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26 avril 2024

La mythologie du 5 octobre 1988


Opinion

La mythologie du 5 octobre 1988

Ahmed Halfaoui

© Ahmed Halfaoui

Dimanche 5 octobre 2014

Il y a un consensus général sur le fait que les émeutes populaires d’octobre 1988 ont constitué un point de rupture, dans le mode de gouvernance de l’Algérie. Pourtant, il n’y en a que pour cette « démocratie » qui aurait été le principal fruit de l’événement. Tout le reste est occulté. Le reste, c’est-à-dire l’essentiel, ce qui va bouleverser la vie des Algériens, dans le sens qu’étaient très loin d’imaginer les jeunes émeutiers. Le reste, c’est-à-dire l’exact déni de ce qui les a fait déverser leur colère. Il faut dire que les jeunes insurgés n’ont rien dit, n’ont rien écrit, n’ont pas brandi de calicots. Ils ont juste cassé et brûlé ce qui portait les raisons de leur ressentiment. D’autres qui ont la parole ou la plume leur ont fait dire ce qu’ils n’ont jamais dit. D’autres se sont emparés de leur colère pour en faire leur propre fait de guerre et en profiter à la nausée. Et ce ne seront pas ces militants qui pointaient du doigt les dérives qui ont mis à mal le capital social et économique du pays. Ce seront les dirigeants d’abord, avec feu Chadli Bendjedid, chef de l’Etat, qui répond le 10 octobre par l’annonce de réformes politiques. Ce sera ensuite une foule de discoureurs, sortis d’on ne sait où, qui sauteront dans l’arène libérée pour s’ériger en porteurs de la voix du peuple. Ce seront les Islamistes qui sortiront de l’ombre pour proposer qui le « Salut », qui la « Solution ». Oubliées les prémices de l’orage, cette grève ouvrière qui engloba le complexe de la SNVI (Société Nationale de Véhicules Industriels), toute la zone industrielle de Rouiba, la zone industrielle de Oued Smar, celle d’El Harrach et les unités industrielles d’Hussein dey, Belcourt et Alger centre. Une grève qui n’exprimait en rien le type de réformes, que Mouloud Hamrouche, promu premier ministre, sera chargé de faire passer, ou les slogans destructeurs du secteur d’Etat et du « socialisme », clamés par les « démocrates » et les « islamistes ». « Laissons le peuple travailler » disait-on. Une formule au cynisme sans pareil, dont le peuple va goûter la signification, très vite, lorsque le peu que l’Etat lui prodiguait pris les allures d’un luxe perdu. Et le peuple a été appelé à voter au pas de charge. Il vota à moitié. A moitié il est resté à la maison, s’est promené loin des urnes ou a regardé, l’angoisse dans les yeux, le vacarme qui s’est déclenché. Le peuple qui a voté n’a pas voté pour la « démocratie ». Il a voté pour l’identité amazigh, pour l’Islam ou pour la stabilité. Il continuera de le faire jusqu’au bout, jusqu’à ne plus avoir envie de voter, jusqu’à ne plus voter ni pour ceux qui lui proposaient l’identité amazigh, ni pour ceux qui lui promettaient la « Solution. Pendant ce temps, les réformes auront eu raison de presque tout ce que les jeunes d’octobre 88 voulaient. En premier lieu et principalement, une juste distribution de la richesse nationale, que la corruption mettait à mal. La corruption dont la partie visible s’étalait dans les grandes surfaces, souk-el-fellah ou « galeries algériennes », et les coopératives d’entreprises.

Ahmed.Halfaoui

 

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