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19 avril 2024

La guerre des messianismes


 

SOLIDARITE PALESTINE
Théopolitique

La guerre des messianismes

Manuel de Diéguez

 

Vendredi 30 mai 2014

1 – Aux origines du messianisme américain
2 – Un messianisme national
3 – Deux messianismes et deux cochers
4 – La bête masquée par le sacré
5 – Le sang de l’Histoire
6 – Les deux messianismes
7 – La cécité démocratique
8 – Le discours de la Maison Blanche
9 – Le messianisme de la raison

 

1 – Aux origines du messianisme américain

Tenter de peser le destin politique de la France et de l’Europe, c’est chercher la balance à peser le cerveau du monde, et cette pesée passe par l’approfondissement de la connaissance de l’humain. L’heure de radiographier un humanisme mondial devenu une coquille vide dans nos écoles a sonné pour les héritiers de la Renaissance dont nous sommes les paresseux survivants; et ce serait déposer une coquille vide sur les plateaux de cette balance de renoncer au courage de l’esprit critique; car notre anthropologie superficielle s’est chapeautée de messianisme il y a trois millénaires seulement pour se scinder aussitôt entre deux sotériologies clairement séparées, l’hébraïque et la chrétienne. C’est cela que seule une anthropologie des mythes sacrés permettra d’éclairer quelque peu.

La semaine dernière, j’ai commencé de raconter non point ce qui se passe en ce moment dans les coulisses du journal Le Monde – un film en cours de tournage sur le sujet sortira dans les salles dites obscures en septembre, mais seulement sur le modèle d’un récit amusé des querelles d’acteurs en représentation sur les planches du théâtre qu’on appelle l’actualité Pour ma modeste part, j’ai tenté de visiter les coulisses de la géopolitique à la lumière des relations nouvelles et tempétueuses que le sionisme contraint désormais deux acteurs vieillis sous le harnais à entretenir derrière les décors, à savoir les propriétaires des journaux et les rédactions. Car il faut se résigner à le constater: le sionisme est un personnage réel, et ce personnage a débarqué en chair et en os dans l’histoire contemporaine sous les habits nouveaux dont le XXIe siècle a commencé de le vêtir.

2 – Un messianisme national

Grandeur et servitude militaires, écrivait un peseur du messianisme guerrier, Alfred de Vigny. Sonder la grandeur et la servitude de la vocation messianique du journalisme est une nécessité dès lors que le destin du monde se réduirait à des bulles de savon si nous jouions les Tacite et les Thucydide avec le bâillon d’un interdit tyrannique sur la bouche, celui de nous poser clairement la question de savoir si le messianisme inné de la presse tombera dans le burlesque parce que le statut des phalanges intellectuelles des nations se trouvera scindé entre Israël et le monde.

C’est pourquoi, le 23 mai, j’ai tenté de poser la question de la mission d’une diaspora dichotomisée entre deux patries. Mais pour comprendre la bipolarité qui compénètre l’intelligentsia mondiale, il faut s’interroger sur la scission qui divise la notion même de messianisme entre la localisation sioniste du message identitaire d’un peuple et son universalisation américaine et pseudo démocratique. Car la démocratie d’outre-Atlantique a universalisé une sotériologie patriotique: le drapeau de la Liberté mondiale s’est hissé sur la hampe d’une religion nationalisée, et c’est à ce titre que le christianisme de Calvin est devenu américain sur notre astéroïde.

On ne saurait donc soumettre le sionisme planétarisé à une psychanalyse anthropologique de ses composantes cérébrales si l’on ne radiographiait pas la théologie de la politique, donc le messianisme et le prophétisme de l’Amérique en tant qu’empire en expansion territoriale et religieuse confondues et si l’on n’en comparait pas les paramètres avec l’eschatologie d’Israël, dont le sionisme divinise seulement quelques arpents de la Judée, de la Galilée et de la Samarie.

