Les crises post-coloniales et les impératifs de la révolution africaine
Abayomi Azikiwe
Cinq décennies après la création de l’Organisation de l’unité africaine, le Pentagone et l’Otan multiplient leurs poussées belliqueuses sur le continent et une urgence s’impose : l’Union africaine doit prendre des mesures pour expulser les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, Israël et d’autres Etats impérialistes et leurs partenaires du continent.
Le 25 mai 2013, cinquante ans sont écoulés depuis la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), le précurseur de l’Union africaine créée en 2002. La conférence se tient à un moment crucial dans l’histoire de l’Afrique et de la diaspora. Bien que des progrès considérables ont été réalisés en Afrique et dans tout le monde africain depuis 1963, les impérialistes ont élaboré des mécanismes qui poursuivent et étendent l’exploitation et l’oppression subséquentes des peuples africains sur le continent et dans toute l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine.
La réunion à Addis Ababa (Ethiopie) a pour thème » le panafricanisme et la renaissance de l’Afrique », dans une tentative de ramener l’organisation continentale à ses origines politiques, issues du ferment de la lutte continentale révolutionnaire des années ’60. Sur le site Web de l’Union africaine, qui annonce le 21ème sommet de l’organisation, on peut lire : « L’année 2013 marque les célébrations du 50ème anniversaire de la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (Oua). Il se sera aussi passé un peu plus d’une décennie depuis la formation de l’Union africaine qui s’efforce de promouvoir « une Afrique intègre, prospère et paisible, conduite par ses propres citoyens et représentant une force dynamique dans l’arène globale ». Par conséquent, les chefs d’Etat ont déclaré l’année 2013, année du panafricanisme et de la renaissance africaine »
Cette même synopsis poursuit, en disant qu’ »il est attendu que l’anniversaire facilite et célèbre les récits africains du passé, du présent et du futur, enthousiasme et galvanise la population africaine pour qu’elle utilise son énergie constructive pour accélérer un programme qui promeut le panafricanisme et la renaissance au 21ème siècle. Il fournit une occasion unique et survient à un moment où l’Afrique se lève et doit donc gagner en confiance pour l’avenir. Les célébrations du 50ème anniversaire se dérouleront sur le thème de ‘panafricanisme et renaissance de l’Afrique’ »
(…) Les peuples d’Afrique éparpillés de par le monde attendent avec impatience le résultat du sommet afin d’acquérir une vision plus claire des aspects de la pensée et des actions préconisés par les chefs d’Etat et autre organes éminents de cette auguste institution. Néanmoins, notre propos aujourd’hui est de réfléchir à la signification de l’histoire de l’Afrique et des luttes de libération africaines qui ont eu lieu au cours des cinq dernières décennies. La question dominante est : d’où venons nous et où allons-nous au cours des cinq prochaines décennies du 21ème siècle ?
LA SITUATION POLITIQUE SUITE A LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE
Il a été reconnu par d’éminents historiens progressistes et révolutionnaires africains que la Traite transatlantique des esclaves et le colonialisme ont forgé le caractère des sociétés africaines dans le monde entier. Au début du 15ème siècle, l’Afrique a permis à l’Europe de sortir de l’Age des ténèbres, une société et une culture qui cherchait désespérément à progresser dans son développement au détriment d’autres peuples de la terre.
Entre le 15ème et le 19ème siècle, des millions d’Africains ont été surexploités par l’esclavage et la colonisation. Cette période de l’histoire du continent a engendré la conquête de l’hémisphère occidental par l’Europe et la construction d’un empire industriel qui a intensifié l’exploitation de la population occidentale ainsi que celle du continent africain, l’Asie et le Pacifique du Sud.
Les Africains et d’autres peuples opprimés ont bien sûr résisté avec vigueur aux attaques de l’esclavage et du colonialisme. L’histoire révèle aujourd’hui, avec davantage de détails, le rôle héroïque que les Africains ont joué dans la lutte contre l’impérialisme embryonnaire et qui s’est poursuivi jusqu’à sa dévolution dans l’actuel système néocolonialiste.
Tous les systèmes opprimants et exploitants rencontrent des résistances de l’intérieur qui entraînent l’organisation et la mobilisation de forces malmenées par les intérêts dominants de la société. Ces luttes internes, ensemble avec les défis extérieurs, aboutissent à la transformation du système en quelque chose de différent qui peut aussi bien être un progrès qu’une régression pour l’humanité.
Bien que l’impérialisme ait tenté de créer un système d’exploitation et d’oppression à l’abri des attaques internes et externes, ces efforts se sont avérés futiles. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les mouvements de libération nationale et les tendances communistes étaient bien visibles dans la lutte pour renverser le capitalisme et le colonialisme.
Des soulèvements et rébellions révolutionnaires se sont répandus dans toute l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Afrique et l’Asie, à commencer, en 1917, avec la révolution bolchevique, le premier rejet total du capitalisme et le remplacement de ce système exploitant par le socialisme fondé sur la dévolution du pouvoir aux classes ouvrières et aux opprimés.
Les années ‘20’ ont vu des soulèvements additionnels et des tentatives de construire une alliance mondiale entre les mouvements de libération nationaux et les partis socialistes. A la fin des années ‘20’ le monde capitaliste allait s’effondrer dans la pire crise économique qui a duré plus de douze ans jusqu’à l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941.
L’effondrement du capitalisme dans les années’30 entraînera aussi l’émergence et la diffusion du fascisme en Europe et au Japon. Toutefois, la lutte contre le fascisme dans les années ’30 et ’40 a amené les communistes et les mouvements nationaux de libération sur la ligne de front, lesquels ont été les facteurs décisifs dans le résultat de la guerre en 1945.
