Aller à…
RSS Feed

26 avril 2024

Ce que l’on pensait quand nous étions enfants, c’est que l’Algérie était le pays des merveilles, le pays des martyrs, le plus beau pays au monde


 Ma chronologie :
yassine zAÏD
30/05/2014
Ce que l’on pensait quand nous étions enfants, c’est que l’Algérie était le pays des merveilles, le pays des martyrs, le plus beau pays au monde, les pilotes algériens étaient les meilleurs, le blé algérien était aussi le meilleur, que SAD EL AKHDAR était un projet miracle, que Boumediene était le seul homme au monde que Israël redoutait etc….
 
Les débuts…
Beaucoup d’espoirs, beaucoup de rêves, beaucoup d’énergie, c’était les débuts. J’ai quitté l’école très tôt, et je me suis investi dans le monde du travail, d’abord dans une multinationale. C’était un début agréable,  et quand quelqu’un me posait la question, je répondais très vite nekhdem m3a les américains (je travaille avec les américains). Puis petit a petit, j’ai commencé à découvrir une autre Algérie, pas celle qui me garantirait ma dignité, un autre monde qui n’est pas aussi agréable que ça en a l’air, où si tu veux réagir aux conditions de travail ou protester, le premier à vouloir te poignarder dans le dos sera ton collègue de travail, il ira directement voir le boss et éventuellement te dénoncera. Ainsi, on apprend vite à faire attention à ses relations et ses dires, un peu comme ce que l’on apprend en prison.
 
Le syndicalisme…
En 2004, j’atterris dans une entreprise en tant que responsable de sécurité, je ne manquais de rien, contrairement à des milliers d’autres travailleuses et travailleurs. Le climat était glacial, « tu travailles et tu te tais », sinon il y en a des milliers comme toi qui attendent devant le porte.
 
Alors je commence à motiver les travailleurs, étant en contrat permanent je pensais que je ne risquais rien, le projet se diffuse auprès de tout le monde…l’idée est de créer un syndicat et vite. Quelques mois après, le syndicat a vu le jour, et étant novice dans le domaine, je comptais beaucoup sur mes autres camarades. Le lendemain de la création du syndicat, six membres du syndicat démissionnent, la direction avait fait son travail le soir même de l’assemblée générale. Je me suis donc retrouvé seul comme secrétaire général du syndicat, sans aucune expérience. Quand je disais parfois aux travailleurs de ne pas s’inquiéter, que j’irais à Alger s’il le faut directement à la centrale syndicale voir Said Saadi et cofonder une responsable syndicale avec un chef d’un partit polotique, on me répondait « Yacine tu déconnes, tu n’a rien à voir avec le syndicalisme ».
 
Ils avaient sans doute raison, et  j’allais vite regretter d’avoir pensé à améliorer leur quotidien, car face a moi ce n’était plus seulement la direction qui allait s’y opposer mais également celui qui devait en principe être mon allié, Abdelmadjid Sidi Said de l’UGTA -notre syndicat d’affiliation- ; la justice ; l’inspection de travail ; de nombreux travailleurs, dont ceux qui s’étaient portés témoins dans une plainte contre moi pour injure et insulte à l’encontre d’un responsable. Ils ont juré devant le juge que j’ai  insulté ce responsable parce que je n’ai pas supporté de le voir les traiter comme des chiens. Peut-être que je n’aurais pas du et qu’ils avaient peut être raison. J’ai regretté d’avoir voulu défendre les droits des travailleurs, regretté d’avoir crée un blog et de m’être attaqué à cette multinationale, regretté d’avoir vendu ma maison pour faire face aux énormes frais de justice à cause des nombreuses plaintes qui se sont déchaînées contre moi pour « diffamation sur Internet » comme ils disaient, regretté d’avoir divorcé, d’avoir recommencé à fumer, dieu merci je ne me suis jamais drogué sinon je ne serai pas là maintenant à vous raconter ce parcours. Mais maintenant, cela a bien changé, je ne regrette rien, parce que j’ai eu gain de cause après six années de combat, j’ai porté plainte à l’étranger, dans leur propre maison comme on dit, eux qui m’avaient massacré par ma propre justice dans mon propre pays, et j’ai finalement gagné leur « justice ».
 
Ce que j’ai fait n’a rien d’exceptionnel, rien d’un héros,  d’ailleurs un héros ne regrette rien dans les moments difficiles et continuent son combat tête levée. Au moment où je subissais tout ce harcèlement on m’avait proposé de tout arrêter, et mes déboires seraient alors terminés,  j’aurais sans doute pu accepter car je n’avais plus de force de continuer à leur faire face, et je n’ai pas honte de le dire, car c’était vraiment moi à l’époque.
 
