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29 mars 2024

L’Arabie Saoudite dans la tourmente !


Lundi 30 septembre 2013

Acteur incontournable de l’énergie mondiale, premier producteur et exportateur de pétrole, l’Arabie Saoudite donne une impression de puissance inégalée, voire inégalable car elle est la pile qui permet au coeur de l’économie mondiale de continuer à battre avec une certaine régularité. Grâce à ses immenses réserves et à sa capacité à moduler sa production pétrolière en fonction du prix, elle joue un rôle de régulateur et est au centre de l’attention des pays importateurs et principalement des Etats-Unis qui entretiennent avec elle des relations étroites depuis les années 1930. Mais ce pays de la démesure pourra-t-il préserver cette puissance longtemps ?

 

riyad-arabie-saouditeRiyad, Arabie Saoudite (Crédit photo: Eurasianfinance)

Difficultés de gouvernance

 

L’organisation de la succession au trône de la monarchie saoudiennepermet difficilement de répondre aux défis auxquels le royaume est confronté actuellement. Les princes héritiers, fils du roi Abdelaziz lui-même âgé de 92 ans, décèdent les uns après les autres. Nayef ben Abdel Aziz, décédé le 16 juin 2012, huit mois seulement après avoir succédé au prince Sultan, est aujourd’hui remplacé par le prince Salmane, âgé de 78 ans et à la santé déclinante, qui cumule les postes de vice-Premier Ministre  et de Ministre de la défense. En arrière plan, ce sont quatre princes plus jeunes qui tentent d’assurer la stabilité du Royaume.

prince-ahmed-bin-salman-bin-abdulaziz.jpgPrince Salmane (Crédit photo: AFP)

Difficultés économiques

 

C’est avant tout une gestion rentière qui s’est mise en place en Arabie Saoudite, avec un laxisme budgétaire qui s’est illustré récemment par l’enclenchement d’un plan de dépense publique de 130 Md$ sur cinq anspour limiter les effets du printemps arabe sur son territoire.

 

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La gestion rentière basée sur l’importation de tous les biens de consommation afin de répondre à la demande d’une population très jeune (1/3 de la population a moins de 14 ans et l’âge médian est de 21,4 ans) et en très forte croissance (multipliée par trois en 30 ans), va provoquer un déséquilibre progressif de la balance fiscale qui deviendrait déficitaire vers 2022. Si le prix du baril descend en dessous de 80$, l’Arabie Saoudite plongerait encore plus rapidement vers son seuil de déficit. L’absence de diversité dans les recettes de l’Etat rend l’Arabie Saoudite extrêmement vulnérable à un effondrement des cours, hypothèse hautement probableen cas de récession mondiale.

 

Difficultés énergétiques

 

La consommation intérieure de son pétrole est en forte hausse alors que la vente de ce dernier représente 75% des recettes de l’Etat. Le pays consommait 5% de sa production au moment des deux premiers chocs pétroliers. Cette part est passée à 15% au début des années 1990 pour atteindre 25% en 2012 soit 2,8 Mb/j. Cette consommation intérieure représente 17 litres par habitant et par jour, c’est-à-dire quatre fois plus que la moyenne européenne.

 

conso.JPGConsommation pétrolière de l’Arabie Saoudite entre 1980 et 2012

 

Mais que font-ils donc avec ce pétrole ?

En premier lieu, ils produisent de l’électricité qui est principalement consommée par les unités de climatisation (la température peut atteindre 60°C au mois d’août). La consommation d’électricité augmente à un rythme de 10% par an et 2/3 de l’électricité sont produits à partir du pétrole dans des centrales à mazout.

Ensuite, c’est la production pétrolière elle-même qui est consommatrice, puisque la compagnie Aramco, première compagnie pétrolière mondiale, absorbe 10% de la production énergétique nationale pour le fonctionnement des pompes et des unités de désalinisation de l’eau qui est injectée dans les gisements pétroliers.