Commençant en 1945, les mouvements communistes et de libération nationaux ont accru leurs efforts visant au renversement du capitalisme et du colonialisme, menant à des victoires décisives en Corée, au Vietnam, en Europe de l’Est et finalement en Chine. En 1949, l’Inde avait déjà acquis son indépendance de l’impérialisme britannique et sur le continent africain des soulèvements populaires contre le joug colonial étaient en cours.
Dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale, on a vu émerger la domination des Etats-Unis dans l’ensemble du monde capitaliste. La Grande Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Italie avaient en effet souffert de combats intenses à l’intérieur de leurs frontières au cours des années 30’ et 40’, laissant les Etats-Unis intacts.
L’Union soviétique, qui a enduré quelques uns des plus durs combats en ‘42 et ‘43, particulièrement lors de la bataille de Stalingrad, a émergé de la Deuxième Guerre mondiale comme la deuxième puissance militaire et politique après les Etats-Unis et leur impérialisme. Le socialisme s’est répandu dans toute l’Europe de l’Est au cours de cette période et le peuple de Yougoslavie s’est principalement libéré lui-même par sa résistance au fascisme avant que d’établir un système socialiste.
En dépit de la dévastation amenée par la Deuxième Guerre mondiale et la création des Nations Unies en 1945, dont l’objectif était en partie d’éviter une nouvelle conflagration internationale, la guerre a éclaté dans la péninsule coréenne en 1950, après l’établissement de la République démocratique populaire de Corée (Rdpc) en 1948. La Rdpc et la population chinoise, conduite par Mao Tse Toung, ont combattu pour préserver la souveraineté nationale et le socialisme en Asie.
Vers 1954, le peuple vietnamien a défait l’impérialisme français contraignant les Etats-Unis à prendre l’entière responsabilité de l’occupation continue du sud de cette nation du Sud-Est asiatique. La même année le Front national de libération algérien (Fln) a entrepris sa lutte armée contre l’impérialisme français en Afrique du Nord, pays occupé par la France depuis 1830.
Dr Kwame Nkrumah, le dirigeant ghanéen de la lutte pour l’indépendance, avec le Convention People’s Party (Cpp) fondé le 12 juin 1949, principale stratège et tacticien de la révolution africaine entre la fin des années 40’ et le moment de sa mort en 1972, a souligné que le mouvement conduit par les Africains contre le colonialisme et l’impérialisme n’était pas isolé, mais bien connecté à la lutte globale pour la liberté, la justice et l’autodétermination. Nkrumah a mis la vague montante des mouvements de libération africains et la lutte pour le socialisme sur le continent dans le contexte d’un effort mondial contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression.
Nkrumah a écrit : « Nombre de facteurs extérieurs affectent la situation africaine et si notre lutte pour la libération doit être placée dans la perspective correcte et si nous connaissons l’ennemi, l’impact de ces facteurs doit être entièrement compris. Il y a d’abord l’impérialisme car c’est surtout contre la pauvreté et l’exploitation que nos peuples se révoltent » (Handbook of revolutionnary warfare, p1. 1968)
Le dirigeant panafricaniste révolutionnaire poursuit en soulignant qu’«il est par conséquent d’importance capitale de comprendre clairement la stratégie de l’impérialisme, les moyens utilisés par l’ennemi pour s’assurer de l’exploitation économique continue de nos territoires et la nature des tentatives faites pour détruire les mouvements de libération. Une fois les composantes de la stratégie de l’ennemi dévoilées, nous serons en position pour formuler la stratégie correcte pour notre propre lutte ,selon les termes de notre situation actuelle et en accord avec nos objectifs » (Nkrumah, p. 2)
Se référant spécifiquement à la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, Nkrumah remarque qu’ »après la guerre, de sérieuses tensions économiques, sociales et politiques se sont manifestées dans les deux sphères », c’est-à-dire aussi bien dans les territoires colonisés et les Etats capitalistes industrialisés en Europe et en Amérique du Nord. Il note qu’ »à l’intérieur des Etats capitalistes impérialistes, des syndicats sont devenus relativement forts et expérimentés et les revendications de la classe ouvrière pour une part plus substantielle de la richesse produite par l’économie capitaliste ne pouvaient être ignorées plus longtemps. La nécessité de concéder est devenu plus impérieuse depuis que le système capitaliste européen a été sérieusement secoué par le presque holocauste qui a marqué l’expérience des guerres coloniales ».
Au cours de la même période, poursuit-il, « pendant que le système capitaliste de l’exploitation commence à maîtriser ses crises internes, les aires colonisées du monde sont agitées par l’émergence de puissants mouvements de libération. Là, de nouveau, les exigences ne pouvaient plus être mises de côté ou ignorées lorsqu’elles étaient canalisées par des mouvements de masse irrésistibles, comme le Rassemblement démocratique africain (Rda), le Parti démocratique de Guinée (Pdg) et la Convention Peoples’ Party (Cpp) au Ghana. Dans certaines régions, par exemple au Vietnam, au Kenya et en Algérie, des confrontations directes ont démontré que les populations opprimées étaient prêtes pour mettre en œuvre leurs revendications par le feu et le sang ».
Nkrumah souligne qu’ »autant dans les territoires coloniaux qu’en métropole, la lutte a été engagée contre le même ennemi : le capital financier international, sous sa forme interne et externe d’exploitation, l’impérialisme et le capitalisme. Menacé par ces attaques sur deux fronts par le mouvement de la classe ouvrière et le mouvement de libération, le capitalisme a entrepris une série de réforme afin de se munir d’une armure qui protège le cœur du système ».