Bon, c’est une très longue histoire en tous les cas, beaucoup peuvent en retirer de leçons, mais ce que j’ai pu en retirer c’est que quelque soit le résultat d’un combat juste, on n’en retirera aucune leçon si on n’est pas conscient d’avance des risques, et que l’on n’est pas prêt à se battre malgré cela et à surmonter la peur.
 
Les droits de l’homme…
Je ne suis plus seul, tous les syndicats me connaissent, et à mes cotés se trouvent les syndicalistes autonomes, de braves femmes et hommes qui eux aussi ont beaucoup enduré, c’est une famille qui ne te lâche pas, je peux donc m’attaquer aux choses sérieuses. J’adhère à la Ligue des droits de l’homme, le sujet n’est plus seulement mon ancienne employeur, je trouve que c’est tout le pays qui va mal. Alors, j’investie la toile, les réseaux sociaux, Youtube (ma préférence), et je commence à diffuser des reportages sur la précarité et la misère. Je dois tout cela à Gholam Allah, le ministre des affaires religieuses qui lors d’une interview dans un quotidien algérien avait lancé ces propos « aucune personne n’a faim en Algérie ». Ces propos m’ont révolté, je prends ma caméra, et je commence à diffuser des reportages chaque jour et je les dédie aux ministres, jusqu’à l’histoire terrible de Hadja Rahma, allah yerhameha, dont l’histoire a ému le web, et qui était aussi la raison de rencontre avec ma femme. De nombreux messages de soutien, tout le monde a réagi, je recevais des messages tel que  « Yacine, bravo, s’il n’y avait quelques hommes comme toi, ce pays changerait etc. ». La réception de milliers de messages de ce genre, ça peut faire tourner la tête.
 
Mais jusque là, je ne dérange personne, ou presque, je suis très content et je ne m’arrête pas là. Je commence à diffuser des vidéos sur la torture, la corruption, le DRS… oupsss en va dire que je me positionne pour le « clan Bouteflika »! C’est à partir de la diffusion d’une vidéo sur la torture d’un jeune de Ouargla par des agents de DRS, que quelques mois après j’ai fait l’objet d’une fiche signalétique N° FA1100509 du 08/03/2011 ainsi que d’une « carte » N° T000125 du 08/03/2011, émanant du centre du DRS de Bouzareah à Alger (cité dans mon jugement, l’affaire de Ouargla). Cela devient alors sérieux, et la campagne de dénigrement est lancée, tantôt des articles de presse, des vidéos sur Youtube, m’accusent de travailler pour la CIA, le Qatar, le Mossad même, enfin la fameuse « main étrangère » et ça ne s’arrête pas. A un moment donné, ça blesse, je l’avoue, et j’en reviens à me dire que je ne peux plus supporter tout cela, puis je me sens seul, moins de messages de soutien, pire encore : « Wache Yacine ? Tu ne fais plus rien, wache on t’a acheté ? Tu vas à l’étranger….chaque mois dans un autre pays…les droits de l’homme des salons… ».
 
Mais j’ai mal pour mon pays, comme vous tous, et je ne sais pas comment faire, chaque initiative que j’entreprends est avortée, je fais de mon mieux, je ne suis pas responsable, où sont les autres ? (je le pense sérieusement)… mais qui sont les autres ? Je n’ai vraiment pas de réponse, je pense aux autres, très courant comme alibi…Alors qui est responsable en dehors du Pouvoir ? Comment peut-on se taire, il s’agit de notre pays, et donc même si nous ne sommes pas des héros, pas responsables, pas victime de harcèlement, pas syndicalistes, pas militants des droits de l’homme, nous sommes des Algériennes et Algériens, et ce pays nous appartient. Alors comment faire pour que chacun de nous puisse laisser son empreinte, puisse réagir, comment peut-on crée un front pas juste pour dire « c’est mon idée à moi » ou avoir le dernier mot, juste pour le pays, quelques chose pour ce pays.
 
Dupé facilement…
Quand j’ai voulu crée un bureau de la ligue à Laghouat, je recevais des jeunes que je voulais orienter, envoyés par un ami en commun par exemple, des personnes venaient me voir, on parlait plus d’une heure, puis je constate qu’ils sont tout les deux motivés, mais une heure après l’un deux vient me voir pour me dire « écoute Yacine, je ne voulais pas trop parlé devant mon copain, j’ai des doutes sur lui, je pense qu’il travaille avec eux », et le deuxième vient me voir deux heures après et tient les mêmes propos, il doute que son ami « travaille pour eux »…Mais qui ne travaille pas pour eux alors ?[U1] 
 
Partager

Plus d’histoires deLibye