 

Une étude publiée fin 2011 par le cabinet anglais Chatham House montre que, si la tendance actuelle se poursuit, l’Arabie Saoudite pourrait devenirimportatrice nette de pétrole en 2037. 

 

Le pays est contraint d’engager une réforme politique profonde s’il veut réduire ses dépenses, diversifier l’économie, créer de l’emploi pour la population jeune et finalement inverser les tendances pour éviter un effondrement de son économie.  La situation est  donc très complexe pour le premier producteur mondial de pétrole qui fait face à d’énormes défis politiques sans disposer d’un mode de gouvernance suffisamment efficace pour y répondre.

 

Le problème de l’eau

 

L’Arabie Saoudite n’a plus assez d’eau. Peu de pluie, absence de lacs et de rivières, ce territoire aride dispose uniquement de réservoirs souterrains ou d’eau de mer dessalée. Le plus étonnant, c’est que la consommation d’eau moyenne y est deux fois supérieure à la moyenne mondiale et chaque habitant consomme 265 litres d’eau (150 litres en moyenne pour un français). C’est d’autant plus alarmant que la consommation augmente trois fois plus vite que la population. Pour ne rien arranger, la dégradation du réseau provoquerait, dans certaines régions, plus de 50% de pertes.

 

Le Royaume est le premier producteur mondial d’eau dessalée avec 30 usines qui fournissent 50% de l’eau potable et 5000 km de pipelines pour alimenter les principaux centres urbains. Pour répondre à l’explosion de la demande, un doublement de la capacité de dessalement est prévu pour un budget de 70 milliards de dollars. L’eau souterraine et fossile, qui doit également être traitée et dessalée, est prélevée dans des gisements qui ne se remplissent plus, à des profondeurs allant jusqu’à 2400 mètres. Elle arrive en tête de puits à une température de 70°C.

 

forage eau ArabieForage d’eau fossile (Crédit photo: Veolia environnement)

 

Cela pose évidemment la question de la production alimentaire pour nourrir une population toujours plus nombreuse. En effet, l’agriculture consomme 80% de l’eau « produite » par les installations du Royaume alors qu’elle ne fournit que 20% de l’alimentation et de manière très intensive, à l’image de la ferme Al Safi qui abrite plus de 37 000 vaches laitières sur 3500 hectares (en partenariat avec Danone!). D’immenses zones de cultures irriguées apparaissent en plein désert pour produire les fourrages qui vont nourrir les vaches entassées dans des entrepôts situés à proximité. Ces installations peuvent être observées avec google map®.

 

Le destin de telles installations sera surement le même que la production intensive de blé initiée dans les années 1980. Depuis 1990, la production a été divisée par quatre à cause du manque d’eau et la tendance ne s’inverse pas. L’autosuffisance acquise en dix années seulement aura été aussi impressionnante qu’éphémère.

 

production-ble-arabie-saoudite.jpg

Crédit image: ecologik-business.com

 

Les experts du Earth Policy Institute sont très clairs: « Pour la première fois dans l’histoire, la production céréalière est en baisse dans une région géographique entière, sans aucune perspective pour enrayer le déclin ».

 

Quel futur pour l’Arabie Saoudite ?

 

Les perspectives sont peu réjouissantes pour ce Royaume qui reste le seul au monde à disposer d’une marge de capacité de production suffisante pour réguler le prix du pétrole sur les marchés. Faut-il s’en inquiéter ? Tout à fait, car aucun autre pays producteur, pas même les Etats-Unis que tout le monde regarde avec attention, ne dispose (et ne disposera) des mêmes leviers d’action.

 

L’économie de tous les pays européens, comme celle de la France, est donc soumise à l’équilibre fragile du Royaume Saoudien. Les catastrophistes se risqueront à dire que les choses vont très mal tourner, les autres préféreront miser sur la capacité des saoudiens à faire preuve de responsabilité, en gérant raisonnablement leurs ressources pour préserver l’équilibre mondial. Et vous, quel est votre avis ?

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Publié dans : pic pétrolier 

 

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