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19 avril 2024

Ukraine : la fin de la partie se dessine


Ukraine : la fin de la partie se dessine

Quand j’ai écrit dimanche dernier que la Russie et l’Europe échangeaient des regards, franchement je ne pensais pas qu’ils se mettraient si vite à flirter. Mais la rencontre à Minsk mardi prochain des présidents de Russie et d’Ukraine, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko, avec la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, signifie qu’une dynamique en faveur de la recherche d’une solution au conflit en Ukraine est à l’oeuvre.

Il y a une semaine, les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, de France, de Russie et d’Ukraine se sont rencontrés à Berlin où « tous les aspects de la crise en Ukraine » ont été discutés et où les hauts diplomates sont presque « parvenus à une interprétation commune de ce qu’il y avait sur le papier », comme l’a résumé pour les médias le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov.

Il est clair que cela a été rendu possible par les consultations en tête à tête qui n’ont jamais cessé entre la Chancelière Angela Merkel et le président Poutine. Le reportage exclusif du 31 juillet du journal anglais The Independent, dont vous vous rappelez peut-être, qui faisait état d’un accord russo-germanique sur l’Ukraine et d’un « plan secret » – les deux se sont ensuite perdus dans le brouhaha qui a suivi le (mystérieux) crash de l’avion malaisien dans l’est de l’Ukraine – ne semble pas avoir été dénué de fondement. (D’ailleurs ces informations n’ont jamais été démenties.)

On peut raisonnablement penser que maintenant que la propagande de guerre anti-russe sur la tragédie de l’avion malaisien s’est éteinte, Moscou et Berlin se sont remis tranquillement au travail. Merkel a fait un discours important à Riga le 18 août où elle a appelé à un rééquilibrage des intérêts russes et occidentaux en Ukraine et dans lequel elle a exclu une présence permanente de l’OTAN dans cette région frontalière de la Russie. L’échiquier Ukrainien constitue, pour la Russie, un grave sujet d’inquiétude que l’Occident a refusé jusqu’ici de prendre en considération.

Merkel se rend à Kiev samedi (jour qui, par une étrange coïncidence, se trouve être le 75e anniversaire du célèbre pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939). On peut peut-être y voir un symbole politique.

Pour le moment il est difficile de dire si Merkel pilote une initiative allemande (ou au mieux franco-allemande) sur l’Ukraine ou si elle a l’aval tacite de l’administration Obama. En fait, l’aile droite étatsunienne semble contrariée par les démarches de Merkel.

L’agence de presse, Associated Press, note, avec ironie, que les efforts de Merkel pour résoudre la crise en Ukraine « soulignent l’ambition croissante de l’Allemagne de devenir un poids lourd diplomatique en plus d’être une puissance économique… en profitant du fait que de nombreuses nations européennes (comprendre l’Angleterre) sont confrontées à des désordres intérieurs et que les États-Unis sont engagés dans d’autres crises ».

Il se pourrait qu’avec les évènements récents au Moyen-Orient (le meurtre du photographe de presse, James Foley, par l’État Islamique d’Irak et du Levant) l’Ukraine – en tant que pivot de la stratégie étatsunienne en Asie – se voie supplantée dans l’ordre des priorités d’Obama en matière de politique étrangère. Je me fais peut-être des illusions, je suis un incorrigible optimiste ; mais peut-être pas. Une chose est sure, la droite néocon réclame à corps et à cris une intervention étatsunienne au sol en Irak et en Syrie. Voyez vous-même l’article de Zalmay Khalilzad intitulé: Plan en cinq étapes pour détruire l’État Islamique.

Maintenant, si Obama ne se laisse pas attirer dans le piège que lui tendent les néocons, il ne devrait pas tarder à se rendre compte qu’il faut mieux se rabibocher avec la Russie au cas où il aurait besoin de la coopération de Moscou dans la nouvelle guerre à venir contre le terrorisme qui représente sans doute une grande menace pour la « sécurité intérieure » étatsunienne, en l’occurrence la guerre contre l’EIIL (qu’Obama lui-même vient de qualifier de « cancer » qui menace tout le Moyen-Orient et qui n’a pas sa place au 21e siècle.)

En tous cas, c’est un moment clé de la dynamique internationale. L’issue de la rencontre des hommes d’État en Biélorussie, mardi prochain, nous dira dans quel sens les grands vents soufflent et comment se restructurent les forces internationales.

Alors quels plats y a-t-il au four en ce qui concerne l’Ukraine ? Il est logique de penser que la Russie va chercher à obtenir un arrêt immédiat de l’offensive militaire ukrainienne contre les séparatistes de l’est de l’Ukraine. Jusqu’ici Washington a poussé Kiev à poursuivre implacablement ses opérations. Mais cela pourrait changer. C’est une première chose.

Si cela arrivait, cela donnerait à la Russie et l’Allemagne assez de latitude pour introduire les termes de l’accord de paix que Poutine et Merkel ont fignolé. Jusqu’ici Washington a systématiquement sapé dans l’oeuf tout effort de dialogue intra-ukrainien. Mais Les États-Unis ne vont pas pouvoir s’entêter beaucoup plus longtemps dans cette sorte de « réjectionnisme » si l’Allemagne pèse de tout son poids en faveur du dialogue.

En résumé, si nous ouvrons les oreilles, nous discernerons peut-être le bruit lointain des tambours indiquant que l’Oncle Sam bat en retraite. Le célèbre stratège russe, Boris Kagarlitsky, dans un article au style provocateur selon son habitude, nous donne un aperçu des tractations et manoeuvres extrêmement complexes qui ont lieu en Ukraine de l’est dans le but de créer un terrain propice aux négociations de Minsk mardi prochain. Une chose est sure, le Kremlin a plus d’un atout dans sa manche.

M. K. Bhadrakumar
Traduit par Dominique Muselet pour vineyardsaker.fr

Source :  Endgame begins in Ukraine (Indian Punchline, anglais, 22-08-2014)

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