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28 mars 2024

Libye : tentative de coup de force contre les islamistes


Libye : tentative de coup de force contre les islamistes

LE MONDE | |


Le général Khalifa Hiftar, chef autoproclamé de la coalition hétéroclite qui conteste le Congrès général national.
Le général Khalifa Hiftar, chef autoproclamé de la coalition hétéroclite qui conteste le Congrès général national. | REUTERS/ESAM OMRAN AL-FETORI

Tripoli a été, dimanche 18 mai, le théâtre d’une nouvelle lutte pour le pouvoir entre milices rivales. Les combats ont débuté par une attaque avortée contre le Congrès général national (CGN), le parlement de transition, menée par des milices de Zenten, à l’ouest, l’une villes les plus puissantes de la Libye post-Kadhafi. La bataille a eu pour épilogue provisoire l’annonce, dans la soirée de dimanche, de la suspension du CGN par le commandant de la police militaire. S’exprimant sur deux chaînes de télévision privées, le colonel Mokhtar Fernana a déclaré confier le pouvoir législatif au comité des soixante, élu en février pour rédiger la nouvelle Constitution, et appelé au maintien du gouvernement dirigé par le premier ministre démissionnaire, Abdallah Al-Thini, jusqu’à la tenue de nouvelles élections parlementaires.


 

Une intervention qui vise à invalider l’élection, lors d’un scrutin contesté au CGN le 4 mai, de l’homme d’affaires Ahmed Miitig au poste de premier ministre, le jour même où celui-ci présentait la composition de son gouvernement.

« ILS NE REPRÉSENTENT PERSONNE »

« Ils ne représentent personne et n’ont aucune autorité pour suspendre le Parlement », a déclaré au Monde le député Ala’a Megaryef, assurant que le CNG poursuivrait ses travaux jusqu’aux prochaines élections, censées se tenir cet été. Les annonces du colonel Fernana, un des hommes forts de Zenten, ont été accueillies avec plus de circonspection encore par la population, qui y voit un énième épisode de la rivalité entre les milices et leurs obligés au sein des institutions politique et militaire. Elle observe, depuis plusieurs mois, avec défiance la lutte de pouvoir qui se joue, au sein du CGN, entre les forces libérales, soutenues par les Zentanis, et le courant islamiste, appuyé par les milices de Tripoli et de Misrata, un grand port à l’est de la capitale. Ces dernières ont remporté une victoire avec la démission en mars du premier ministre libéral Ali Zeidan, en fuite en Allemagne, et son remplacement par leur favori, M. Miitig.

Des blindés des forces régulières libyennes se joignent aux forces de sécurité pour protéger le Parlement, dimanche 18 mai à Tripoli.
Des blindés des forces régulières libyennes se joignent aux forces de sécurité pour protéger le Parlement, dimanche 18 mai à Tripoli. | AP

Une majorité de Libyens exprime désormais son souhait de mettre fin au mandat du CGN, accusé d’avoir contribué à l’anarchie actuelle, en laissant prospérer les ex-brigades rebelles, tombeuses de Kadhafi en octobre 2011.

La personnalité du général Khalifa Hiftar, chef autoproclamé de la coalition hétéroclite qui conteste le CGN, suscite tout à la fois espoir et aversion au sein de la population. Ce militaire à la retraite, originaire de Benghazi mais ayant vécu à Syrte, a participé au coup d’Etat qui a porté le colonel Kadhafi au pouvoir en 1969. Il demeure dans son entourage jusqu’à sa capture pendant la guerre du Tchad, en 1986. Lâché par le dictateur, M. Hiftar s’exile alors aux Etats-Unis, avec l’aide, selon certaines sources, de la CIA. Revenu en Libye après le début du soulèvement contre Kadhafi, en février 2011, il se hisse au rang de numéro trois des forces révolutionnaires. Son ascension, jalonnée de controverses, semble prendre fin en août 2012, avec la dissolution du Conseil national de transition, la vitrine politique de la rébellion.

RÉSEAUX EN CYRÉNAÏQUE

Mais l’ambitieux général prépare son retour. Le 14 février, dans une vidéo retentissante, il proclame la suspension des institutions de transition. L’échec de cette annonce, qualifiée de tentative de coup d’Etat par Tripoli, n’entame pas sa détermination. L’homme se recentre sur ses réseaux en Cyrénaïque, la région orientale, historiquement hostile au pouvoir central, en raison de décennies de négligence. Il s’allie notamment avec Ibrahim Jadhran, chef autoproclamé d’un « gouvernement de Cyrénaïque » et patron des brigades qui bloquent depuis juillet 2013 les principaux terminaux pétroliers de l’est du pays.

Des hommes armés devant le Congrès général national, le 18 mai à Tripoli.
Des hommes armés devant le Congrès général national, le 18 mai à Tripoli. | REUTERS/STRINGER

En lançant, le 16 mai, l’« opération Dignité » pour éradiquer les milices islamistes de Benghazi, accusées d’être derrière les attaques contre les forces de sécurité et les représentants de l’Etat, le général Hiftar renforce les doutes qui planent sur ses intentions. Pour les uns, il apparaît comme l’alter ego, voire le bras armé en Libye, du maréchal Sissi, en passe d’être élu président en Egypte après un coup d’Etat réussi contre les Frères musulmans. D’autres saluent son action contre les milices islamistes radicales, comme Ansar Al-Charia. Rallié par quelques éléments de l’armée, équipés de chars et d’avions, le général Hiftar a lancé son « armée nationale libyenne » à l’assaut des bases des brigades du 17 février et d’Ansar Al-Charia. Après l’attaque, qui a fait au moins 79 morts et 141 blessés, il a retiré ses troupes. Un repli qualifié de tactique et aussitôt occulté par l’opération menée dimanche contre le CNG, dont le général Hiftar revendique la paternité.

Son soutien affiché au colonel Fernana a dévoilé un peu plus ses appuis à l’ouest du pays. Une coalition d’intérêts émerge contre les forces islamistes et les milices de Tripoli et de Misrata, qui avaient quitté la capitale à la suite de combats en novembre 2013. Elles pourraient réinvestir Tripoli en cas de rejet de l’appel au cessez-le-feu.

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