3 – Deux messianismes et deux cochers

Au terme de la treizième et de la plus orageuse des « négociations » qui se sont déroulées entre Israël et John Kerry – orageuse, parce qu’elle portait sur le « conflit » diplomatique censé banalisable et baptisé d' »israélo-palestinien » par la presse internationale – il s’en est fallu de peu que la question fût posée pour la première fois de la véritable nature de ce débat – mais la politologie mondiale n’est pas sortie du Moyen-Age. Et pourtant, une réflexion énigmatique – aux yeux d’une anthropologie dont l’observation de l’animal auto-sacralisé ferait enfin l’objet – a été entendue de la bouche de de M. Naftali Bennett, le plus messianisé, précisément, des ministres du gouvernement de M. Benjamin Netanyahou. Que signifient les violents reproches adressés par ce théologien de droite au Ministre américain des affaires étrangères pour sa lecture messianique des évènements, puisque, comme il est dit plus haut, la politologie moderne ne dispose encore d’aucune science de l’animal transcendantal qui permettrait aux négociateurs de connaître le terrain psychogénétique de la théopolitique sur lequel les deux parties se situent sans en comprendre les arcanes?

Comment expliquer qu’Israël se dise en mesure de faire grief à son interlocuteur américain de s’égarer dans une sotériologie délirante, un mythe en folie, une eschatologie rédemptrice , une épopée du salut et de la grâce abusivement universalisés, alors que, de son côté, Washington accuse Israël de se raconter une histoire biblique prise à la lettre, de s’égarer sottement dans un fantastique vétéro-testamentaire, de changer l’histoire en un théâtre du surnaturel? Pour que deux finalismes cosmologiques aussi salvifiques l’un que l’autre ignorent leur propre complexion au point de se lancer à la tête des accusations d’hérésie sans rémission, alors qu’ils participent viscéralement d’une même rédemption formalisée, voilà qui nous invite à nous demander ce qui rend incompatibles deux débarquements du récit d’une délivrance mythique de l’humanité. Car les deux torrents de ce messianisme s’épaulent l’un l’autre et courent côte à côte depuis quatre cents lustres.

4 – La bête masquée par le sacré

La démocratie mondiale – et l’américaine avant toute autre – porte le sceptre et l’auréole sinon mêlés, du moins parallèles, d’une révélation unique et terminale, celle du mythe de la Liberté. Il s’agit d’un évangile, donc d’un instrument de croisade, donc d’une annonciation, donc d’une arme de guerre; mais, de son côté, le monothéisme hébreu se contente de sacraliser une parcelle du globe terrestre. Ce coup de projecteur de l’absolu change un peuple microscopique en une phalange glorieuse d’élus prédestinés à se trouver sauvés à titre collectif sous la foudre et la houlette d’un Jupiter férocement sélectionneur. Comment se fait-il que deux explosions eschatologiques dont le crâne dédoublé des évadés de la zoologie se veut le théologien laissent la bête damnée et la bête sauvée ignorer leur nature respective et comment se fait-il que la parenté qui relie étroitement entre elles les nombreuses sotériologies dont cet animal se fait un théâtre, échappe à sa connaissance et se dérobe même à l’attention de ses simianthropologues?

Pour tenter de comprendre un prodige cérébral aussi diversifié selon les époques et les lieux, il faut remonter aux origines de l’espèce surréelle. Le bimane aux neurones à jamais séparés du monde visible n’a commencé que fort tard – avec les monothéismes seulement – à armer ses domiciles aériens des poignards et des glaives de ses victoires et de ses défaites sur les champs de bataille. Quand les Romains conquéraient l’Angleterre ou la Germanie, ils ne prétendaient pas apporter la Liberté, mais, tout au contraire, une servitude méritée aux yeux des dieux vaincus – et les victoires des légions scellaient leurs triomphes du sceau incontesté de la légitimation de leurs exploits.

