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25 avril 2024

Tchernobyl : Marisol Touraine ment effrontément


Tchernobyl : Marisol Touraine ment effrontément

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Le 24 juillet 2013

Dominique
Jamet
Journaliste et écrivain.
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d’une vingtaine de romans et d’essais.

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Nuage de Tchernobyl, nuages de Reggane, nuages de Fangataufa et de Mururoa, ils sont décidément merveilleux, ces nuages qui font depuis toujours rêver l’humanité, ces nuages qu’évoquait Baudelaire, qui ont donné son titre à l’un des meilleurs romans de Françoise Sagan, et qui viennent d’inspirer à Mme Marisol Touraine, ministre de la Santé, un de ces gros mensonges qui se couvrent du vieux manteau troué de toutes parts de la raison d’État.

Certes, l’amusante fable suivant laquelle le nuage de Tchernobyl, respectueux des frontières nationales (c’était en 1986, donc avant la naissance de l’espace Schengen), se serait arrêté, et aurait peut-être même fait demi-tour à l’approche des limites de la France, a depuis longtemps volé en éclats. Confrontée hier aux résultats accablants d’une étude indépendante menée par un laboratoire italien sur la base de l’examen de cinq mille dossiers médicaux complets, le ministre de la Santé n’en a pas moins réfuté avec aplomb l’hypothèse d’une quelconque corrélation entre les retombées de la nuée radioactive et la hausse spectaculaire de certaines affections spécifiques en Corse. À en croire l’éminence rose, il en est de même dans l’ensemble des pays développés.

C’est donc pure coïncidence si, depuis le passage du merveilleux nuage ukrainien, le nombre des cancers de la thyroïde sur l’île de Beauté a augmenté de 29 % chez les hommes et si celui des thyroïdites s’est accru de 55 % chez les femmes et de 78 % chez les hommes. Il est vrai que le ministère de la Défense n’est pas non plus parvenu à faire le lien entre les 210 essais nucléaires réalisés sur les sites de Reggane, de Fangataufa et de Mururoa entre 1961 et 1996 et la fréquence des cancers et autres maladies dégénératives constatés chez les quelques dizaines de milliers de militaires et de civils qui ont eu l’occasion de contempler de trop près les merveilleux nuages tricolores consécutifs à ces essais.

En définitive, l’État français, sous la droite comme sous la gauche, déploie le même cynisme et le même négationnisme que les industriels de l’amiante qui ont persisté pendant des décennies à exploiter un matériau dont ils connaissaient le danger mortel. La variable d’ajustement de la vérité sur ces dossiers ne réside pas dans le progrès des connaissances médicales qui établissent clairement le rapport entre les incidents ou les essais nucléaires, l’utilisation de l’amiante et les maladies induites par l’exposition à ces nuisances, mais dans l’évolution du nombre des survivants à indemniser si leurs revendications étaient reconnues. Quand il n’en restera plus, leur droit triomphera sans nul doute, au meilleur prix.

Le plus merveilleux, finalement, ce ne sont pas les nuages. C’est la France.

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