Libye : Retour sur les racines d’une guerre
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Libye : Retour sur les racines d’une guerre
L’insurrection qui devait aboutir à l’assassinat de Mouammar Kadhafi et à la fin de son régime a débuté le 17 février 2011 à Benghazi en Cyrénaïque.
Pourquoi à Benghazi et non à Tripoli ? Pourquoi en Cyrénaïque et non en Tripolitaine ?
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La Cyrénaïque et la Tripolitaine, géographiquement séparées par le désert de Syrte, ont toujours été deux régions politiquement distinctes et rivales.
Cela remonte à l’Antiquité où la zone côtière de l’Est de la Libye (la Cyrénaïque d’aujourd’hui) était sous l’influence des Grecs tandis que celle de l’Ouest (la Tripolitaine) était occupée par les Phéniciens de Carthage.
La Libye est une province ottomane de 1551 à 1911. Mais, durant une partie du XIXème siècle, les deux régions dépendent d’autorités différentes.
En 1945, l’Italie doit abandonner la Libye qu’elle avait colonisée à partir de 1911. C’est alors que Idris al-Sanussi, émir de Cyrénaïque, proclame unilatéralement l’indépendance de sa région tandis que la Tripolitaine reste placée sous une administration britannique.
En 1951, quand le pays est réunifié, l’émir de Cyrénaïque se fait proclamé roi de Libye, sous le nom d’Idris 1er.
Désormais la Cyrénaïque domine politiquement et économiquement la Libye au détriment de la Tripolitaine dont le poids démographique est pourtant supérieur. Le siège du pouvoir politique passe de Tripoli à Benghazi.
En 1959, de premiers sites d’extraction pétrolière sont exploités en Cyrénaïque et Benghazi devient le siège des compagnies pétrolières.
L’autoritarisme du roi Idris entraine protestations et émeutes qui sont sévèrement réprimées, notamment celles de 1967 où le gouvernement fait appel à des forces de police encadrées par des conseillers britanniques. Les partis d’opposition sont interdits.
Le 1er septembre 1969, un groupe de jeunes officiers, conduit par Mouammar Kadhafi, renverse le roi autocrate. Tripoli redevient la capitale politique de la Libye tandis que la Tripolitaine va, peu à peu, être la première bénéficiaire de la rente pétrolière.
Défavorisée à son tour, la Cyrénaïque connaît des difficultés économiques et sociales avec une dégradation de son secteur de santé ainsi qu’un retard dans la construction de logements et d’infrastructures. Il en résulte un mécontentement chronique qui s’exprime par des émeutes violemment réprimées, comme celle de la ville de Derna en 1996.
Ce ressentiment de la Cyrénaïque à l’encontre du régime de Kadhafi explique, en grande partie, que Benghazi ait été l’épicentre du mouvement du 17 février 2011 alors que les deux autres capitales régionales – Tripoli et Sebha – n’ont pas suivi.
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« Sans l’engagement des hélicoptères de combat en Libye, les forces du Conseil national de transition (CNT) seraient peut-être encore à Ajdabiya et Brega », s’est vanté le général français Bertrand Ract Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre. [1]
Ajdabiya et Brega se trouvant en Cyrénaïque, c’est une manière d’avouer que, sans l’intervention militaire de l’OTAN, l’insurrection initiée à Benghazi avait peu de chances de s’étendre à toute la Libye.
La ville de Syrte punie par l’OTAN pour ne pas s’être ralliée à la « rébellion »
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Source : Patrick Haimzadeh, Au coeur de la Libye de Kadhafi, Edition JC Lattès, avril 2011. Patrick Haimzadeh a été en poste diplomatique à Tripoli durant plusieurs années.
[1] Commission de la défense nationale et des forces armées, 24 juillet 2012 : http://www.nosdeputes.fr/14/seance/85#inter_d2bc169e4b3b2…
Jean-Pierre Dubois