C’est le monothéisme hébreu, puis chrétien qui, les premiers, ont dédoublé les lauriers récoltés par des carnages de tout l’éclat du divin; et cette tiare prestigieuse était déjà celle d’une Liberté sacralisée chez Saint Jean et Saint Paul. Naturellement, la raison du plus fort n’en est pas moins demeurée la meilleure en tous lieux; mais depuis lors, l’humanité s’avance d’un siècle à l’autre sous les chasubles de sa sainteté. A toutes les époques, des ailes de séraphins poussent dans le dos des colosses de l’histoire; mais la taille de ces plumages s’est proportionnée à la musculature des géants divinisés par leurs ailerons. Il faut donc comparer entre eux les masques d’anges qu’arborent les diverses religions, puis les mettre en regard de la stature terrestre des bêtes tout subitement célestifiées.

Telle est la balance d’une anthropologie dont les plateaux pèseront les ailes du messianisme d’Israël, d’un côté et celles de la démocratie mondiale américanisée de l’autre; car les deux eschatologies ne dessinent leur effigie sanctifiée et n’arborent l’écusson de leur Liberté théologisée qu’à l’école de l’étendue des territoires qu’elles occupent sur notre astéroïde.

5 – Le sang de l’Histoire

C’est dire que, sitôt devenues les solitaires du cosmos, ni la divinité des Hébreux, ni celle des chrétiens n’ont ambitionné de mettre tout de suite et définitivement la main sur des territoires d’une superficie illimitée. Voyez la dispute entre les « saints de Jérusalem » – les disciples de Jésus demeurés sédentaires d’un côté et, de l’autre, l’universalisme voyageur et le prosélytisme impénitent de Saint Jean et de saint Paul. Cette dispute a tout de suite porté sur la question cruciale de savoir s’il était légitime que le mythe du salut se trouvât exporté à foison et répandu avec ardeur parmi les « gentils », c’est-à-dire les nations, les « gentes » ou bien si la manne de la grâce divine fécondée à nouveaux frais par la Croix, devait demeurer enclose entre les seules murailles du « peuple élu ». Israël conserverait-il le monopole de la délivrance de l’humanité? La question de l’expansion territoriale du messianisme n’est donc qu’un corollaire de sa théologie avare ou gaspilleuse de la grâce.

On sait que l’expansionnisme généreux de la théologie chrétienne du « salut » a aussitôt triomphé de sa provincialisation parcimonieuse et que la foi demeurée municipale d’Israël s’est retranchée et même barricadée dans l’enceinte de Jérusalem. Les « saints de Jérusalem » recevaient les fonds que Saint Paul récoltait en abondance parmi les gentils et qu’il envoyait méticuleusement aux grippe-sous du ciel de la ville sainte. Du coup, le monde entier s’est divisé entre deux types d’alliances du ciel des anges avec les guerriers d’ici-bas. La potence s’est révélée un symbole plus parlante de l’histoire meurtrière de l’humanité que les Ecritures réputées dictées à Moise sur le Sinaï.

Aussi les croisés ont-ils pu porter une double armure, celle de l’éternité de Dieu et celle de la précarité des Etats; et les conquistadors ont converti les Incas en brebis dociles d’un gibet scindé entre l’universalité de la vérité céleste et les gloires passagères de la terre. Mais comment le saint génocidaire du Déluge, puis le tortionnaire insatiable des trépassés sous la terre apportait-ils la délivrance aux sauvages? Par l’estrapade et la noyade ?

Cette question n’a pas tardé à fissurer la cuirasse du Dieu de Justice; et l’on a vu les armées de la piété se ruer sur l’Occident jusqu’à Poitiers, tandis que le reste de l’univers s’est partagé entre les dévotions de Constantinople et celles de Rome. Puis l’Europe s’est scindée entre les protestants d’un côté, qui refusaient tout net de boire à pleines rasades le sang frais et de dévorer la chair crue de leur prophète et, de l’autre, les mangeurs de cette viande et les buveurs de l’hémoglobine de leur ciel.

