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26 avril 2024

Quand la France lorgnait vers les wahhabites


 

Quand la France lorgnait vers les wahhabites

Publié par Gilles Munier su

2 Mai 2014, 1

Catégories : #Arabie

Quand la France lorgnait vers les wahhabites

Par Gilles Munier (Afrique Asie – mai 2014 – version complétée)*

Le général Bonaparte attribuait l’échec de son expédition en Syrie à la méconnaissance des Français des déserts arabes et des tribus bédouines, notamment dans le désert du Nedj. Dès son retour d’Egypte, lui qui rêvait de marcher dans les pas d’Alexandre le Grand, allait envoyer des espions en Orient chargés de répertorier les itinéraires à emprunter pour attaquer les Indes britanniques par voie terrestre. L’Algérie devant servir de base de départ à l’expédition, le colonel du Génie Vincent-Yves Boutin se rendit secrètement dans la région d’Alger en 1808 et conseilla à Napoléon 1er de débarquer dans la presqu’île de Sidi Ferruch (où accostera l’expédition coloniale française en juin 1830, sous Charles X)… Boutin poursuivit sa mission jusqu’aux côtes d’Arabie sous prétexte d’acheter du café à Mokka (Yémen). Il cherchait à entrer en contact avec les wahhabites, mais en fut empêché par Toussoum-Bey chargé par son père Mohamed-Ali – vice-roi d’Egypte – de reconquérir La Mecque et Médine occupées en 1803 par les tribus wahhabites du Nedj. Boutin mourut assassiné au Liban en 1815 – sans doute par un ismaélien – sans savoir que l’empereur avait perdu la bataille de Waterloo.

Dans ses Voyages en Orient, Alphonse de Lamartine raconte l’histoire – romancée ou en partie inventée – du chevalier Théodore de Lascaris qui aurait négocié un traité entre Ibn Chaalân – émir des bédouins Rouala – et les wahhabites, permettant à la Grande armée de traverser l’Arabie sans encombre. Le rapport de Lascaris a disparu. Il aurait été remis à un consul anglais après la chute de Napoléon 1er et mis sous scellés. Il n’a jamais été retrouvé.

Napoléon III reprit le projet de son prédécesseur. En 1841, il donna l’ordre d’ouvrir un consulat de France à Djeddah pour surveiller les pèlerins musulmans venant des colonies françaises, et pour suivre les événements à La Mecque et à Médine dont les wahhabites avaient été expulsés en 1818 par les troupes égypto-ottomanes.

Le consul français à Djeddah – Emmanuel Eveillard – fut assassiné en juin 1858, ainsi que son épouse, lors d’une émeute anti-chrétienne organisée par des marchands hadramis – originaires de l’Hadramaout et très actifs en Mer Rouge – suite à une altercation opposant le vice-consul britannique à des propriétaires de navires arabes. Une vingtaine d’Européens furent tués.

L’espion le plus connu envoyé en Arabie par Napoléon III – via le Liban – est William Gifford-Palgrave (1826-1888). Juif britannique converti au catholicisme, ordonné prêtre par les Jésuites sous le nom de « Père Cohen », il parvint à Ryad en 1862 en se faisant passer pour un médecin syrien. Mais, l’émir wahhabite refusa de le rencontrer, effrayé à l’idée de respirer de l’air vicié par un étranger ! Palgrave jugea inutile de lui faire demander s’il soutiendrait les Français contre les Anglais. De retour en Europe, il publia « Une année de voyage dans l’Arabie centrale », puis quitta la Compagnie de Jésus et entra… au Foreign Office qui le nomma consul à Soukhoumi en Géorgie, puis en Uruguay.

Photo : Bonaparte devant le Sphinx (tableau de Jean-Léon Gérôme – 1887)

*Source : Afrique Asie – http://www.wobook.com/WBD84sk8tN2f-f

Sur le même sujet, lire: « Les espions de l’or noir »*

Dans cet ouvrage, Gilles Munier brosse les portraits des agents secrets de Napoléon et de l’Intelligence Service, du Kaiser Guillaume II et d’Adolf Hitler, du groupe Stern, de la CIA et du Mossad. On y croise Thomas Lawrence (Hedjaz, en Arabie), Gertrude Bell (Irak), St John Philby (Nedj, en Arabie), Wilhelm Wassmuss (Perse), Kermit Roosevelt (Iran); mais aussi des figures moins connues comme Sidney Reilly (URSS), William Shakespeàr (Nedj, en Arabie), Fritz Grobba (Irak), Werner Otto von Hentig (Afghanistan), John Heppler (Egypte), Freya Stark (Aden et Irak) – Marguerite d’Andurain (Syrie) ou encore Conrad Kilian (Fezzan, en Libye).

*Ed. Encre d’Orient (2ème édition, 2011 – 251 p – 21 euros)

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