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7 octobre 2024

Afrique de l’Est : L’oléoduc israélien


Vendredi 3 janvier 2014

par Gilles Munier (Afrique Asie – Janvier 2014)*

Israëlafrique – La rapidité avec laquelle Benjamin Netanyahou a réagi à l’attaque du « Westgate Mall » par un commando Shebab, le 21 septembre dernier à Nairobi, ne s’explique pas seulement par le fait que le centre commercial appartienne à des Israéliens.

La région des Grands Lacs est d’un d’intérêt stratégique primordial pour le Mossad dans sa lutte contre le « terrorisme » dans la Corne de l’Afrique, c’est à dire contre tout ce qui peut gêner le trafic maritime vers la mer Rouge et le port d’Eilat et, surtout, menacer le futur oléoduc reliant le Soudan du Sud au port kenyan de Lamu, près de la frontière somalienne.

Si la coopération d’Israël-Kenya, date de l’accession du pays à l’indépendance en 1963, l’attention portée à la région par le Mouvement sioniste remonte au début du 20ème siècle, suite à la proposition faite à Théodore Herzl – père du sionisme politique – par Joseph Chamberlain, secrétaire d’Etat britannique aux colonies, de créer un Etat juif sur le plateau de Mau en Ouganda, pays possédant par ailleurs une tribu juive noire : les Abayudaya. Le projet fut rejeté par le 7ème Congrès sioniste réuni à Bâle, en 1905. L’enquête de faisabilité s’était révélée « négative », sous la pression des partisans d’une implantation en Palestine. Ce plateau, d’une superficie équivalent approximativement à celle de la Corse, fait aujourd’hui partie du Kenya. Des colons juifs, s’installèrent néanmoins en Ouganda et essaimèrent alentour. En 1947, la communauté juive du Kenya – estimée à 150 familles – prit fait et cause pour les terroristes de l’Irgoun et du Groupe Stern déportés par les Britanniques au camp de détention de Gilgil, près de Nairobi. Très influent au sein du petit monde colonial britannique local, Israël « Issy » Somen, président du Board of Kenya Jewry – Bureau de la Juiverie Kenyane » – se fit élire maire de la capitale en 1955. Après l’indépendance, en décembre 1963, le gouvernement israélien en fit son consul honoraire.

Les fruits de la politique israélienne

Les relations israélo-kenyanes se sont développées dans les domaines commercial, agricole, militaire, et du renseignement, après la tournée africaine de Golda Meir. Elles furent maintenues souterrainement pendant leur rupture officielle provoquée par l’adoption par l’ONU d’une résolution faisant du sionisme une forme de racisme. Si bien qu’en juillet 1976, Nairobi servit de base arrière au commando des forces spéciales du colonel Yonatan Netanyahu – frère de l’actuel Premier ministre -, envoyé pour libérer les passagers d’un Airbus pris en otage sur l’aéroport d’Entebbe par des membres du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) et de la Fraction Armée Rouge allemande. En 1978, Yitzhak Shamir effectua une visite secrète au Kenya et obtint leur rétablissement en échanges de la livraison de missiles sol-sol Gabriel. En septembre dernier, le quotidien Haaretz pouvait titrer, sans se tromper: « Kenya, base avancée d’Israël en Afrique »…

Depuis que David Ben Gourion a lancé sa politique dite d’« Alliance de la périphérie » pour contrer la « menace arabe » – aujourd’hui recyclée iranienne ! – le Mossad apportait son soutien aux minorités ethniques ou religieuses d’Afrique de l’Est, notamment aux chrétiens du sud-Soudan et aux partis d’opposition en Ouganda et en Ethiopie quand le régime ne convenait pas à Israël.

Tel-Aviv a recueilli les fruits de sa politique avec l’arrivée au pouvoir de Yoweri Museveni en Ouganda et avec la partition du Soudan. En décembre 2011, le président sud-soudanais Salva Kiir a effectué sa première visite officielle à Jérusalem pour remercier les Israéliens : « «Sans vous », leur a-t-il dit « nous n’existerions pas», et le représentant du nouvel Etat à l’ONU s’est aussitôt engagé à voter contre la reconnaissance de l’Etat palestinien…

Entente contre le fondamentalisme islamique

Un mois plus tôt, Benyamin Netanyahou – qui ambitionne de constituer une entente contre fondamentalisme islamique avec ces pays, auxquels s’associerait la Tanzanie – avait déclaré à Raila Odinga, Premier ministre kényan, qu’Israël et le Kenya avaient les « mêmes ennemis ». Dans la foulée, Netanyahou avait signé avec son homologue un accord anti-Shebab, vite concrétisé par l’envoi de conseillers militaires, de blindés, et par le tir d’un drone sur un village somalien. Bilan : 17 personnes tuées. L’engagement d’Israël dans le conflit allait être lourd de conséquences pour ses expatriés au Kenya. – on l’a vu avec l’attaque du « Westgate Mall » à Nairobi –, mais riches d’espoirs côté business, et pas seulement dans celui de l’armement.

En effet, depuis la création du Soudan du Sud, l’évacuation de son pétrole par une autre voie que le pipeline du Soudan musulman, est à l’ordre du jour. Un vaste plan de développement des infrastructures de l’Afrique de l’Est, comprenant un port, des routes, une voie ferrée, une raffinerie, trois aéroports et un oléoduc de 2250 km reliant les puits sud-soudanais au port kényan de Lamu – et au-delà Israël et l’Asie – est sorti des cartons. Ce plan, baptisé Lapsset (Projet de transport Lamu/Sud-Soudan/Ethiopie, est estimé, au bas mot, à 25 milliards de dollars. Israël est évidemment sur les rangs, tant en ce qui concerne sa réalisation que sa sécurisation. Car, là où le bât blesse, c’est que l’oléoduc longera la frontière du Kenya avec la Somalie sur plus de 600 km. Le Mossad et les conseillers militaires israéliens ont « du pain sur la planche » pour les décennies à venir.

*http://www.afrique-asie.fr/

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