Dans les deux mythologies, la question anthropologique posée dans l’inconscient guerrier de tous les messianismes était celle du statut du sang mi-réel, mi-surréel de l’histoire de l’humanité. Du coup, le messianisme du propulseur céleste des neurones de la bête conquérante a partagé le torrent de ses grâces entre l’Amérique de Calvin et l’Italie du saint Pontife romain; et seul Israël est demeuré l’arme au pied dans l’enceinte de son Jahvé inexpugnable, mais privé des aliments salvifiques du sang et de la mort.

6 – Les deux messianismes

Du coup, on comprend mieux l’intérêt politique décisif, aux yeux des Etats-Unis d’aujourd’hui, de traquer un Jahvé entêté à se camper sur ses terres et à opposer son messianisme d’assiégé résolument debout sur ses deux jambes au salut dissolvant qu’éclaireront les pâles bougies des idéalités mondiales. Avec l’Amérique, le salut s’est armé jusqu’aux dents du millepattes de la démocratie, mais au risque de se noyer dans des abstractions faussement salvifiques et cuirassées de concepts stériisés par leur sacralisation verbale. La toge du dieu Liberté sera immaculée, mais tentaculaire, vaporisée mais griffue, effilochée, mais dentue.

C’est pourquoi le messianisme sédentarisé dans sa niche de M. Naphtali Bennett accusait le messianisme internationalisé de M. Kerry du péché paulinien et johannique de tomber dans le tentaculaire d’une toile d’araignée du sacré, parce qu’Israël n’est pas planétarisé pour un sou par son Jahvé déguisé en père de famille. Quel effarement de voir le géniteur vieillissant d’Israël s’universaliser sur le tard et armer de pied en cap une masse d’indigènes en Palestine! Un Dieu bien retranché sur son champ de bataille demeure à l’abri tant des sortilèges ravageurs de l’ubiquité salut que des exploits sanglants des magiciens délocalisés et surtout de la tentation des dieux sénescents de se survivre dans une progéniture hors de saison.

Mais comment la Maison Blanche ne conjurerait-elle pas le danger que le dieu des Hébreux fait courir à ses fortins? Si Jahvé s’obstine à ne camper que dans les pénates de ses élus et s’il remplace les dieux lares des Romains par un Jupiter indélogeable de son mont Sinaï, cette épine dans le pied de Washington lui interdit de faire régner ses vapeurs de Brest au Caucase, de faire entendre les foudres du salut démocratique mondialisé et de répandre les torrents de la grâce que le dieu Liberté déverse sur toute la terre habitée. Comment dorer le sceptre de l’abstrait et sertir la déesse Majorité des diamants d’un vocabulaire messianisé si ce têtu de Jahvé vous nargue à demeurer l’arme au pied dans sa casemate?

7 – La cécité démocratique

Trois exemples seulement.

Les Etats-Unis d’Amérique comptent trois cent cinquante millions de consommateurs, l’Europe sept cent quarante millions. Tout le monde comprend que si les premiers demandent aux seconds de conclure un traité de libre échange de leurs marchandises, les seconds se trouveront submergés de produits fabriqués à la chaîne, tandis que l’autre camp n’absorbera jamais que la moitié de ce commerce.

Qu’est-ce qui empêche les classes dirigeantes du Vieux Monde de s’apercevoir qu’il s’agit d’un grotesque attrape-nigauds? Croyez-vous que si le mythe de la Liberté ne mettait pas un bandeau sur les yeux de cet immense réservoir de dupes, un si titanesque subterfuge ne demeurerait pas bien visible? Mais si, de surcroît, cinq cents garnisons et places-fortes consolident le bandeau, comment le bon sens ferait-il encore tenir grands ouverts les yeux des vassaux? En revanche, si quelques phalanges de la lucidité publique devaient monter sur les remparts, où les recrutera-t-on, sinon dans les rédactions? Débâillonner ces dernières est donc la seule mesure de salut public qui répondrait à la situation; et, dans ce cas, un accord entre elles leur permettrait, le même jour et dans toute la presse, d’imposer la royauté d’une raison politique tellement élémentaire qu’elle aurait crevé les yeux de tout le monde à Rome à l’heure des guerres puniques – car, en ce temps-là, les dieux du langage n’obscurcissaient pas encore la vue des fidèles, mais au contraire, leur écarquillaient les yeux davantage.

