

Le Secrétaire d’État socialiste aux ACVG du gouvernement de la gauche caviar, a fait appel de la décision du Tribunal des Pensions d’Invalidité de guerre qui m’était très nettement favorable.

Ce ministre n’est autre que l’actuel Président du Conseil régional de Lorraine : Jean-Pierre Masseret, membre du parti socialiste. Je précise que j’ai mené cette bataille face aux juridictions et à l’État français dans un but revendicatif. Je l’ai écrit dans un courrier daté du 19 juin 1997, adressé au sieur Masseret.

Je suis dans l’impossibilité de me soigner correctement. L’appel assassin du ministre socialiste Jean-Pierre Masseret, me prive de mon droit légitime à me soigner, spolie ainsi également d’autres nombreux anciens «bidasses», qui ne peuvent accéder aux soins gratuits que leur aurait permise la pension dont nous a dépossédé ce ministre socialiste.

En 2009, j’ai publié un petit livre qui est un prolongement de «ma» Guerre d’Algérie.

Je veux montrer que la justice de classe qui a frappé et persiste toujours à l’encontre des jeunes communistes rebelles de la Guerre d’Algérie notamment, est la même que celle qui frappe les travailleurs qui défendent leurs emplois en se battant sur des positions de classe et sont traînés devant les tribunaux de cette même justice de classe, tel mon camarade et ami Xavier Mathieu.

Jacques Tourtaux

Guerre d’Algérie souvenir d’un appelé anticolonialiste, par Jacques TOURTAUX
avant-propos par Henri ALLEG

Prix 18 € + port 5,50 – pour toute commande: 03 26 40 62 15 ou 09 64 04 32 68

par courriel jacques.tourtaux@orange.fr

Blog : http://jacques.tourtaux.over-blog.com.over-blog.com/


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