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20 avril 2024

Derrière « l’affaire Dieudonné », la mise en place programmée d’une dictature de la pensée


Derrière « l’affaire Dieudonné », la mise en place programmée d’une dictature de la pensée
(N. Bourgoin)
Publié le 25 janvier 2014

par Olivier Demeulenaere

Nicolas Bourgoin est démographe, maître de conférences à l’Université de Franche- Comté, membre du Laboratoire de Sociologie et d’Anthropologie de l’Université de Franche-Comté (LASA-UFC). Il est l’auteur de trois ouvrages : La révolution sécuritaire aux Éditions Champ Social (2013), Le suicide en prison (Paris, L’Harmattan, 1994) et Les chiffres du crime. Statistiques criminelles et contrôle social (Paris, L’Harmattan, 2008).

mise en place programmée d’une dictature de la pensee »Sous les décombres, les dégâts collatéraux de « l’affaire Dieudonné » apparaissent peu à peu. Libération de la parole raciste et islamophobe dans la presse et sur les réseaux sociaux (voir ici mon précédent billet sur cette question), atteintes à la démocratie et censure d’Etat avec la « jurisprudence Dieudonné » (voir ici), véritable traque aux dissidents quenelliers orchestrée par des extrémistes sionistes. Un humoriste chassé de France faute de salles de spectacle pour l’accueillir, ne trouvant asile qu’en Suisse comme au temps de l’Ancien Régime (voir ici). Mais il y a encore plus grave. Sous le prétexte de sanctionner « l’antisémitisme » (en clair : la parole critique à l’égard de la politique israélienne ou même la simple opposition au pouvoir en place) le gouvernement va généraliser la censure sur Internet. La liberté d’expression vit sans doute ses dernières heures.

La volonté d’éradiquer « l’antisémitisme » sur le net ne date pas d’hier, le précédent gouvernement en avait déjà fait l’une de ses priorités (voir ici). Elle est réaffirmée par la Ministre Fleur Pellerin qui a rappelé que l’anonymat ne protégeait pas les internautes (voir ici). Et on peut la croire… Dans sa traque aux dissidents, l’Etat français dispose d’outils de contrôle de plus en plus en performants, notamment le système d’écoute Frenchelon mis en place par la DGSE permettant de collecter systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France ainsi que les données personnelles laissées par les utilisateurs des réseaux sociaux, notamment facebook (voir ici). Sur le plan juridique, les différentes lois votées depuis 10 ans, sous couvert de « guerre contre le terrorisme » ou contre la « criminalité organisée », facilitent la surveillance du net par les services de renseignement :

– obligation faite à la charge des intermédiaires techniques de l’Internet, de conserver les données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu en ligne (Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’Economie Numérique) ; cette loi est complétée par le décret n°2011-219 du 25 février 2011 obligeant les fournisseurs de services sur Internet à conserver pendant 1 an les mots de passe, les traces d’achats et les commentaires laissés sur le Web par les internautes et les mettre à disposition de la police, du fisc, de l’URSSAF, des douanes ou des services de répression des fraudes

– obligation faite aux opérateurs télécoms, aux FAI et à tout établissement public proposant un accès au net, de conserver les données de connexion jusqu’à 1 an (Loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers)

– limitation de l’information communiquée à la CNIL dans le cas de fichiers intéressant la sûreté de l’État, la Défense ou la sécurité publique (même loi)

– possibilité de filtrer des adresses IP désignées par arrêté du ministre de l’Intérieur et de bloquer les sites Web publiant un contenu de nature pédo-pornographique (LOPPSI 2)

La multiplication de ces dispositifs et lois sécuritaires ont valu à la France, en 2012, d’être placée par l’association Reporters sans frontières dans le groupe des « pays à surveiller » (en compagnie de 13 autres parmi lesquels la Tunisie et la Turquie…) en raison d’atteintes à la liberté de la circulation de l’information en ligne.

Mais le gouvernement actuel va encore plus loin que le précédent : après avoir promulgué une énième loi antiterroriste dans le sillage de l’affaire Merah, qui pénalise la consultation de certains sites Internet (voir ici), il vient d’autoriser, par l’article 13 du projet de loi de programmation militaire, la possibilité de capter les données numériques de dizaines de milliers de personnes par an, en dehors de toute action judiciaire et sans aucune autorisation auprès de la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité), et sous couvert de guerre contre « le terrorisme » ou la « criminalité organisée », afin de repérer les « comportements suspects » sur Internet. Pourront être mobilisées, non seulement les forces de l’ordre mais également toute la «communauté du renseignement», de l’Intérieur à la Défense en passant par Bercy, pour éplucher tout ce que conservent et traitent les opérateurs d’Internet et de téléphonie « y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement , mais aussi « à la localisation des équipements terminaux utilisés », sans parler bien sûr de « la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications ». Bref, les traces des appels, des SMS, des mails… L’adoption du projet par le Sénat s’est faite malgré une forte mobilisation des acteurs du numérique et sans consultation de la CNIL (pour une information plus complète, voir ici).

Jamais aucun Etat totalitaire désireux de contrôler étroitement ses citoyens, leurs communications et leurs déplacements n’a disposé de tels moyens techniques et juridiques. On commence à voir un aperçu de ce qui attend désormais les contestataires de demain avec la « traque aux quenelliers » organisée par les nervis sionistes de la LDJ et du magazine franco-israélien JSS News (un geste « antisystème » ne pouvant être, semble-t-il, qu’antisémite…) qui a lancé un véritable appel à la délation (voir ici), sans doute avec la complicité active des services de renseignement français. Plusieurs dizaines de personnes ont déjà perdu leur emploi suite à ces identifications, d’autres ont été violemment battues (voir ici). Repérage, fichage, traque, censure, délation… l’affaire Dieudonné a levé le voile sur la société de demain, voulue et programmée par l’oligarchie (voir ici). Un Etat policier totalement voué à la répression de la dissidence sociale et politique ».

Blog de Nicolas Bourgoin, le 15 janvier 2014

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