Second exemple: la vassalité rend muet. On n’ouvre plus la bouche de crainte d’évoquer les vrais sujets. Mais ceux-ci s’infiltrent sous les carapaces du silence. On vient d’élire des députés de l’Union européenne au Parlement de Strasbourg sans que personne n’ait demandé aux électeurs: « Que faisons-nous des bases américaines dont la seule présence sur nos terres paralyse nos négociations avec la Russie et la Chine? Que faisons-nous face aux nations émergeantes qui nous appellent à épouser le destin de la planète de demain? » Mais l’interdiction de formuler ces questions les pare de tout l’éclat de leur absence: quand on se demande seulement qui nommera le Président de la Commission de Bruxelles, tout le monde se dit que le suffrage universel n’est pas un oracle omniscient et qui ouvrirait soudainement, spontanément et à lui seul les yeux des nations vassalisées? »

Troisième exemple. Dans les sociétés primitives, si le sorcier en chef échoue trop longtemps à faire tomber la pluie, on le remplace par un autre – mais on ne va pas changer de météorologie. De même , quand Copernic découvre la ronde des planètes autour du soleil, l’Europe essaiera, deux siècles durant, d’adapter l’astronomie de Ptolémée à cette découverte. De même, quand l’Amérique dépense des milliards de dollars à détacher l’Ukraine de la Russie, l’Europe ne changera pas davantage d’échiquier mental que l’Eglise du XVIe siècle – elle se dressera en aveugle contre l' »expansionniste » désigné par le dieu de la démocratie mondiale.

Mais comment l’aveuglement politique des peuples asservis fonctionne-t-il sur le terrain de la vérification expérimentale, donc de l’histoire vécue? On observera le déplacement du regard de la bête vers un autre échiquier, un glissement subreptice du globe oculaire des vassaux en direction du paysage mental biaisé par le mythe que leur maître substitue astucieusement à leur champ de vision naturel. Le maître d’au-delà des mers sait fort bien qu’on n’entre dans l’Union européenne qu’après un examen de passage relativement sévère, on pèse avec soin la prospérité économique du candidat et ses chances de s’enrichir sainement. Si la Grèce n’était pas parvenue à falsifier ses comptes avec l’aide de la banque américaine Goldman Sachs, elle n’aurait pas été admise dans l’enceinte du Vieux Monde.

Ces pesées importent peu à l’empire, puisqu’il n’autorise aucun Etat à entrer dans l’Union européenne sans l’avoir privé au préalable de sa souveraineté réelle – il le colloque toujours et à titre préjudiciel sous le commandement militaire exclusif du général américain dont le quartier général se trouve installé depuis un demi-siècle à Mons en Belgique. Non seulement l’OTAN place les armées nationales européennes sous un commandement étranger, mais la Maison Blanche hisse le pavillon de complaisance de la démocratie mondiale pour lancer le continent de Copernic sur des champs de bataille extérieurs.

Afin de masquer un subterfuge stratégique greffé sur la vie onirique de la bête, un homme de paille, toujours soigneusement choisi dans un pays minuscule et dûment chapeauté du titre retentissant de  » Secrétaire général  » sert d’alibi à la religion de la Liberté universelle. C’est ainsi que M. Rasmussen a tout de suite bondi des coulisses du mythe pour rappeler que le placement de l’Ukraine sous le joug de l’OTAN était le but véritable de l’opération.

