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25 avril 2024

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Luc Pujo


Lettre ouverte à Monieur Jean-Luc Pujo

1. Armée de squelettes.JPG

 

Lettre ouverte

à Monsieur Jean-Luc Pujo, président des clubs « penser la France »

À propos de sa propre lettre – ouverte aussi –

à Monsieur Manuel de Dieguez)

 

Monsieur,

Le délire collectif a atteint, dans votre pays, un point tel qu’aucun honnête homme désormais ne devrait s’autoriser à prononcer, écrire ou même permettre que soient proférés en sa présence, pendant les soixante ou soixante-dix années à venir, les mots antisémitisme/antisémite. Il serait toutefois souhaitable que quiconque se soustrairait à cette mesure individuelle de salubrité publique soit mis à l’abri de lui-même dans une cellule capitonnée.

Dans votre lettre ouverte de mardi 18, qui semble n’avoir provoqué à ce jour aucun commentaire, vous tancez M. de Dieguez sur des péchés que vous lui supposez. Il ne semble pas vous venir à l’esprit que ce puisse être vous le pécheur, en train de porter ce que, dans le catéchisme de mon enfance, on appelait un « jugement téméraire ».

Feu Coluche déplorait cet égarement par une formule un peu lapidaire et même impolie, qui avait cependant le mérite de la clarté : « Comment veux-tu qu’un con sache qu’il est con, puisque c’est avec son esprit qu’il juge ? » Mais peut-être estimeriez-vous, avec M. Serge Sur, qu’on « peut n’avoir que mépris pour la vulgarité, la bassesse et la sottise du comique de ressentiment (en ce cas de Coluche) » même si (surtout si ?) « on peut ne pas le connaître ». Un aveu ?…

Bref, vous faites à M. de Dieguez grief des opinions que vous lui supposez en les échafaudant de toutes pièces. Mettre vos conjectures à si haut prix que vous soyez prêt à en faire griller un homme tout vif est, aux yeux de la lectrice lambda tout à fait occasionnelle que je suis, faire preuve non seulement d’aveuglement mais aussi de présomption et d’outrecuidance.

Je suppose que M. de Dieguez survivra à votre désapprobation et continuera d’être publié par tous les sites où « personne ne le lit », mais vous auriez  quand même dû vous abstenir de lui imposer, à l’âge qui est le sien, les clowneries lugubres de MM. Finkielkraut, B. Levy et autres vendeurs de sauce verte. Et pourquoi pas le Da Vinci code ! La décence aurait dû vous l’interdire.

Dans le sermon que vous dispensez à un philosophe dont la patience m’étonne, je relève des choses tellement énormes que je prends la liberté de vous en signaler deux ou trois. Je ne les relèverai pas toutes : mon pensum serait plus long que le vôtre. Allons aux plus criantes.

Sous (2) : Vous avez décidé, dites-vous, de vous abstenir de participer à une manifestation récente, qui a donné a posteriori raison à votre abstention par les slogans inadmissibles qu’en dépit de votre éloignement vous avez entendus ou lus (où, sous quelle plume ? qu’importe ; vous en êtes sûr ; très bien) et que vous désapprouvez. Vous en dressez une liste et vous sommez sévèrement M. de Dieguez de vous dire derrière quelle banderole il aurait défilé. Mais derrière toutes, Monsieur ! Savez-vous ce que c’était que ces gens dont vous parlez avec tant de mépris et de condescendance ? Le peuple. Le peuple SOUVERAIN. Or, vous devriez le savoir, et si vous ne le savez pas, vu les activités que vous poursuivez, c’est grave : le peuple souverain n’a jamais tort, quoi qu’il fasse, massacres de septembre inclus. Et s’il lui arrive de défiler en proférant 80% d’âneries, À QUI LA FAUTE ? Ceux qui se sont permis de le gouverner et ont prétendu l’éduquer avec un si total degré d’incompétence ont-ils un autre droit que celui de se démettre et se taire ?

