L’Invasion préplanifiée du Mali révèle l’agenda néo-colonialiste de la France
23 janvier 2013
L’Invasion préplanifiée du Mali révèle l’agenda néo-colonialiste de la France
En effet, telle est la chorégraphie soigneuse de ce développement militaire saillant que l’on pourrait dire que les français se sont finalement donné eux-mêmes le feu vert pour exécuter un plan qu’ils avaient fait mûrir depuis plusieurs mois. Ce plan n’est rien de moins que la reconquête néocoloniale de son ancienne colonie dans une région Afrique de l’Ouest d’importance stratégique.
Dans les heures suivant la sollicitation par le gouvernement malien d’un appui militaire pour contrer l’avancée des rebelles du Nord, des avions de combat français ont commencé à effectuer des frappes aériennes vendredi. Les sorties auraient, selon les médias, été menées pendant au moins trois jours consécutifs. Selon les reportages des médias, les avions de chasse français Mirage et Rafale auraient frappé dans une large bande du Sahel, depuis Gao et Kidal, dans le nord-est, près de la frontière avec l’Algérie, jusqu’à la ville occidentale de Lere, à proximité de la Mauritanie.
Les avions de combat ont été envoyés depuis la France et l’auraient été également depuis le Tchad. Le gouvernement français a affirmé qu’il avait obtenu l’autorisation par l’Algérie du survol de son territoire. Les deux pays voisins nord-africains sont aussi d’anciennes colonies françaises.
Les frappes aériennes par les avions français sur au moins six zones-cibles très dispersés dans le Mali couvrent une distance opérationnelle de près de 2 000 kilomètres d’est en ouest. Ce niveau de coordination indique plusieurs semaines de planification et dément l’apparence que le gouvernement français réagissait de façon impromptue à une demande soudaine d’aide des autorités maliennes alignées sur Paris.
En outre, au cours du week-end, quelques 500 soldats français sont arrivés dans la capitale malienne du sud de Bamako et de la ville stratégique de Mopti, qui est située près du territoire du Nord tenu par les rebelles.
L’intervention française dramatisée a toutes les caractéristiques d’un plan méticuleux qui n’attendait plus qu’un signal pour être lancé. La prise par les rebelles jeudi dernier de la ville de Konna, à 45 kilomètres de Mopti, près de la frontière nord-sud de facto, et le réveil subséquent du gouvernement malien à Bamako peuvent donc être considérés comme un simple feu vert pour la mise en œuvre du plan détaillé français.
En outre, le gouvernement français a reçu le soutien rapide d’autres pays européens et des États-Unis. La Grande-Bretagne a envoyé des avions-cargos RAF CI7 à Paris à partir d’une base dans l’est de l’Angleterre afin d’aider les français à l’acheminement des troupes, des hélicoptères, des camions et d’autres équipements lourds. Washington a dit qu’il fournira de la logistique et des communications. Les drones de surveillance américains et français sont en action depuis des mois au Mali et dans les pays limitrophes.
Le Ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est empressé de présenter les frappes aériennes du week-end comme un succès pour bloquer les « terroristes » maliens. Fabius a dit que l’engagement militaire français était une « question de semaines ». Toutefois, la vaste mobilisation de troupes et d’avions de combat ainsi que le contexte géopolitique général amènent à voir les choses autrement. Peut-être conscient de cela, Fabius a tenu à souligner que l’intervention au Mali ne se transformerait pas en « un autre Afghanistan. »
Officiellement, Paris, Londres et Washington ont jusqu’à présent fait pression en faveur d’une force d’intervention dirigée par les africains pour conduire l’action militaire de soutien au gouvernement malien en vue d’écraser la rébellion séparatiste dans la moitié Nord du pays. La région du Nord a été prise en avril dernier par les rebelles Touareg alliés avec les milices islamistes appartenant à Ansar Dine et au mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest. Les rebelles ont réussi à consolider leur contrôle sur cette région vaste et en grande partie désertique près de la principale ville de Tombouctou. Le Nord-Mali couvre une superficie égale à celle de la France et est peu peuplé avec moins de 2 millions de personnes.
Les États ouest-africains, notamment le Nigéria, le Sénégal, le Burkina Faso, le Bénin et le Niger, sont, à la demande des puissances occidentales, chargés de rassembler une force d’intervention. Le mois dernier, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé la mission militaire ouest-africaine pour consolider le fragile gouvernement basé à Bamako dans l’extrême sud du pays, à des milliers de kilomètres du haut de la région Nord.
Après le vote du Conseil de sécurité, les diplomates à l’ONU et dans les capitales ouest-africaines parlaient d’une mission africaine combinée de quelques 3 500 soldats à déployer beaucoup plus tard dans l’année, en septembre au plus tôt. Il s’agissait également du point de vue de Romano Prodi, envoyé spécial de l’ONU au Mali, qui n’a été connu que dans les jours précédant l’intervention militaire française.