Aux Etats-Unis, au cours des années ‘40 et jusque dans les années ‘70, une division délibérée a été institutionnalisé entre les classes ouvrières blanches et la classe moyenne et la population afro-américaine dont la plupart appartenait à la classe ouvrière, avec un nombre décroissant de fermiers et de prolétaires agricoles dans les zones rurales. L’avènement du mouvement pour les droits civiques au milieu des années ‘50 a servi à dévoiler le plan du McCarthyisme et a entraîné une plus large section des opprimés dans la lutte contre le racisme et la discrimination nationale.
En 1960, le secteur estudiantin de la population afro-américaine a pris la tête de la force la plus militante dans la lutte contre la ségrégation légalisée. Ces efforts de la jeunesse menée par le Student non violent coordination committee (Sncc) et par d’autres, ont réveillé une génération de jeunes gens des communautés autochtones, asiatiques et latino, ensemble avec leurs homologues de la communauté blanche. Une culture de la résistance et une lutte longue et programmée sont nées, qui avaient la capacité de défier l’impérialisme armé des Etats-Unis dans le Sud Est asiatique et dans d’autres parties du monde.
Un mouvement s’est développé, au cours de cette période, contre le statu quo, qu’on n’avait pas vu depuis la Grande dépression de 1929 à 1941. Le rôle de la Gauche dans l’élaboration de la résistance à l’exploitation capitaliste et le racisme a créé les conditions pour une grève générale en 1934 et la formation subséquente du Committee on Industrial Organisations (Cig) et la United Autoworkers Union (Uaw).
La période de lutte entre la Grande Dépression, interrompue par la force au cours de l’ère de McCarthy à la fin des années ‘40 et le début des années ’50, et le mouvement de masse embryonnaire de la fin des années 1950 menant au début des années70’, a ouvert de nouvelles avenues à la lutte qui menaçait la classe dirigeante et son système d’exploitation. En réaction, le système s’est embarqué dans une restructuration majeure qui visait à préserver et à améliorer le système capitaliste mondial.
De cette période Nkrumah a écrit que « pour éviter l’effondrement interne du système sous la pression des mouvements de protestation des travailleurs, les gouvernements ont fait à leurs travailleurs certaines concessions qui ne mettaient pas en danger la nature fondamentale du système capitaliste d’exploitation. Ils leur ont donné la sécurité sociale, des salaires plus élevés, des meilleures conditions de travail, de la formation professionnelle et d’autres améliorations » (Nkrumah p. 4)
Nkrumah souligne que « ces réformes ont contribué à brouiller les contradictions fondamentales et à corriger quelques unes des injustices les plus criantes tout en garantissant la continuation de l’exploitation des travailleurs. Le mythe fût établi d’une société capitaliste qui promettait l’abondance et une vie meilleure pour tous. L’objectif fondamental, toutefois, était l’établissement d’un Etat social’ comme unique sauvegarde contre la menace du communisme et du fascisme ».
Néanmoins l’objectif était de maintenir un profit toujours croissant pour les banques et d’autres corporations multinationales. Même avec l’établissement dudit ‘Etat social » en Europe occidentale et en Amérique du Nord, dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale et jusque dans les années ‘70, le système d’exploitation et d’oppression est demeuré intact.
Le système capitaliste et impérialiste mondial a étendu ses réformes non seulement dans les Etats industrialisés mais aussi au sein des nations opprimées à ses frontières. Le système a commencé à dépendre à un degré plus élevé de l’extraction des ressources stratégiques d’Afrique, d’Asie et de l’Amérique latine ainsi que de l’exploitation des forces de travail de ces régions géopolitiques.
Evaluant ces stratégies de l’impérialisme, Nkrumah a dit que « la nécessité urgente de telles réformes a été rendue évidente par l’énorme croissance et expansion des forces de libération en Afrique, en Asie et en Amérique latine où des mouvements révolutionnaires ont non seulement pris le pouvoir, mais consolidé leurs gains. Les développements en Urss, en Chine, à Cuba, au Vietnam du nord, en Corée du nord et en Egypte, au Ghana, en Guinée, au Mali, en Algérie et dans d’autres parties de l’Afrique, démontraient que non seulement les équilibres mondiaux étaient entrain de changer, mais aussi que le système capitaliste/impérialiste était confronté à de réels dangers d’encerclement ». (p5)
QUELQUES EXEMPLES CONCRETS DE LA REVOLUTION NATIONALE DE LIBERATION
L’Etat impérialiste a fait usage de ses ressources extensives et des réseaux financiers globaux et d’intrigues politiques pour miner les Etats africains indépendants, comme ce fut avec le Mouvement pour les Droits civils, le Black Power, Anti-War, Women and Left movements à l’intérieur des Etats-Unis et en Europe occidentale. Dans cette section, nous voulons brièvement passer en revue certains de ces développements qui ont eu lieu entre les années 1950 et 1990 en Afrique et dans toute la diaspora. Ces évènements ne peuvent être dissociés des tendances au sein du système capitaliste. L’Afrique est toujours intégrée dans les réseaux du capital financier, rendant le continent dépendant de l’extraction minérale et des crédits des institutions financières occidentales pour survivre.
GHANA : LA SOURCE DU PANAFRICANISME
Kwame Nkrumah a étudié aux Etats-Unis entre 1935 et 1945, avant de se rendre en Grande Bretagne pour travailler avec Georges Padmore pour l’organisation du 5ème Congrès panafricain en octobre 1945. Le résultat de ce congrès, présidé par le Dr W. E. B. Du Bois a été une mobilisation massive des travailleurs, des paysans et des jeunes d’Afrique pour le mouvement national d’indépendance.
