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18 avril 2024

Jihadistes tunisiens en Syrie: des familles sous le choc, les autorités inquiètes


Jihadistes tunisiens en Syrie: des familles sous le choc, les autorités inquiètes


Avec le Mercredi 01 Octobre 2014

Un combattant du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, dans un bâtiment détruit du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, au sud de Damas, le 22 septembre 2014

L'analyste tunisien Slaheddine Jourchi, le 6 août 2011, à TunisL’analyste tunisien Slaheddine Jourchi, le 6 août 2011, à Tunis – Fethi Belaid ©AFP/Archives

Un combattant du Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, dans un bâtiment détruit du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, au sud de Damas, le 22 septembre 2014Un combattant du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, dans un bâtiment détruit du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, au sud de Damas, le 22 septembre 2014 – Rami Al-Sayed ©AFP/Archive

Latifa ne comprend pas comment son frère, pieux mais « modéré », a pu rejoindre les rangs de jihadistes en Syrie comme des centaines d’autres Tunisiens. Un phénomène qui inquiète en Tunisie, ces vétérans aguerris pouvant représenter une menace à leur retour au pays.

« Nous étions sous le choc quand nous avons appris le départ de mon frère en Syrie. Il était modéré, il aimait bien la vie », raconte à l’AFP Latifa Gasmi, la sœur de Salim, tué en avril alors qu’il combattait dans les rangs du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda.

Incrédule, elle explique que Salim, 29 ans, employé chez un commerçant en Libye, a rejoint les forces du groupe État islamique (EI) dans un camp à Deir Ezzor, à 450 km de Damas.

« Au cours de ses brefs appels, on a appris qu’il avait été arrêté en décembre 2013 par les combattants du Front al-Nosra qui l’avaient ensuite enrôlé », ajoute Latifa.

« Lors d’une connexion sur Skype, Salim était méconnaissable. Il avait énormément maigri, ses yeux ne brillaient plus. Il pleurait en disant qu’il ne pourrait plus rentrer au pays », dit-elle. Peu après, la famille apprend sa mort au combat.

Le sort de Salim est loin d’être une exception: selon des experts, la Tunisie fournirait le plus gros contingent d’étrangers sur le théâtre syrien, avec de 2.400 à 3.000 combattants. Tunis assure aussi avoir empêché le départ de 9.000 personnes, une donnée invérifiable.

Le phénomène n’est pas pour autant nouveau. Dès le début des années 2000, ils étaient en effet nombreux à rejoindre l’Afghanistan, puis l’Irak. Le fait d’armes le plus célèbre de ces Tunisiens reste l’assassinat, deux jours avant le 11 septembre 2001, du chef de la résistance anti-taliban, le commandant Massoud.

– De tous les horizons –

 

Mais depuis la révolution de janvier 2011, la tendance s’est accentuée, selon des analystes. Car les mouvements jihadistes durement réprimés sous Ben Ali ont profité d’une situation politique chaotique et dominée par les islamistes d’Ennahda pour prêcher librement.

Ces groupes ont alors pu recruter parmi les jeunes qui « ont perdu confiance en l’élite politique » et « ne croient pas en une transition démocratique », relève l’analyste Slaheddine Jourchi.

 

Ces « groupes salafistes jihadistes ont fait le choix stratégique d’envoyer des jeunes en Syrie pour les préparer et former ainsi des cadres qui seront prêts pour un éventuel combat en Tunisie », assure-t-il.

Mohamed Iqbal Ben Rejeb, président de l' »Association de sauvetage des Tunisiens bloqués à l’étranger », note que le phénomène est d’autant plus inquiétant que les combattants recrutés ne sont pas uniquement des désœuvrés.

« L’âge des combattants tunisiens en Syrie varie entre 18 et 27 ans. La plupart sont des élèves ou des étudiants mais il y a aussi des fonctionnaires et ils appartiennent à toutes les classes sociales », relève M. Ben Rejeb, dont le frère, un handicapé de 24 ans, a fait un bref passage en Syrie aux côtés des jihadistes en 2013.

« Mon frère, étudiant en informatique, a été manipulé via internet et par les prêches de membres d’Ansar Asharia (une organisation classée « terroriste » par les autorités) à la mosquée. Ils lui ont fait croire qu’il était un génie de l’informatique », explique-t-il.

« Hamza n’est pas un génie, ces terroristes voulaient juste l’attirer pour l’exploiter dans des attentats suicide », assure-t-il encore.

Les autorités ne sont guère bavardes sur le sujet même si le porte-parole du gouvernement tunisien, Nidhal Ouerfelli, considère le retour de ces jihadistes en Tunisie comme « la deuxième plus grosse menace aujourd’hui après la situation instable en Libye » voisine.

Interrogé par l’AFP, le ministère de l’Intérieur n’a pas voulu détailler sa stratégie en la matière: « Il n’y a que le bâton pour ces gens-là. On ne veut pas de leur retour en Tunisie », lâche simplement Mohamed Ali Aroui, son porte-parole.

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