C’est de cette stratégie de la vassalisation parareligieuse des cerveaux que M. Vladimir Poutine a fait échouer le génie de la contrefaçon intellectuelle. Et maintenant, le souverain d’outre-Atlantique peine à charger les épaules de la Russie du sac à dos de son propre expansionnisme militaire.

Comment comprendriez-vous la géopolitique sans une simianthropologie qui seule vous éclairera sur l’animalité spécifique du cerveau humain?

8 – Le discours de la Maison Blanche

L’Amérique se dit: « Si Israël persévérait à se présenter en geôlier du messianisme de platebande de Jahvé, la sotériologie sioniste de ce laboureur de la Judée sapera les fondements de notre eschatologie mondiale, et il n’y aura plus de rédemption américaine à l’échelle de la planète du verbifique. Il y va de la définition même du monothéisme chrétien et israélien. Certes, la démocratie a fait basculer le verbe divin dans une animalité conceptualisée, donc vaporisée, certes, cette religion s’est universalisée à l’école de la Révolution ubiquiste de 1789; mais le danger est grand, pour les idéalités de la démocratie mondiale de se changer en ciboires, en encensoirs et en brûle-parfums sur les autels fumants du salvifique moderne. Il faut encager le messianisme de village d’Israël, sinon ce prophétisme de terroir menacera l’empire fumigène de notre démocratie, celle des guerriers d’une Liberté que nous vaporisons à notre profit depuis 1945. »

On voit que la simianthropologie étudie les alliances du sang avec le sacré et que cette science s’articule étroitement avec la géopolitique que les évadés de la zoologie illustrent sur leurs champs de bataille. Le messianisme américain est un Titan blessé au flanc par la Crimée. Comment, se dit la Maison Blanche, maintiendrai-je l’Europe sous mon joug si Moscou, désormais étroitement associé à Pékin, conduit le Vieux Monde à ses retrouvailles avec sa souveraineté antérieure à 1939? Dans ce contexte, si M. Barack Obama et le Département d’Etat échouaient à armer de nouveau le continent de Copernic des feux du messianisme démocratique américain, on verrait tomber en quenouille, sur les cinq continents, le sceptre de la sotériologie et de la rédemption que brandit cet empire.

9 – Le messianisme de la raison

De deux lutteurs, le plus faible ne saurait apporter aide et secours au plus fort. Il faut donc que la puissance s’abaisse à demander la protection de ses vassaux. Alors seulement ceux-ci auront des chances de renaître et de prendre la place de leur maître. Mais jamais, face à sa valetaille, l’empire américain ne se comportera en quémandeur. Du coup comment persévèrerait-il à brandir son sceptre de bois sec? C’est de cela que témoigne la guerre entre les propriétaires du Monde et la rédaction: ce n’est pas à s’agenouiller devant la Maison Blanche, mais en convertissant le sionisme français à retrouver, à sa manière, le nationalisme éternel d’Israël que la France fera passer la communauté juive dans son camp.

Le meilleur exemple de ce renversement d’alliance n’est autre qu’Israël lui-même. On sait que, bien avant le renoncement officiel de l’Europe à ses sottises pseudo-pénalisantes à l’égard de la Russie, Israël a eu l’audace de refuser de s’associer aux sanctions retentissantes, mais stériles, du Dieu « Démocratie ». Pourquoi cela, sinon parce qu’il s’agit désormais d’une guerre à fronts renversés. Les Incas refoulés dans l’enceinte de leurs temples ne faisaient plus le poids face à la sotériologie du messianisme armé de l’époque. Cinq siècles plus tard, on voit le messianisme universalisé de la démocratie mondiale battre de l’aile et dessécher le mythe du salut par l’avènement planétaire du dieu Liberté. Le glaive et l’armure des guerriers du monothéisme américain ont cessé de briller – puisse Israël aider son hôte gaulois à rallier l’Europe au messianisme étincelant de la raison.

le 31 mai 2014Reçu de l’auteur pour publication

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