La Côte d’Or a établi en 1951 un gouvernement de transition après que Nkrumah ait été libéré de prison, afin de promouvoir l’indépendance nationale accordée en 1957. Nkrumah accordait énormément d’importance aux dépenses de l’Etat consacrées à l’instruction, aux services sociaux, aux services de santé, aux projets économiques d’industrialisation et au soutien inconditionnel aux mouvements de libération dans d’autres parties de l’Afrique et de la diaspora, ainsi qu’à la réalisation de l’objectif déclaré de construire le socialisme au Ghana et dans toute l’Afrique.
La première conférence des Etats africains indépendants s’est tenue à Accra en avril 1958, rassemblant les peuples du nord et du sud du Sahara. En décembre de cette même année, la première conférence de tous les peuples africains s’est déroulée à Accra, apportant les délibérations panafricaines révolutionnaires sur le continent lui-même.
En 1960, le Ghana était devenu une République et Nkrumah et le Ccp se sont engagés à construire un Etat socialiste et promouvoir la création des Etats-Unis d’Afrique, ce qui constituait le pivot de la politique étrangère du gouvernement.. Ces actions ont rencontré une féroce opposition de la part des impérialistes, à la tête desquels il y avait les Etats-Unis, en complicité avec des forces réactionnaires internes qui ont réussi à renverser Nkrumah le 24 février , grâce à un coup d’Etat militaire appuyé par la police.
Nkrumah a trouvé refuge en Guinée où il avait établi, en 1958, une alliance avec le Parti démocratique de Guinée (Pdg) au moment de l’indépendance, à l’époque du président Ahmed Sekou Touré. Nkrumah a été nommé co-président du pays et a continué à écrire et à organiser dans le but de réaliser le panafricanisme et le socialisme scientifique en Afrique.
La Guinée poursuivait des politiques similaires à celles du Ghana, par le contrôle de l’Etat et une politique étrangère anti-impérialiste. A l’instar du Ghana sous Nkrumah, la Guinée sous Sekou Touré a donné un soutien maximum aux mouvements nationaux de libération et aux Etats progressistes du continent. Ce pays a joué un rôle essentiel dans la libération de la Guinée-Bissau voisine, qui a mené une lutte armée contre le colonialisme portugais et l’Otan au cours de la période 1961-1971.
Après le coup d’Etat, Nkrumah a mis davantage l’accent sur la lutte des classes qui avait cours dans toute l’Afrique après 1966.
L’ALGERIE ET LA PHASE ARMEE DE LA REVOLUTION AFRICAINE
Le Fln a triomphé dans un combat nationaliste pour gagner l’indépendance. Ce qui est souvent ignoré est le soutien donné à Ben Bella et aux révolutionnaires algériens par la All African People’s Conference et particulièrement par le gouvernement du Mali sous l’administration du président Modibo Keita.
L’ouverture en Algérie, après 1960, d’un front au sud, a assuré le succès des révolutionnaires. Dr Franz Fanon, un Africain né à la Martinique, dans les Caraïbes, a joué un rôle crucial dans la politique étrangère du Fln durant des années ‘50 à 1961, lorsqu’il est décédé des suites d’un cancer.
L’Algérie a fourni les premiers entraînements aux dirigeants de la branche armée de l’African National Congress (Anc) connue sous le nom de Um Khonto we Siswe (la lance de la nation), dont le co-fondateur était Nelson Mandela. En fait, lorsque Mandela a été arrêté en 1962, c’était avec l’accusation d’avoir voulu quitter le pays dans le but de recevoir une formation militaire en Algérie.
L’Algérie est riche en gaz naturel et en pétrole, en plus d’être stratégiquement situés en Afrique du Nord. La division au sein du Fln en 1965, menant au coup d’Etat contre Ben Bella, bien que tragique, n’a pas conduit à un affaiblissement de l’engagement du pays en faveur de la révolution africaine. L’Algérie a joué un rôle essentiel dans l’arrestation et la liquidation au Congo de l’agent néocolonialiste, Moïse Tchombé, soutenu par la Cia. Tchombé, capturé en 1967, est décédé en prison deux ans plus tard.
En 1969, l’Algérie a accueilli le Festival culturel panafricain, qui a redonné vie à la lutte internationale des peuples noirs après le coup d’Etat contre Nkrumah survenu trois ans auparavant. Cette même année, l’Algérie accordait l’asile politique à la Black Panther Party, alors vicieusement attaquée par le gouvernement américain par le biais de son programme de contre espionnage. Le Black Panther Party a établi une section internationale à Alger et y est resté jusqu’en 1972. L’Algérie a continué à soutenir les mouvements nationaux de libération dans les régions encore colonisées du continent.
LA CRISE DU CONGO ET LA CONSOLIDATION DU NEOCOLONIALISME EN AFRIQUE
Patrice Lumumba, le premier Premier ministre élu de l’ancienne colonie du Congo belge, a fait ses débuts internationaux à la All African People’s Conference à Accra, qui s’est tenue en décembre 1958. Lumumba gagnera le soutien de la majorité de la population à l’intérieur du Congo pour ses efforts en vue d’établir le panafricanisme révolutionnaire et les Etats-Unis d’Afrique.