C’est pourquoi M. de Dieguez a mille fois raison de se réjouir que cette manifestation ait eu lieu. Telle quelle. Que tant d’opinions diverses, presque toutes fausses, aient pu malgré tout s’assembler dans un but unique si juste, si nécessaire et si urgent tient du miracle. Grâce au ciel il n’a pas, ce peuple, foncé comme vous sur la muleta rose-antisémite ! Tout égaré et déboussolé qu’il soit par ce qu’on lui a fait, il veut encorner le matador, piétiner son couteau d’abatteur du dimanche et secouer les banderilles qu’on lui a vicieusement plantées dans l’échine. Ouf ! On n’osait presque plus y croire. Quant à ses idées fausses et à ses slogans débiles, je vous suggère d’apprendre par cœur ce qui suit : « Quels sont les obstacles à l’instruction du peuple ? Les écrivains mercenaires qui l’égarent par des impostures. » (Ah, mon cher Robespierre, s’il n’y avait que les écrivains !) Pour vous, Monsieur, il serait bon que vous vous absteniez de seconder les méfaits mercenaires en vous croyant présomptueusement détenteur du nouvel évangile censé nous sauver tous, et que vous le laissiez se débrouiller seul (je parle toujours du peuple). Il a plus de chances de s’en sortir sans votre aide.

Sous (3) : Concernant la liberté d’expression de M. M’Bala M’Bala, vous dites : « il a alors basculé petit un petit vers un antisémitisme classique ». En quoi faisant ? Où sont vos preuves ? Ou suffit-il que vous énonciez une chose pour qu’elle soit ? Au fait, quelle est au juste votre définition du mot fétiche dont tant de cerveaux improbables se gargarisent ?

En quoi, selon vous, M. M’Bala M’Bala est-il responsable de « ses partisans qui s’écris (sic) “ Juifs dehors ! ” » ? À supposer même que ce soit vrai… Mais vous n’y étiez pas, n’est-ce pas ?

Vous « expliquez » presque en psychiatre et uniquement à coups d’affirmations « la “dérive” d’un humoriste de talent » qui, malheureusement a mal tourné, suite à l’influence qu’aurait sur lui M. Soral. Encore une fois, à moins d’avoir été souvent sous la table, comment savez-vous cela ? Si M. Soral a décidé de garder au frais pour plus tard ses ambitions initiales d’établissement d’une société fasciste et de s’avancer masqué, en quoi cela vous donne-t-il le droit de préjuger de ce que fera M. M’Bala M’Bala le jour où tombera, toujours hypothétiquement, ce masque ? Nous sommes là, en effet, en pleine ignominie, mais pas celle que vous croyez.

Au point où vous en êtes – à quoi bon lésiner ? – vous lui collez sur le dos tout ce qui se fait (paraît-il) au Mur des Lamentations, à Auschwitz et en quantité d’autres lieux, et même ce qui se fit avant sa naissance à Oradour sur Glane, car il n’y a à vous lire aucun doute : « La PanzerDivision SS Das Reich »-Dieudonné-même combat. Inutile d’ergoter – ce n’est pas l’objet de ce commentaire – sur le fait que la PanzerDivision SS Das Reich n’est peut-être pas directement responsable d’Oradour sur Glane (il y en a qui ont des doutes) puisque la vérité révélée et, par là, officielle affirme qu’elle l’est et que prêter attention à des historiens sans imprimatur serait par trop révisionniste, donc négationniste, donc antisémite. En présence de terrorisme intellectuel triomphant, mieux vaut se tenir à carreau.

J’en viens enfin aux autres péchés mortels commis par M. M’Bala M’Bala, à savoir la désormais légendaire quenelle et la chanson Shoahnanas.

Un jour, un de mes amis est allé interroger M. Albert Soboul, éminent historien. Il voulait savoir qui était l’auteur de la formule « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. » Réponse de M. Soboul : « Personne n’en sait rien. Comme toujours, dans ces cas-là, quelqu’un dans une foule lance quelque chose qui lui vient spontanément. Ce quelque chose exprime le sentiment profond des autres qui, ausitôt, s’en emparent. Et le quelque chose se répand comme une traînée de poudre. » Ainsi, semble-t-il de la quenelle. Quoi que vous y fassiez. Oui, « l’exécution du geste dit de la “quenelle” est aujourd’hui un geste sans ambiguité ». Dieux et diables merci, il arrive que le peuple sache précisément ce qu’il ne veut pas, à défaut de savoir ce qu’il veut, et qu’il le fasse savoir, comme vous dites, sans ambiguité. Gloire à lui.