L’esquive soudaine des forces africaines pointe révèle l’agenda réel des puissances occidentales et de la France en particulier. Ce que nous voyons maintenant, avec le déploiement français rapide et à grande échelle, est la vraie nature néocoloniale de cet agenda. Tous les discours précédents tenus par Paris, Londres et Washington sur l’importance de l’intervention ayant « un visage africain » peuvent être considérés comme une couverture cynique pour une action occidentale directe.
Il y a seulement trois mois le Président François Hollande a juré aux médias français qu’il y n’aurait « aucune présence française sur le terrain » au Mali. A l’évidence, les projets officiels ont changé.
La France et ses alliés occidentaux ont assidûment mis en avant la menace pour la sécurité internationale qui aurait été posée par les rebelles au Mali. Il a été beaucoup insisté sur les liens présumés entre les militants islamistes et Al Qaeda dans le Maghreb. Le Président Hollande a alerté à plusieurs reprises sur les menaces qu’un renforcement du contrôle des rebelles sur le Mali feraient peser sur la sécurité française et européenne
Un porte-parole du premier ministre britannique David Cameron a déclaré à la fin de la semaine : « les deux dirigeants [Cameron et Hollande] ont convenu que la situation au Mali constitue une menace réelle pour la sécurité internationale, compte tenue de l’activité terroriste là-bas. »
Les politiciens américains, les chefs militaires et les médias ont également pendant des mois été très éloquents sur le fait que le Mali représente une nouvelle « centrale de la terreur » mondiale et que les gouvernements occidentaux doivent agir de façon décisive pour éliminer ce danger.
Toutefois, la nature précise de cette « menace islamiste » au Mali n’est jamais ni expliquée ni démontrée. Nous sommes censés accepter la parole de Paris, Londres et Washington – les Etats voyous qui mènent des guerres illégales en Afghanistan, Irak, Libye et Syrie.
Ce que nous savons, cependant, c’est que les frontières postcoloniales du Mali vieilles d’un demi-siècle sont une institution exotique imposée aux peuples nomades de la région du Nord – et à une culture qui remonte à des milliers d’années. Leur rébellion contre une administration téléguidée, jusqu’à présent indifférente à leur sort et sélectionnée par les colonialistes à Bamako est probablement une cause juste. La France et ses alliés occidentaux sont par conséquent en train d’exacerber un différend interne au Mali avec un autre récit spécieux de « guerre contre le terrorisme » et de cette façon ces puissances se donnent à elles-mêmes mandat à s’immiscer dans ce pays.
La France étant l’ancien maître colonial et ayant derrière elle des décennies d’interventions militaires secrètes dans la région est le choix « naturel » parmi les puissances occidentales pour diriger une aventure néo-impérialiste dans cette région stratégiquement importante.
Le Mali a d’abondantes ressources naturelles en métaux et en minéraux. Il est une source majeure d’or et d’uranium, ainsi que de fer, de cuivre, d’étain et de manganèse et aussi de minéraux tels que les phosphates, le sel et l’argile.
En outre, la région de l’Afrique de l’Ouest a un potentiel extraordinaire pour l’agriculture et le pétrole. Le golfe de Guinée, le Ghana et le Nigéria sont à appelés devenir une région centrale pour la fourniture de pétrole et de gaz aux marchés mondiaux dans les années à venir.
L’intervention militaire de la France et des autres puissances occidentales au Mali – sous le couvert de « vaincre le terrorisme » – est une tête de pont pour les capitaux et les sociétés occidentales, non seulement dans un pays riche en ressources, mais aussi dans une grande partie de l’ensemble du continent africain. En 2011, le bombardement de la Libye par l’OTAN et la subversion par la France des élections en Côte d’Ivoire ont marqué un nouveau départ du néo-impérialisme occidental en Afrique. Le Mali s’avère être la poursuite de cette dynamique et être un autre lieu de la mise en scène de cette moderne ruée sur l’Afrique par les puissances occidentales.
Finian Cunningham
Information Clearing House, 16 janvier 2013.
Finian Cunningham, originaire de Belfast, en Irlande, est né en 1963. Il est un éminent expert dans les affaires internationales. Cet auteur et commentateur des médias a été expulsé de Bahreïn en juin 2011 pour son journalisme critique dans lequel il a mis en évidence les violations des droits de l’homme par le régime soutenu par l’Occident. Il est diplômé d’une maîtrise en chimie agricole et a travaillé comme rédacteur scientifique pour la Société royale de Chimie à Cambridge, en Angleterre, avant de poursuivre une carrière en journalisme.
Traduit de l’anglais par Comaguer (18.01.2013) :
http://comaguer.over-blog.com/article-l-amer-destin-de-francois-hollande-114490735.html
Texte original en anglais (16.01.2013) :
http://www.informationclearinghouse.info/article33633.htm