Les impérialistes ont considéré les développements au Congo dans les années ’58-60 comme une menace contre leurs desseins néocoloniaux pour la période post indépendance en Afrique. Lumumba a bientôt été déposé, kidnappé, torturé et exécuté sous l’égide de la Cia et autres Etats occidentaux. Pendant plus de trois décennies, le Congo est demeuré dans l’orbite de l’impérialisme, faisant office de vaste réservoir pour l’exploitation de ses ressources naturelles par les multinationales extractives et le capital financier international. Sous l’administration de Mobutu, le Congo a aussi servi de base arrière pour l’impérialisme et ses efforts visant à étouffer et à vaincre les authentiques mouvements de libération combattant pour une libération totale de l’Afrique australe. Celle-ci ne sera réalisée qu’en 1994, lorsque Nelson Mandela a été élu et que l’Anc est parvenue au pouvoir en Afrique du Sud.
Aujourd’hui, la République démocratique du Congo (Rdc) reste un bastion des intrigues occidentales et de l’exploitation prédatrice. Des secteurs entiers de cet immense pays ne sont toujours pas contrôlés par le gouvernement central de Kinshasa.
Depuis 1996, on estime que 6 millions de personnes ont péri au Congo du fait de la guerre civile largement due à l’intervention impérialiste. Ce schéma de tueries de masse tire son origine de la colonisation belge sous le roi Léopold II. Quelque 8-10 millions de personnes ont été en effet tuées entre 1879 et 1908.
LE COMPROMIS DE L’OUA EN 1963
Les efforts des Etats impérialistes visant à saboter la révolution africaine ont conduit au développement de deux blocs principaux sur le continent qui ont fait suite à la crise du Congo de 1960/1961. Le groupe de Casablanca était composé d’Etats anti-impérialistes, engagés dans le panafricanisme et le groupe de Monrovia, qui comprenait les forces modérées et conservatives, est resté lié aux anciennes puissances coloniales et maintenant au gouvernement dominant des Etats-Unis.
Nkrumah a décrit cette nouvelle situation en Afrique comme étant « de l’impérialisme collectif ». « Les modifications introduites par l’impérialisme dans sa stratégie ont été exprimées par la disparition des anciennes colonies démodées qui devaient une allégeance exclusive à une seule métropole. L’impérialisme « national » a été remplacé par l’impérialisme « collectif » dans lequel les Etats-Unis occupent la place de choix », écrit-il. (Handbook, p.5)
Il souligne ensuite que « la militarisation de l’économie américaine, basée sur le prétexte de la menace croissante représentée par l’Urss, et plus tard par la République populaire de Chine, comme puissances socialistes, ont permis aux Etats-Unis de retarder ses crises internes, d’abord pendant la « guerre chaude » (39-45) puis durant la Guerre froide (depuis 1945). » (p6)
Nkrumah dit que « la militarisation a deux objectifs principaux. Elle a absorbée et continue d’absorber les excès d’énergie non organisée dans une intense poussée d’armements qui soutient les agressions impérialistes et de nombreux blocs et alliances formés par les puissances impérialistes au cours des 20 dernières années. Elle a aussi rendu possible une politique expansive de corruption paternaliste des peuples pauvres et opprimés du monde ». (p.7)
La création de l’Oua a rassemblé la majorité des Etats modérés et conservateurs avec le plus petit nombre des gouvernements anti-impérialistes menés par l’Egypte, le Ghana, le Mali, la Guinée, la Tanzanie et l’Algérie. Un tel compromis limitera les possibilités de l’organisation continentale de prendre une position ferme contre l’impérialisme et le néocolonialisme, ennemi principal de la révolution africaine.
En dépit de ces limitations, Nkrumah a continué a à appeler pour la formation des Etats-Unis d’Afrique. En 1963, lors du sommet fondateur de l’Oua, il a distribué son nouveau livre intitulé « Africa must unite », dans un effort pour mener une guerre idéologique contre l’impérialisme et ses agents opérant dans divers Etats du continent. Dans un chapitre intitulé « Towards African unity » (vers une unité africaine) il déclare qu’ »il y a ceux qui déclarent que l’Afrique ne peut pas s’unir parce qu’il nous manque les trois ingrédients nécessaires pour y parvenir : une race, une culture et une langue commune. Il est vrai que pendant des siècles nous avons été divisés. Les frontières territoriales qui nous divisent ont été établies il y a longtemps, souvent de façon arbitraire, par les puissances coloniales ». (Nkrumah, Africa must unite, p. 132)
Nkrumah poursuit en soulignant que « tout ceci est inévitable en raison de notre contexte historique. Pourtant en dépit de cela, je suis persuadé que les forces en faveur de l’unité sont considérablement supérieures à celles qui nous divisent Lorsque je rencontre des Africains de toutes les parties du continent, je suis toujours impressionné par tout ce que nous avons en commun. Ce n’est pas seulement notre passé colonial ou le fait que nous avons des objectifs communs, c’est quelque chose de plus profond. La meilleure de façon de décrire cela c’est le sentiment d’unité que procure le fait que nous sommes des Africains ».
Dans ce livre, l’accent est fortement mis sur les succès de l’Urss et de la Chine en ce qui concerne le développement économique. Nkrumah attribue ces progrès dans les Etats socialistes à l’unité nationale, à la planification étatique et au pouvoir dévolu aux classes ouvrières et à la paysannerie
Il remarque justement que le développement de l’Europe occidentale et des Etats-Unis est fondé sur des siècles d’esclavage et de colonisation de l’Afrique et d’autres régions du monde. Le fait est que l’Afrique doit se développer rapidement, sur des bases égalitaires enracinées dans la planification collective. Un chapitre est dédié à l’engagement pour la construction socialiste du Ghana.