Sous b) : « Dans le même registre, M. Dieudonné M’Bala M’Bala a détourné une chanson populaire pour moquer la Shoah en “Shoahnanas” ». Non, Monsieur ! Il ne moque pas ainsi « la Shoah », il dénonce l’infamie de ceux qui ont inventé ce terme, se sont instaurés les gardiens exclusifs de la mémoire des morts (qu’ils n’ont semble-t-il pas fait grand-chose pour sauver, mais ce n’est peut-être qu’une rumeur) afin de pouvoir, bien à l’abri derrière ce bouclier de cadavres, commettre impunément, quotidiennement, depuis plus de soixante ans, des actes nazis (je dis bien nazis : les hommes sont ce qu’ils font pas ce qu’ils jacassent). M. M’Bala M’Bala s’est contenté de contourner le tas de cadavres et de dire à ceux qui étaient derrière « Coucou, je vous ai vus ! ». Crime impardonnable ! Dénoncer un bluff sanglant est toujours mal vu chez les imposteurs, qui font dans ce cas ce qu’ils font toujours : lancer devant eux une meute de chiens courants, chargés d’écarter les gêneurs à coups d’aboiements. Se laisse impressionner qui veut. Et aboie qui veut. Question de conscience. Dieux du ciel ! Si vous aviez rencontré, il y a deux siècles et demi Jonathan Swift, vous l’eussiez fait condamner pour avoir offert ses petits compatriotes en ragoût à une entité indéterminée et en aucun cas coupable de cannibalisme.

Vous consacrez pas moins de dix-sept pages bien serrées – en Times New Roman corps 12 – à faire le procès de M. Manuel de Dieguez et celui de M. Dieudonné M’Bala M’Bala, pages dont vous sacrifiez quand même deux lignes à reconnaître que Dieudonné « a rapidement été saisi par la question palestinienne et profondément choqué par le sort fait aux Palestiniens, notamment dans la bande de Gaza. Nous le sommes aussi. » Vous étant acquitté par ce strict minimum de lip service des exigences de la justice et de la morale publique, vous revenez aussitôt à votre vrai propos qui est de condamner non pas d’innommables crimes de sang en cours depuis des décades et en expansion urbi et orbi (Kiev, cette semaine), mais, pour leurs opinions et pour leurs fréquentations, deux personnes énormément courageuses, coupables d’avoir compris ce qui vous échappe.

Qu’un jour des esprits faibles, exaspérés au-delà du tolérable et révulsés par tant d’horreurs, d’obscurantisme frénétique et de mauvaise foi, puissent cesser de faire la différence entre ces « juifs »-là et les autres, est une redoutable éventualité, que des imbéciles dont je suis voient venir à nous grosse comme un camion dévalant une pente raide avec des freins cassés. Ce jour-là, que vous proposez-vous de faire pour protéger les innocents ? Mais, suis-je bête, à quoi bon se préoccuper des vivants quand il est si amusant de se masturber sur les morts.

Monsieur, avant de « penser la France », ne conviendrait-il pas de commencer par penser tout court ?

Quand je suis tombée sur votre réquisitoire, je venais de lire un papier de Me Philippe Bilger (ex-procureur de la République, comme vous savez), où il déplore «une France de petits inquisiteurs, de fouineurs médiocres, de tristes sentinelles montant la garde en permanence devant la pensée d’autrui», et dont j’extrais ceci, à quoi je souscris personnellement des deux mains :

« Pour le racisme et l’antisémitisme, on a, à foison, des Elliot Ness du pauvre dont la seule occupation est de débusquer le licite et l’intéressant pour les soupçonner d’être scandaleux ou nauséabond – ils ont le goût si raffiné et l’odorat si fin qu’un rien les trouble et les met en état d’accusateurs sans mandat. »

C’est dans « Halte à l’inquisition médiatique », dont vous pourrez, si vous voulez, faire votre profit en lisant le reste.

Pourquoi s’en prendre aux seuls medias d’ailleurs, depuis que des légions de Torquemadas improvisés surgissent d’entre les pavés comme la mauvaise herbe après la pluie.

Monsieur, je suis votre servante.

Catherine

Les grosses orchades, les amples thalamèges.

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