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la Guerre est un racket


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Opinion

La guerre est un racket

Capitaine Martin

Samedi 21 mai 2014

Le 12 octobre 2012, le prix Nobel de la paix était attribué à l’Union européenne pour « sa contribution à la promotion de la paix, la réconciliation, la démocratie, et les droits de l’homme en Europe ». Autant d’éléments qui figurent en bonne place dans les principes mêmes de la construction européenne. Les gouvernements des pays occidentaux se déclarent naturellement pacifistes ou expriment à tout le moins leur désaccord face à l’émergence de tel ou tel conflit à l’autre bout du monde, sans se rendre compte que ce dernier est une poudrière et que le monde occidental en fournit largement la matière.

Contrairement à ce que laissent penser les menaces de coupes dans le budget du Pentagone ou la baisse des dépenses militaires en Europe, la production d’armement n’est en rien affectée par la crise. Les gouvernements utilisent plusieurs stratégies pour soutenir leurs industries d’armement hors de leurs marchés domestiques, notamment la promotion directe des exportations, le soutien à la réduction des coûts et l’utilisation de la rhétorique sur l’emploi dans l’industrie des armes. En revanche, les pays qui n’ont pas réduit leurs dépenses militaires voient ce dilemme comme une opportunité soit d’obtenir des conditions plus favorables aux importations d’armes, soit de développer leurs propres industries.

Le militarisme a donc le vent en poupe. Mais qu’est-ce que signifie exactement ce terme ? On peut dire que le militarisme est la mise en valeur délibérée des objectifs militaires dans les domaines de la culture, de la politique et de l’économie de telle sorte que la guerre et la préparation à la guerre sont normalisées. Le renforcement des institutions militaires devient dans ce contexte prioritaire.

Quels que soient les régimes en place, « la guerre n’est rien d’autre que la continuation de l’activité politique par d’autres moyens » (Carl von Clausewitz, extraits de guerre). Le militarisme, en revanche, mène inévitablement à un pouvoir militaire fort. Les gouvernements qui s’en réclament glorifient les héros et mettent la morale et l’éthique militaires à l’abri de toute critique.

Le militarisme, aidé par la toute puissance de la machine d’État, irrigue la société dans son ensemble. Elle finit par en adopter les mythes, les comportements et les idiomes. Des études montrent que le militarisme est largement corrélé avec le conservatisme, avec le nationalisme et l’autoritarisme ; il tend consubstantiellement à s’opposer aux libertés civiles, aux principes démocratiques ainsi qu’à la bienveillance envers les pauvres et les faibles en général. Le militarisme risque même de subordonner les intérêts de la société, y compris la santé, à ceux de l’armée.

Ces définitions sont celles d’une équipe de neuf chercheurs dont les travaux ont été récemment publiés sur le site de l’American Journal of Public Health. La conclusion est sans appel : le militarisme constitue une véritable menace pour la société, à l’image d’une maladie psycho-sociale qui nécessiterait des soins préventifs.

« Le 4 juillet (Jour de l’Indépendance, NDLR), il y aura dans toute l’Amérique des discours patriotiques autour du sacrifice des soldats tombés pour la patrie », affirme l’économiste Paul Craig Roberts. « Même le général Smedley Butler a déclaré que ses Marines avaient donné leur vie pour que la United Fruit Company contrôle l’Amérique centrale », ajouta-t-il. « Le général Butler a dit que la guerre était un racket, et que la participation des États-Unis dans la Première Guerre mondiale avait produit là-bas 21.000 nouveaux millionnaires et milliardaires ».

Lorsque le général Butler écrit son pamphlet, il analyse assez froidement les tenants et les aboutissants des conflits. « La guerre est un racket. Et l’a toujours été. Il s’agit probablement du plus ancien, de loin du plus rentable et sans aucun doute du  plus vicieux des rackets. Le seul de portée internationale. Le seul dont les profits sont estimés en dollars et les pertes en vies humaines ».