En 1964 et 1965, Nkrumah appelait à la fondation des Etats-Unis d’Afrique lors des sommets de l’Oua qui se sont tenus respectivement en Egypte et à Accra. Le même thème a par la suite été repris par Mouammar Kadhafi de Libye dans la déclaration de Syrte en 1999 et lors de l’ouverture du sommet de l’Union africaine en 2002.
LE COMITE DE LIBERATION DE L’OUA : UN SUCCES PARMI LES DEFIS
Peut-être que le plus grand succès de l’histoire de l’Oua, entre 1963 et 1990, a été le Comité de libération qui a coordonné l’assistance continentale et internationale aux mouvements de libération nationaux. Le processus de décolonisation atteindra un tournant en 1975/76, avec la tentative de sabotage de l’indépendance nationale de l’Angola par l’impérialisme.
La division entre les trois groupes de libération qui opéraient dans le pays a fourni une ouverture à l’alliance des Etats-Unis avec le régime raciste d’Afrique du Sud et de Namibie pour intervenir, en coordination avec la Cia, en vue d’imposer un leadership réactionnaire à l’Etat. L’appel de Dr Agostinho Neto, le dirigeant du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (Mpla), au gouvernement cubain de Fidel Castro, a conduit au déploiement de 55 000 soldats cubains internationalistes.
Ces forces, en coopération avec les Etats anti-impérialistes africains, comme la Guinée, ont amené la première défaite militaire de la South African Defence Force (Sadf), au début de 1976. Les internationalistes cubains sont restés en Angola jusqu’en 1989, lorsque un accord exhaustif pour le retrait du pays des troupes sud-africaines a été conclu, qui incluait la libération de la Namibie, la libération des prisonniers politiques en Afrique du Sud et le début des négociations pour mettre un terme au régime de l’Apartheid.
Auparavant, au Zimbabwe, les forces révolutionnaires du Zimbabwe African Union Patriotic Front et le Zimbabwe African People’s Union Patriotic Front ont mené, en avril 1980, à l’indépendance nationale du pays anciennement connu sous le nom de Rhodésie. Le Zimbabwe, l’Angola, le Mozambique, la Tanzanie et le Lesotho ont tous servi de base arrière aux militaires de l’ANC et les forces politiques qui combattaient pour la libération de l’Afrique du Sud.
LES PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL : LA FACE ECONOMIQUE DU NEOCOLONIALISME
Après la chute du gouvernement de Cpp au Ghana, en 1966, le pays a renoncé à sa position progressiste en ce qui concerne la construction du socialisme et du panafricanisme sur le continent. Le Fond monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale ont pratiquement pris en charge la gestion de l’Etat, abandonnant les entreprises étatiques pour mettre l’accent sur l’industrialisation. Ainsi qu’une politique étrangère progressiste.
Dans les années’80, la méthode qui consiste à restructurer les Etats africains indépendants à commencer à se répandre sur tout le continent. Au Ghana, le Programme de redressement économique (Pre) été instauré en 1983 sous l’administration du Lieutenant Jerry Rawlings qui avait accédé au pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire le 31 janvier 1981. Le Pre est par la suite devenu Programme d’ajustement structurel (Pas) et ces méthodes étaient gérées par le Fmi et la Banque mondiale dans divers Etats africains. En Ouganda, après la venue au pouvoir du chef du National Resistance Army, Yoweri Museweni, le pays a pris la même direction que le Ghana.
Le Ghana et l’Ouganda ont été à l’avant-garde des pays panafricains qui tentaient de faire progresser l’unité continentale et le socialisme dans les années 1960. Le Ghana, à l’époque de Nkrumah, était un proche allié de l’Ouganda du président Milton Obote, renversé par le général Idi Amin dans un coup d’Etat soutenu par l’Occident en 1971.
Aujourd’hui, de nombreux rapports suggèrent que l’Afrique connaît une ère de renaissance. Néanmoins, il y a toujours une grande dépendance monétaire vis-à-vis de l’étranger, résultant de l’exportation, mais le chômage et la pauvreté restent élevés bien qu’ils aient connu une réduction dans différents Etats.
Au cours du « Printemps arabe » de la fin de l’année 2010 et du début 2011, la cause qui a provoqué le soulèvement en Tunisie, en Egypte, au Maroc et en Algérie est à chercher dans l’échec de ces gouvernements de fournir de l’emploi aux jeunes et aux travailleurs en général. Les gouvernements de Tunisie et d’Egypte ont été contraints de démissionner, respectivement en janvier et février 2011, pendant que l’Algérie a réussi à gérer les manifestations qui semblaient liées à l’indépendance durable du pays de l’Occident.
En Libye, bien que les impérialistes et la presse dominante aient tenté de lier la rébellion soutenue par l’Occident, qui a fait irruption en février 2011, aux développements en Tunisie et en Egypte, la nature de ces manifestations s’est rapidement révélée autre. Lorsque la rébellion a pris les armes contre la Jamahiriya, la révolte a été écrasée par le gouvernement de Kadhafi. Utilisant la défense militaire et politique efficaces de la Jamahiriya comme prétexte, les Etats impérialistes se sont rapidement rendus auprès du Conseil de sécurité pour qu’il passe deux résolutions. La première, la résolution 1970, a mis le gouvernement de Kadhafi sous embargo lui refusant la livraison d’armes mais n’a pas exclu les rebelles formés par la Cia et les transfuges. Ensuite, la résolution 1973 a imposé l’exclusion aérienne sur la Libye, une formule pour ouvrir la voie à des bombardements massifs par les forces américaine et de l’Otan, et qui ont duré sept mois entiers. En plus de l’embargo sur les armes et les bombardements massifs de la Libye, les capitaux du pays placés à l’étranger ont été gelés et la Cia a été envoyée dans le pays pour identifier les objectifs à bombarder.
