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19 avril 2024

Renaissances égyptiennes


Renaissances égyptiennes

Par l’immensité des chiffres, la mobilisation du peuple égyptien échappe à toute classification partisane, sans être tout à fait spontanée. Elle suivait le long travail qui avait réuni le chiffre fabuleux de douze millions de signatures demandant le départ de Morsi. Elle accomplissait la colère des simples gens face à une profonde dégradation de la situation sociale, avec aggravation et élargissement de la misère.
Elle réalisait la conscience que l’alignement de Morsi sur les buts particuliers de sa confrérie sacrifiait l’intérêt général et projetait un état religieux obéissant aux impératifs internationaux de la confrérie plus qu’aux besoins du peuple égyptien. Une série d’incidents alertaient les couches populaires sur ce virage dangereux pour l’identité égyptienne et pour sa pérennité. Les principaux indices restent la lettre secrète de Morsi à Peres, démentie côté égyptien et confirmée côté israélien (http://fr.rian.ru/world/20120801/195540886.html), suivie du succès de Morsi à imposer sa « déclaration constitutionnelle » en tout point dictatoriale, les tractations pour céder au Qatar de nombreuses activités lucratives, dont des secteurs touristiques et le canal de Suez, démenties sans conviction, mais suivie du bras de fer qui a mené au limogeage à « l’amiable » de Tantaoui, les efforts réussis pour retirer le Hamas du champ de confrontation avec Israël suivis du deuxième prêt qatari, le soin mis à noyer les tunnels de contrebande, l’alignement constant sur l’hostilité des USA à Bachar Al Assad suivi de la confrontation pour modifier l’appareil judiciaire en changeant la composante du Conseil supérieur de la magistrature et en envoyant en retraite les magistrats de plus de soixante ans pour « ouvrir » les portes de l’emploi aux jeunes diplômés. Deux incidents dominent ce tableau. Premièrement, les négociations imposées par la Présidence, via les liens de la confrérie, avec les groupes armés pour libérer les soldats pris en otages au Sinaï.
Cette attitude d’arbitrage renvoyait dos à dos les groupes islamistes armés et l’institution militaire, ruinait le monopole des armes dévolu à l’armée et la mettait dans les « conditions libanaises » de quémander une couverture politique à chacune de ses actions. Deuxièmement, la décision « à chaud» de rompre les relations avec la Syrie et d’endosser l’appel au djihad en plein meeting partisan.
C’est un coup d’Etat authentique de prendre des mesures de ce genre en dehors des cadres institutionnels et sans consultation préalable de l’armée pour une question aussi sensible pour la sécurité nationale. Morsi signait la fin de l’Etat en tant qu’ensemble cohérent et solidaire d’institutions. En ouvrant les portes égyptiennes, Morsi, au nom de la confrérie, venait d’offrir à la coalition anti-syrienne, menée par les USA, la solution inespérée : des combattants en nombre suffisant pour battre Al Assad et El Nosra. Quel renfort tardif pour le Qatar, mais quel secours pour Erdogan. Quel mauvais coup pour l’Arabie saoudite, chargée de liquider les mêmes frères. Quel cauchemar pour les Emirats arabes unis que cette alliance du nombre et de l’argent.
Un enfant comprendrait que cette « solution égyptienne » au casse-tête syrien, combinée à l’alignement de Morsi sur la politique US et sur les exigences d’Israël, devaient assurer à la confrérie un soutien international à la destruction de l’Etat égyptien né des réformes entreprises par cette armée égyptienne qui s’est affranchie de la tutelle ottomane avec Mohamed Ali Pacha vers la moitié du XIXe siècle. Nasser et les officiers libres ne feront pas autre chose, sous les formes et dans les conditions de leur époque, que reprendre le projet de développement et de modernisation initié par les pachas semi-autonomes et contrarié sous leurs successeurs khédives par les interventions étrangères puis par la tutelle britannique. Contrarié, mais toujours vivant, replié dans la quête des matrices scientifiques, philosophiques ou culturelles du progrès, entamée par les élites égyptiennes et dont nous pouvons imaginer le spectre entre May Ziyada et Salama Moussa. En manifestant, en nombre prodigieux, le peuple égyptien a pesé sur le rapport des forces général.
Il a aidé l’armée à trancher entre ses dispositions à résister et ses penchants aux compromis. Il a restitué la politique à son langage et à son champ. Il a contraint les USA et l’Europe à sacrifier Morsi pour prévenir un processus de radicalisation et Israël à adjurer les USA de verser ses aides à l’armée égyptienne pour fermer la porte à un retour de la Russie. Il a mis fin à la situation d’hégémonie, voire de monopole, des USA sur la région. Il a sauvé son Etat national qui reste, malgré la corruption et toutes ses tares, son acquis le plus tangible de ses luttes du XXe siècle, sa base de départ et son viatique d’expériences et de leçons pour la prochaine phase de lutte.
                                                                                                        Alger 11 juillet 2013 . Mohamed Bouhamidi

http://www.reporters.dz/index.php?option=com_content&view=article&id=3171:renaissances-egyptiennes&catid=5:grand-angle&Itemid=6

 

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