Selon l’article paru sur le site de l’American Journal of Public Health, 190 millions de décès pourraient être au XXème siècle directement ou indirectement imputés aux guerres. Washington a une grande part de responsabilité dans cette tragédie qui a commencé sur le sol américain par le massacre des Indiens. Depuis, les États-Unis sont allés guerroyer de par le monde sans toutefois que leur intégrité territoriale ne soit menacée une seule fois : Cuba, Haïti, le Mexique, les Philippines, le Japon, l’Allemagne, la Corée, le Vietnam, Panama, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, et la Somalie ne sont que quelques-uns des pays qui ont subi les foudres étasuniennes.

Mais à y regarder de plus près, les États-Unis (exceptions faites des conflits fondateurs…) n’ont pourtant véritablement gagné de guerre. Les confédérés, bien qu’en infériorité numérique, ont souvent défait les généraux de l’Union. L’Allemagne a été vaincue par les Soviétiques ; l’invasion alliée en Normandie a été décidée le 6 juin 1944 au moment où l’Armée rouge taillait en pièces à l’Est ce qui restait des armées du IIIème Reich. La menace communiste céda alors la place à la menace hitlérienne avant que les peuples du tiers-monde ne contestent le leadership et le modus vivendi étasuniens.

Aujourd’hui, Washington s’emploie à réactiver la Guerre froide. Les États-Unis  ont orchestré un coup d’Etat qui a renversé le président élu d’Ukraine pour y installer un gouvernement fantoche. Des trublions manipulés par la CIA se sont mis à proférer des menaces envers Moscou et la population russophone de l’Ukraine. Ces menaces ont alors provoqué dans les territoires autrefois russes un légitime sentiment d’émancipation qui s’est traduit dans la presse occidentale par une vision complètement faussée de la réalité : les agressés (les russophones d’Ukraine et partant, le peuple russe) devenaient les agresseurs… ce qui justifiait un vaste déploiement militaire de l’OTAN dans les pays baltes et en Europe de l’Est.

Washington a en réalité besoin de réinventer la Guerre froide pour justifier la centaine de milliards de dollars qui nourrissent chaque année le complexe militaro-industriel, dont une partie sera d’ailleurs recyclée sous forme de dons pour soutenir les campagnes électorales.

« Au XXIème siècle, les pires ennemis des Américains ne sont ni Al-Qaïda, ni l’Iran, ni la Russie, ni la Chine. Les pires ennemis de l’Amérique sont nos propres présidents qui ont déclaré à plusieurs reprises que la « guerre contre le terrorisme » leur donne le droit de limiter les libertés individuelles garanties par la Constitution des États-Unis », dit Paul Craig Roberts.

C’est au moment où le chômage atteignait des niveaux record que Laurent Fabius réaffirmait fin 2012 que « la France est un acteur clé au sein de l’Alliance (atlantique, NDLR) sur le plan militaire, politique, financier, et elle entend le rester ». Or, l’Europe et l’OTAN nous dépeignent généralement une réalité biaisée afin d’échafauder les pires stratégies impérialistes.

Le général Butler parlait de racket. La meilleure définition qu’on peut en faire se trouve dans la différence qui existe entre sa réalité et ce qu’en perçoit la majorité des gens. Seul un petit groupe d’initiés sait de quoi il retourne. Il est organisé pour le bien de quelques-uns aux dépens du plus grand nombre. En temps de guerre, d’immenses fortunes sont faites par une minorité.

Le brave général avait trouvé la solution : « un mois avant que le gouvernement n’enrôle nos jeunes, il fait qu’il enrôle le capital, l’industrie et le travail. Que les bureaucrates, les directeurs et les puissants de nos usines d’armement, nos constructeurs aéronautiques, les fabricants de toutes ces choses susceptibles d’engendrer des profits en temps de guerre, sans oublier banquiers et spéculateurs, soient enrôlés… pour 30 $ par mois, pour toucher le même salaire que celui des gars dans les tranchées ».

Avant d’envoyer les enfants des autres, des pauvres, du peuple à la mort, tous ces faucons devraient d’abord envoyer les leurs. Si George Bush avait fait la guerre du Vietnam au lieu de se planquer dans la garde nationale au Texas, il aurait peut-être compris qu’on n’engage pas un pays avec pour seule preuve une fiole de pisse et une hausse de part de marché pour Halliburton.

Capitaine Martin

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