Kadhafi et sa famille ont été victimes de plusieurs tentatives d’assassinat au cours de la guerre. Des membres de sa famille ont été tués dans des attaques aériennes et finalement son convoi a été atteint lors d’une attaque aérienne le 20 octobre 2011. Il a par la suite été capturé, brutalement battu, torturé, et pour finir fusillé par une soi-disant milice soutenue par le Pentagone, la Cia et l’Otan.
Depuis la destitution de Kadhafi, l’Etat nord africain riche en pétrole a sombré dans le chaos. Quatre agents de la Cia, se présentant comme des diplomates de Washington ont été tués à Benghazi le 11 septembre. Le New York Times a relaté la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens et de trois autres Américains et a estimé que c’était le coup le plus dur subi par la Cia en trois décennies.
AFRICOM/OTAN ET LA MILITARISATION DE L’AFRIQUE
Le US Africa Command (Africom) a été créé officiellement début 2008, avec un quartier général à Stuttgart, en Allemagne. Les tentatives pour placer ces quartiers généraux en Afrique ont rencontré une résistance substantielle de la part des Etats et de l’Union africaine. Toutefois les Etats-Unis ont une base dans la Corne de l’Afrique, à Djibouti.
En plus de cette base, il y a des stations de drones, des centres de la Cia et d’autres opérations conjointes avec différents Etats africains, comme en Somalie, en Ethiopie, aux Seychelles, au Sud Soudan, en Ouganda, en République centrafricaine, en Egypte, au Congo au Ghana et dans d’autres Etats. En décembre 2012, Obama annonçait que son administration envoyait 3500 forces spéciales et instructeurs militaires dans 35 pays africains pour prêter assistance dans la lutte contre le « terrorisme ».
Pourtant, les effroyables crimes de guerre commis par les Etats-Unis sous l’administration Obama ne suscitent pas de vagues au Congrès américain, pas même parmi les Noirs du Congrès. En Libye, quelque 2 millions personnes ont été déplacées et entre 50 et 100 000 ont été tuées par les Etats-Unis et l’Otan dans une guerre d’agression et de changement de régime.
A l’ère post Kadhafi, des milliers d’Africains demeurent dans des prisons contrôlées par des milices qui ont la bride au cou, du fait du General National Congress (Gnc) soutenu par les Etats- Unis et l’OTAN. Une délégation du Tpi qui visitait la Libye en 2012 pour investiguer les conditions de détention de Saïf el Islam, le fils aîné de Kadhafi et successeur attitré, a été détenue par la milice Zintan qui détient aussi Saïf el Islam
Le Tpi, communément aussi appelé « La Cour pénale africaine » en raison de sa seule préoccupation pour les hommes d’Etat et chefs rebelles africains, a inculpé Kadhafi et son gouvernement pendant la guerre impérialiste contre la Libye de 2011. Ces dirigeants ont été inculpés sur la base d’accusations frauduleuses liées à l’effort de défendre le pays contre les rebelles soutenus par l’Occident et qui ont terrorisé le pays pendant des mois. Mais eux ont échappé aux examens du TPI basé à la Hayes.
Les Nations Unies et d’autres organes internationaux sont restés muets sur les crimes contre l’humanité perpétrés par les contre-révolutionnaires. Ceci est également vrai pour les développements en Somalie, où la Cia et le Pentagone ont mené des attaques de drones et des attaques aériennes qui ont assassiné des milliers de personnes.
Les Africains ont continué de résister aux attaques d’Africom et de ses substituts sur le continent. Il a été rapporté, en mai 2013, qu’au moins 3000 soldats de l’Amsom ont été tués en Somalie lors d’une tentative pour écraser Al Shebab qui résistait aux forces soutenues par les impérialistes et qui s’ingéraient dans les affaires de cet Etat de la Corne de l’Afrique. Les guerres de Somalie et de Libye ont débordé sur le Mali, le Kenya et le Niger voisin. Le Kenya a entre 2000 et 3000 soldats qui occupent la partie australe de la Somalie sous l’égide des Etats-Unis
L’intervention militaire par le Pentagone, la Cia et l’Otan connaîtra une escalade à court terme en raison du rôle stratégique croissant de l’Afrique dans le système capitaliste mondial. Dans toute l’Afrique de l’Est et du Centre, d’importants gisements de pétrole, de gaz naturel et autres ressources stratégiques ont été découverts. A l’heure qu’il est, au moins le 25% du pétrole importé aux Etats-Unis provient d’Afrique, ce qui maintenant excède la quantité importée de la péninsule arabique.
LE CHEMIN EN AVANT POUR L’AFRIQUE ET LA DIASPORA
Afin que l’Afrique puisse progresser et sa population se développer, il doit y avoir une rupture décisive d’avec le système impérialiste capitaliste financier. Avec la crise du capitalisme qui va s’aggravant, le système économique ne fournit aucune véritable solution aux problèmes de l’Afrique, pas plus que pour sa propre population en Europe ou en Amérique du Nord.
L’Europe demeure dans une profonde récession avec un taux de chômage astronomique dans les pays du sud, qui dépasse les 25%. Même en France, en Grande Bretagne et en Allemagne, la crise économique a épuisé les réserves nationales, obligeant des banques centrales dàsauver les institutions financières afin d’éviter l’effondrement total. Aux Etats-Unis le taux de pauvreté et de chômage, en terme réel, est stupéfiant. Près de la moitié de la population estime qu’elle vit dans la pauvreté ou presque.
La crise économique est devenue politique parce que ni la Maison Blanche, ni le Congrès, ni Downing Street, ni Bruxelles ou Paris n’ont proposé d’alternatives pour extraire le système capitaliste du malaise économique qui affecte des millions de travailleurs, de paysans et de jeunes. Les seules propositions qui émanent des centres de pouvoir et de leurs substituts dans les gouvernements sont le recours à plus d’austérité et à des mécanismes qui limitent toute ressemblance à un débat démocratique, discussion ou action collective.
Notre tâche est en relation avec l’instruction, la mobilisation et l’organisation des masses de la population afin de travailler pour des solutions à ces défis. La crise en Afrique et dans la diaspora n’est pas isolée de la lutte plus générale des peuples du monde. En Afrique, il y a eu un énorme mouvement vers des alliances avec d’autres Etats du continent et avec le Sud global. Le Forum China-Africa Cooperation a tenu cinq sommets résultant dans l’accroissement de la coopération aussi bien économique que politique entre les deux régions. L’Afrique est maintenant le principal partenaire commercial de la Chine.
Au Zimbabwe, le gouvernement de la Zanu-Pf a pris, en 2000, des mesures décisives en confisquant la terre pour laquelle le peuple a combattu pendant de longues années durant la lutte révolutionnaire armée. Le gouvernement du président Mugabe a été vilipendé par l’Occident et ses alliés bien qu’aujourd’hui la recherche a montré que la confiscation de la terre a augmenté la productivité et le revenu des travailleurs agricoles africains et des paysans.
Cette expérience au Zimbabwe est prise en considération par d’autres Etats africains dans les régions de l’Afrique australe et ailleurs. En Afrique du Sud et en Namibie, la masse des travailleurs, des jeunes et des paysans espère la réalisation pleine et entière des objectifs des révolutions démocratiques nationales.
L’Afrique du Sud a la classe ouvrière la plus importante et la plus organisée du continent. Les troubles dans l’industrie minière et le secteur agricole poussent le pays vers une nationalisation et la confiscation de la terre et des moyens de production.
L’Union africaine doit prendre des mesures pour expulser les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, Israël et d’autres Etats impérialistes et leurs partenaires du continent. Les problèmes africains qui perdurent remontent à la domination du système impérialiste sur tout le continent.
En ce qui concerne la lutte de la diaspora africaine en Amérique du Nord et en Europe, lutte contre le racisme et l’oppression nationale, elle a une signification cruciale. Les forces de la diaspora africaine, motivées par les idéaux du panafricanisme a joué et peut continuer de jouer un rôle décisif dans la consolidation générale des mouvements d’indépendance africaine et le progrès vers le panafricanisme et la renaissance africaine.
Dans son livre « Africa must unite », Nkrumah a écrit que « l’expression « panafricanisme » n’était pas entré en vigueur avant le début du 20ème siècle lorsque Henry Sylvester Williams de Trinidad et William Edward Burghardt du Bois des Etats-Unis d’Amérique, tous deux d’ascendance africaine, l’ont utilisée lors de plusieurs congrès panafricains auxquels participaient principalement des intellectuels d’ascendance africaine. Une contribution notoire au nationalisme africain et au panafricanisme a été le mouvement « Back to Africa » de Marcus Garvey » (pp 133)
Depuis 1963, les Afro-américains et les Africains des Caraïbes ont joué un rôle central dans la lutte pour populariser le concept de libération africaine. Durant les années’80 et au début des années ‘90, la lutte de solidarité d’Afrique du Sud, influencée par les Afro-américains, a permis la première action législative et administrative contre le régime de l’Apartheid.
Avec la venue de l’administration d’Obama, la nécessité de mettre l’accent sur l’élément de classe dans la lutte panafricaine est essentielle. L’Afrique n’est pas l’arrière-cour de l’impérialisme américain et doit avoir l’occasion d’exercer sa souveraineté et son indépendance pleine et entière.
Aux Etats-Unis, les villes dans lesquels résident les Afro-américains sont aux prises avec d’énormes crises économiques qui éviscèrent le pouvoir politique gagné par la lutte populaire au cours de la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Des alliances de principes avec des Etats africains progressistes et l’organisation des masses seront les avenues de la lutte pour éradiquer le sous-développement et le néocolonialisme du continent et parmi les nations opprimées, captives de l’Occident.
Par conséquent, comme le soulignait Nkrumah dans son Handbook of Revolutionary Warfare « L’unité africaine implique que l’impérialisme et l’oppression étrangère doivent être éradiquées dans toutes leurs formes. Que le néocolonialisme doit être identifié et éliminé et la nouvelle nation africaine doit se développer dans le cadre continental ». (p.27)
Nkrumah poursuit en disant qu’ »au cœur du concept d’unité africaine il y a le socialisme et la définition socialiste de la nouvelle société africaine. Socialisme et l’unité africaine sont organiquement complémentaires. Il n’y a qu’un seul véritable socialisme qui est le socialisme scientifique, dont les principes sont contraignants et universels ». (p.29)
A défaut de panafricanisme révolutionnaire basé sur le socialisme scientifique, les Africains et leurs alliés dans le monde entier doivent travailler pour définir, organiser et mobiliser au maximum pour la transformation de la société capitaliste et le système impérial mondial. Ce sont là les leçons des cinq dernières décennies et elles doivent être évaluées afin de progresser vers la libération totale de l’Afrique et de ses peuples.
** Abayomi Azikiwe* est le rédacteur de Pan African Wire – Texte raduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
http://www.pambazuka.org/fr/category/features/87826